Yassir, la start-up algérienne qui prospère au Royaume quand la junte se noie dans sa marocophobie

L'affiche de la signature du partenariat entre la start-up algérienne Yassir et le PSG, avec l'international marocain Achraf Hakimi en vedette.

Alors que les mesures haineuses du régime algérien se suivent depuis des années contre les entreprises marocaines, sans grand effet, des entreprises algériennes installées au Maroc connaissent de véritables success-stories, bénéficiant d’un climat des affaires favorable et d’une bienveillance à toute épreuve. Exemple en est la start-up algérienne Yassir, dont la réussite au Royaume n’a d’égale que la guerre que mène le régime algérien au «made in Morocco».

Le 30/01/2024 à 12h24

Nous sommes à une heure de grande, immense, audience devant LA chaîne de télévision à regarder en ce moment: Arriyadia, soit la troisième chaîne du pôle audiovisuel public dédiée au sport qui a arraché les droits de transmission en direct des matchs des Lions de l’Atlas à la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2023), qui se déroule actuellement en Côte d’Ivoire. Les Marocains ont tous un seul rêve: remporter une Coupe que nous avons manquée tant de fois. L’inflation attendra, la grève des enseignants est oubliée, le ramadan qui arrive paraît encore loin, et même le scandale du procès Bioui-Naciri qui secoue le pays est mis entre parenthèses. Ceux qui le peuvent sont déjà quelque part entre Abidjan et San Pedro. Les autres, et ils se comptent en dizaines de millions, ont les yeux rivés sur leurs écrans de télévision, scrutant la moindre actualité, polémique, blessure ou autres déclarations s’agissant de l’équipe nationale.

Quand arrive l’heure d’un match des Lions de l’Atlas, il n’y a pas l’ombre d’un chat dans nos rues. Du pain bénit pour les annonceurs, qui se disputent la définition même du prime time, redoublant de créativité (toute relative néanmoins) mais aussi, et surtout, de budgets publicitaires pour avoir voix au chapitre quand tous les prospects, clients, prescripteurs ne font que regarder. Et quel est cet annonceur que personne ne rate en pareille occasion, qui revient presque en boucle à l’entame de chaque rencontre, à la mi-temps et à la fin? Réponse: Yassir.

Le nom est doux, «catchy», «relatable». Littéralement «easy». Viral donc. Et le défunt leader palestinien Arafat, qui le portait comme prénom, a, à l’insu de son plein gré, déjà fait le job en en assurant la notoriété, la facilité de mémorisation et le succès. L’impact est garanti, et, pour le coup, gratis. Mais sait-on ce que c’est au juste, Yassir?

C’est une application de transport urbain alternatif (les fameux et désormais incontournables VTC), mais c’est aussi un service de livraison express de repas et de courses sur mesure. Sur le plan innovation au sens strict, Yassir réinvente la roue, mais d’un point de vue marketing, ça claque!

Une success-story au pays des interminables échecs

Ben alors, qu’est-ce qu’il a de particulier, le Yassir? Son origine. Yassir est une application 100% made in Algérie. Pour une fois. Yassir, c’est en effet le nom d’une application lancée à Alger en septembre 2017 par YA Technologies, sur Android et iOS. Développé par deux ingénieurs algériens, Noureddine Tayebi et Mehdi Yettou, le système a d’abord fait fureur au pays des généraux, en déficit chronique de transports en commun, avant de gagner en popularité dans tout le Maghreb et bien au-delà.

En 2023, l’application est présente dans neuf pays (Algérie, Allemagne, Canada, Côte d’Ivoire, France, Maroc, Sénégal, Tunisie et Afrique du Sud) et 50 villes, où elle compte plus de 5 millions d’utilisateurs. Au Maghreb en particulier, Yassir revendique 80% du marché du transport à la demande. Le clou du succès: une impressionnante levée de fonds de quelque 30 millions de dollars opérée fin 2021 auprès d’investisseurs américains. Mieux, le 7 novembre 2022, la start-up a annoncé avoir levé quelque 150 millions d’euros pour financer son expansion en Afrique et dans le monde, affirmant être devenue,à l’époque, «la start-up la plus valorisée d’Afrique du Nord et l’une des sociétés les plus valorisées d’Afrique et du Moyen-Orient». Cerise sur le gâteau, le 11 août 2023, le Paris Saint-Germain et la start-up algérienne ont annoncé la signature d’un contrat de partenariat pour trois saisons. Il rapportera au total 15 millions d’euros au club parisien. Avouons qu’acheter de l’espace publicitaire sur une chaîne de télévision marocaine à une heure de très forte audience, en pleine CAN, c’est franchement peanuts.

