Tout savoir sur le premier centre de prototypage aéronautique au Maroc

Le centre de prototypage aéronautique inauguré mardi 30 septembre, à Nouaceur. (S.Bouchrit/Le360)

Le 01/10/2025 à 10h20

VidéoLe Maroc se dote de son premier centre de prototypage aéronautique. Installé au sein de l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) à Nouaceur, ce nouvel outil offre aux startups un accès à des équipements de pointe et s’inscrit dans une stratégie visant à renforcer l’innovation et la souveraineté technologique du pays. Les détails.

Le premier centre de prototypage aéronautique du Maroc, l’AMC Labs, a été inauguré hier, mardi 30 septembre à Nouaceur. Conçu comme un incubateur industriel, il met à disposition des startups un espace collaboratif et des équipements normés pour concevoir et tester des prototypes selon les standards internationaux.

L’AMC Labs est décrit par Fatima-Azzahra Driouach, directrice générale de l’Aerospace Moroccan Cluster (AMC), comme un centre «maroco-marocain», pensé et conçu localement. «Il s’agit du premier centre de prototypage normé dans l’aéronautique au Maroc. Ce sera la maison des startups, futurs champions nationaux en technologie et en industrie aéronautique pensée, conçue et fabriquée au Maroc», explique-t-elle.

Le principe, ajoute-t-elle, est de mettre à disposition des jeunes un espace collaboratif et équipé, afin de leur envoyer «un signal fort: celui de la mise à disposition des outils pour qu’ils puissent réaliser leurs ambitions en termes de prototypage». Concrètement, l’AMC Labs offre un accès partagé à des équipements d’usinage, de composites, d’impression 3D ou encore de métrologie, le tout aux standards internationaux de l’aéronautique.

L’implantation de ce centre au sein de l’IMA répond à une logique de complémentarité. Pour Fatima-Azzahra Driouach, ce partenariat est «clé» car il permet à la fois d’accueillir le centre, mais aussi de favoriser le transfert de technologies et de compétences. «Cela permet de créer la montée en gamme de la formation professionnelle, en reliant directement la recherche et développement des startups à l’enseignement», souligne-t-elle.

Le projet associe ainsi innovation entrepreneuriale et formation technique. Pour l’AMC, c’est aussi une manière d’ancrer la jeunesse dans un environnement industriel exigeant. «Le Maroc a démontré sa capacité en termes de production et de sous-traitance aéronautique. Désormais, l’ambition est d’avoir des Marocains qui conçoivent et produisent des produits pensés et fabriqués localement, pour atteindre une souveraineté technologique et aéronautique», poursuit notre interlocutrice.

Un projet pilote avec cinq startups

L’AMC Labs démarre son activité en accueillant cinq startups. Le choix a été dicté par une réalité du secteur: peu de jeunes entreprises travaillent sur le matériel. La majorité opère dans le logiciel, alors que les besoins en ateliers, machines et zones de prototypage concernent avant tout le hardware, nous explique un opérateur.

«Dans ce domaine, il y a énormément de valeur ajoutée apportée par les startups innovantes sur le software. Mais il y a très peu de fabricants. Finalement, les cinq startups accueillies sont celles qui en avaient le plus besoin. Personne n’a été éliminé», détaille-t-il.

Les entreprises sélectionnées développent des projets divers, allant des simulateurs aux drones, en passant par le spatial. Cette première phase est considérée comme un projet pilote. L’AMC espère accueillir, à terme, une vingtaine voire une trentaine de startups, signale Fatima-Azzahra Driouach.

Pour Said Benahajjou, président de l’AMC, l’enjeu est plus large que la simple mise à disposition de machines: «Ce centre n’est pas seulement un bâtiment équipé de machines de pointe. C’est un signal fort envoyé à notre jeunesse, à nos ingénieurs, à nos chercheurs et à nos startups. Désormais, ils disposent d’un lieu où leurs idées peuvent devenir réalité, où leurs inventions peuvent se transformer en prototypes compétitifs, et demain en produits industriels.»

Il insiste également sur l’aspect collaboratif du projet. «L’AMC Labs met à disposition des startups et entreprises un ensemble d’outils de production et de prototypage. Ces outils vont donner à nos jeunes talents les moyens d’innover, de tester, parfois de se tromper, mais surtout d’apprendre et avancer. L’innovation est d’abord une rupture, et cette rupture, ce sont nos startups qui l’apportent», fait-il observer.

Parmi les premières entreprises intégrées au centre figure Ombiteck, cofondée par Badr Boutaleb Joutei. Sa vision est claire. «Nous partons de problématiques industrielles concrètes et nous cherchons à transformer nos idées technologiques en solutions réalisables et économiquement viables», dit-il.

Ombiteck revendique une vingtaine de brevets dans des domaines aussi variés que les exosquelettes, les énergies renouvelables, les drones ou la robotique industrielle.

Avec une petite équipe de recherche, la startup développe certains projets en interne, mais sous-traite pour les phases nécessitant des moyens plus lourds. «Ce nouveau centre va donc nous offrir un accès à des moyens technologiques coûteux que nous ne pourrions acquérir seuls. Il nous permettra d’accélérer le passage de l’idée au prototype et de le faire selon les standards internationaux. Cela crédibilise nos démarches vis-à-vis de partenaires et investisseurs», souligne-t-il.

Une filière en croissance

L’ouverture de l’AMC Labs intervient dans un contexte favorable. Le secteur aéronautique marocain a doublé ses revenus en quatre ans. «Nous étions à 8 milliards de dirhams à fin juillet 2021, nous sommes à plus de 16 milliards à fin juillet 2025», note le ministre de l’Industrie, Ryad Mezzour.

Le ministre estime que dans les cinq prochaines années, l’industrie aéronautique marocaine pourrait tripler, voire quadrupler ses revenus. Selon lui, la plateforme marocaine est aujourd’hui prête à aborder des objets plus complexes et à consolider sa place sur la carte mondiale.

Pour les responsables du cluster comme pour les entrepreneurs, l’AMC Labs est une première étape vers un écosystème plus large. Il s’agit d’un outil destiné à faciliter la mutualisation, à créer des synergies entre startups et à rapprocher les mondes de la formation, de la recherche et de l’industrie.

«Nos jeunes ont l’intelligence et l’audace nécessaires pour créer de la valeur et de l’innovation. Certains sont déjà champions en matière de propriété intellectuelle et de brevets. Avec ce centre, nous leur donnons les moyens d’aller plus loin et de montrer que le Maroc est capable de penser et de fabriquer localement», résume Fatima-Azzahra Driouach.

Pour les acteurs de la filière, l’AMC Labs marque le début d’une nouvelle dynamique. Il doit permettre au Maroc de passer d’une industrie aéronautique principalement tournée vers la sous-traitance à un écosystème capable de concevoir et d’innover localement. Les prochains défis concerneront l’élargissement du nombre de startups accueillies et la montée en compétences des talents. Mais pour ses initiateurs, le cap est on ne peut plus clair: inscrire le pays parmi les producteurs de technologies aéronautiques et renforcer son autonomie industrielle.

Par Hajar Kharroubi et Said Bouchrit
Le 01/10/2025 à 10h20