Un coût de la vie en hausse mais un taux d'inflation à 3,1% seulement... Explications sur un décalage a priori paradoxal

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Depuis plusieurs mois, les Marocains subissent de plein fouet la hausse des prix des produits de large consommation au moment où le taux d’inflation au Maroc n'est que de 3,1%. Alors que les économistes assurent que l'inflation est maîtrisée au Maroc, comment expliquer ce décalage entre statistiques et perception d'une hausse du coût de la vie?

Le 06/03/2022 à 11h46

Selon les derniers chiffres du HCP, l’indice des prix à la consommation a enregistré une hausse de 3,1% au cours du mois de janvier 2022, l’indicateur d’inflation sous-jacente, qui exclut les produits à prix volatiles et les produits à tarifs publics, a connu quant à lui une hausse de 0,3% par rapport au mois de décembre 2021 et de 3,2% par rapport au mois de janvier 2021.

Du côté de la population, c'est un tout autre tableau qui se dessine, les citoyens dénonçent fortement la hausse des prix qui impacte directement leur pouvoir d’achat, ce qui pourrait laisser penser que le niveau d’inflation calculé est largement inférieur à la réalité sur le terrain.

Contacté par Le360, Omar Bakkou, spécialiste en politique de change, explique que le taux d’inflation enregistré au Maroc est tout à fait compatible avec le contexte international marqué par une hausse générale des prix des matières premières. Selon cet économiste, le Maroc s'en tire même mieux que beaucoup d’autres pays comme les Etats-Unis, où le taux d'inflation se situe aux alentours de 7%, l’Allemagne (5%) ou encore l'Espagne (6%).

«Au Maroc on peut toujours dire que l’inflation est maîtrisée, il ne s’agit pas d’un phénomène économique durable, d’une hausse irréversible et généralisée des prix qui pourrait générer une dépréciation de la monnaie. La hausse des prix qu’on observe actuellement ne relève pas de l’inflation, mais des effets d’une mondialisation mal encadrée», explique-t-il. 

«Nous faisons partie d’un cadre global de la mondialisation qui a permis d’avoir des prix relativement bas de plusieurs produits à travers l’émergence de la Chine, de l’Inde et le développement de la productivité, mais en même temps cela a engendré une pression sur les matières premières, les produits énergétiques et les produits agricoles que nous subissons actuellement», précise Omar Bakkou. Il souligne que «ces pays produisent beaucoup de produits industriels mais mettent la pression sur des ressources limitées. Le Maroc, qui demeure un pays de petite dimension par rapport à ces géants de la production industrielle, se retrouve aujourd’hui dépendant des cours de la matière première sur le marché international, alors qu’il importe la grande majorité de ses besoins».

Si le niveau de l'inflation ressenti par les Marocains est souvent supérieur à celui mesuré par le HCP, ce phénomène s'explique en grande partie par l’importance du poids des produits alimentaires et du transport dans les dépenses quotidiennes des ménages.

«L’impact de cette augmentation des prix est plus important parce qu’elle touche et impacte directement le pouvoir d’achat d’une large frange de la population, du moment qu’elle concerne des produits alimentaires consommés quotidiennement et influe sur le coût du transport qui devient de plus en plus cher», estime cet économiste.

Ce décalage entre le taux d’inflation réel et le ressenti de la population s’explique principalement par un effet socio-psychologique compte tenu du poids de la hausse des prix des produits alimentaires sur le pouvoir d'achat des ménages.

«On retrouve des personnes prêtes à payer très cher des produits de loisir mais qui ne vont jamais accepter que le prix du pain, par exemple, augmente de deux centimes. C'est un effet psycho-sociologique qui remonte à des années: pour les citoyens la sécurité des biens alimentaires doit être garantie par l’Etat. C’est comme les taux directeurs, pour les citoyens il y a aussi des prix directeurs, il s’agit des prix de référence dominants à un moment donné sur le marché», explique encore l'économiste.

Se voulant toutefois rassurant, ce spécialiste souligne qu’aucune intervention de la banque centrale ou des autorités n’est nécessaire pour contrer cette inflation qui demeure passagère. «Par rapport à la vraie inflation dans sa définition macroéconomique, je dirai qu’il ne faut pas s’inquiéter et qu’on n'a pas besoin d’un mécanisme de régulation pour la contrer. On fait, aujourd’hui, face à une augmentation des prix qui touche des produits en particulier dans un contexte international difficile».

Cependant la réponse la plus favorable pour faire face à l’impact de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat de la population défavorisée est l’aide directe. «Je pense que la seule solution pour régler ce problème est d’accélérer la mise en place du registre social pour passer au ciblage de la pauvreté à travers les aides sociales directes, pour que les classes pauvres soient protégées et que la hausse ne soit supportée que par les classes sociales plus aisées», suggère l'économiste.

Par Safae Hadri
Le 06/03/2022 à 11h46