Ce qui interpelle, ce n’est pas tant le succès fulgurant, et sain, de Yassir dans une région qui manque affreusement de modèles de réussite. En temps normal, on ne peut, au contraire, que se réjouir de l’existence de licornes maghrébines à même de montrer la voie et inspirer les jeunes entrepreneurs. Le plus étonnant, c’est qu’au moment où l’application algérienne prospère au Maroc, jouit d’un climat des affaires transparent, d’un cadre législatif offrant bien des garanties et d’un marché ouvert où le meilleur l’emporte et où l’origine ne compte pas, l’Algérie voisine mène une véritable guerre contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à du «made in Morocco». Depuis l’arrivée au pouvoir du duo Tebboune-Chengriha, une véritable chasse aux sorcières est menée contre les entreprises marocaines installées en Algérie avec l’objectif avoué, mais à l’insuccès évident, de nuire à l’économie du Royaume. Cela a commencé avec une purge de tous les cadres et dirigeants marocains dans le top management algérien. Abdelhak El Mansour en sait quelque chose, lui qui a été poussé en mai 2021 à la sortie en tant que directeur général d’Amana Assurance, une société algérienne détenue à 51% par deux banques algériennes et une société publique d’assurance (SAA) et à 49% par la Mutuelle d’assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), un groupe français d’assurance.

La réciprocité, ça vous tente?

Peu avant, en avril de la même année 2021, Abdelmadjid Tebboune nous gratifiait d’une «Instruction présidentielle n° 01», distribuée à tous les membres du gouvernement, dirigé alors par Abdelaziz Djerad, et dans laquelle ordre a été donné de rompre tous les contrats liant les sociétés algériennes avec des entreprises marocaines en particulier. Le Maroc est nommément cité dans le texte. Dans la foulée, le même Abdelmadjid Tebboune donnait un ultimatum de dix jours à la Compagnie algérienne d’assurance et de réassurance (CAAR) et la Société algérienne d’assurance (SAA) pour couper tout lien avec la start-up marocaine Orsys Communication, éditrice d’Orass, un progiciel assurant une gestion décentralisée des opérations techniques d’assurance en combinant plusieurs fonctions support au service des acteurs de l’assurance.

Al Mouradia invoquait à l’époque la nécessité de ne pas laisser des données sensibles entre les mains de lobbys hostiles à l’Algérie. S’agissant de Yassir, que dire des données personnelles de millions de Marocains que l’application collecte? Passons.

Les mesures censées «casser du Maroc» sont légion. On retiendra l’instauration, le 22 septembre 2021, d’un rond-point aérien empêchant tous les avions civils et militaires marocains ainsi que les appareils immatriculés au Royaume de traverser l’Algérie. La mesure visait, à l’évidence, la rentabilité de Royal Air Maroc (RAM). Mais quand on sait qu’à peine 15 dessertes de RAM passent par le pays voisin (sur 80) et que la redevance aérienne algérienne était déjà jugée trop élevée, le squeeze a plutôt fait pschiit. On se souvient également du 31 octobre 2021, lorsque le même Abdelmadjid Tebboune a ordonné au groupe public Sonatrach de ne pas reconduire le contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) passant par le Maroc pour livrer l’Espagne. Nous sommes quelques mois après la rupture, fin août, par l’Algérie de ses relations diplomatiques avec le Maroc. Chez le voisin, on ne cachait pas sa joie de voir «triciti» (électricité) coupée au Maroc et les Marocains se livrer une guerre civile pour cuisiner ou se chauffer. Il n’en fut strictement rien et la misère, c’est surtout à l’est qu’elle se donne à voir.

Insulter, ou ne pas insulter, l’avenir?

Le dernière marque de folie furieuse, preuve aussi bien d’une haine viscérale que d’une impuissance totale, a eu lieu le 10 janvier 2024. C’était quand l’Association des professionnels des banques et des établissements financiers (ABEF), groupement qui avait servi en 2022 au blocage des relations économiques entre l’Algérie et l’Espagne suite au soutien apporté par Madrid au plan d’autonomie marocain pour le Sahara, a de nouveau été utilisée pour empêcher ses opérateurs économiques d’effectuer toute opération de transbordement ou de transit via les ports marocains. Il a ainsi été «décidé de refuser toute opération de domiciliation pour les contrats de transport qui prévoient le transbordement/transit par les ports marocains». S’il est vrai que des compagnies maritimes comme Maersk et CMA CGM ont réduit le passage de leurs conteneurs à destination de l’Algérie via le port de Tanger, le grand perdant n’est autre que l’économie algérienne, la mesure se traduisant forcément par une augmentation des coûts de fret et une inflation des prix des denrées alimentaires sur les marchés algériens. Mais cela, la junte n’en a que faire.

C’est tout juste si Abdelmadjid Tebboune cherche le «cliché» qu’il faut à son égo hypertrophié en posant avec des chouchous du moment. Nommons les jeunes dirigeants du même Yassir, ceux-là même qui affirment qu’ils ne doivent absolument rien à l’État algérien. Le 11 juillet dernier, le président algérien honorait, en les décorant, 13 exportateurs algériens, dont la start-up Yassir, affublée du prix du «Meilleur exportateur de services».

Tout est de savoir quelle sera l’étendue de sa joie si le Maroc décidait, et c’est fort peu probable, de s’inscrire dans une logique somme toute légitime de réciprocité. Pour l’heure, fidèle tant à sa doctrine de main tendue qu’à la logique d’économie de marché qui fait sa force, le Maroc accueille à bras ouverts tous les investissements à même de créer de la valeur ajoutée, des richesses et des emplois. Sans distinction d’origine et sans dictats politiques ou idéologiques. Une manière aussi de ne pas insulter l’avenir que le régime fou du pays voisin, dirigé par des voyous sans discernement ni scrupules, ne cesse de piétiner.

Par Tarik Qattab
Le 30/01/2024 à 12h24