Les prix de la tomate au niveau du marché de gros d’Inzegane, point de départ de l’essentiel de la production nationale vers le reste du pays, ont significativement chuté. Ce matin du mercredi 1er mars 2023, le kilogramme de tomates oscillait entre 1,9 dirham et 2,9 dirhams, selon la variété et la qualité, indiquent des sources interrogées par Le360. La tomate ronde, star du marché national et international, se vendait ainsi entre 2,6 et 2,9 dirhams le kilogramme. Le prix d’un kilogramme de tomates cerises s’est, quant à lui, situé entre 0,9 dirham et 1,3 dirham.
Au marché de gros de Casablanca, le kilogramme de la tomate se vendait, à la même date, à moins de 3,5 dirhams, affirment les grossistes contactés par Le360. Un prix qui inclut les charges de transport, les taxes payées au marché de gros, ainsi qu’aux mandataires des carreaux, en plus de la main-d’œuvre, a noté l’une des sources.
Sollicitée par Le360, une source à l’Association des producteurs et producteurs exportateurs des fruits et légumes (APEFEL), qui a préféré garder l’anonymat, attribue cette baisse des prix à la limitation des exportations des tomates, instaurée depuis mi-février. «Un volume journalier supplémentaire de 200 à 300 tonnes a été destiné au marché national. Cela a eu un impact direct sur les prix qui ont immédiatement baissé», explique-t-on.
Une autre raison est la hausse de la production. Celle-ci, fortement impactée par les conditions climatiques défavorables, a vu son volume passer de 1.200 kilogramme par hectare de serre en décembre à 500 kilogrammes à partir du mois de janvier, souligne notre source. Ces derniers jours, les conditions s’étant améliorées, la production commence à s’améliorer. «Depuis le 11 février, la productivité a augmenté de près de 30%.»
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Dans les marchés de proximité, des prix toujours trop élevés
La baisse constatée au niveau des marchés de gros ne se reflète pas chez les détaillants, au niveau des marchés de proximité dans plusieurs régions du Royaume.
Au niveau de la région de Souss-Massa, principale région productrice, la différence est déjà frappante. Le kilogramme de tomates acheté au marché de gros à moins de 3 dirhams est vendu entre 6 et 8 dirhams par les détaillants, soit 254% plus cher.
A Casablanca, le prix du kilogramme de tomates grimpe de moins de 3,5 dirhams au marché de gros des fruits et légumes à entre 10 et 14 dirhams en arrivant sur les étals des détaillants. Plus que 3 fois le prix initial, soit 363% plus cher.
Dans les autres régions du Royaume, pour se procurer un kilogramme de tomates, les consommateurs devront dépenser en moyenne entre 8 et 10 dirhams, «des niveaux toujours trop élevés, aussi bien par rapport au prix de vente par les producteurs que par rapport à la moyenne de 6 dirhams autour laquelle le consommateur marocain se sent à l’aise», s’indigne Laraisse Esserrhini, agronome et conseiller de l’APEFEL.
Un producteur qui vend «à perte» et un consommateur qui paie «trop cher»
L’écart persistant entre les prix de vente par les producteurs et ceux fixés par les détaillants ne peut être expliqué, selon les professionnels, que par «la complexité des circuits de commercialisation». Comme le fait savoir Fouad Benabdeljalil, secrétaire général de l’Association marocaine des conditionneurs maraîchers (AMCOM), «tous les professionnels du secteur vous diront que les problématiques que nous vivons actuellement ne sont pas juste conjoncturelles, mais plutôt structurelles, liées aux modes de commercialisation des fruits et légumes, laissant un vaste champ aux intermédiaires pour influer sur les prix».
Pour lui, ce sont les producteurs qui payent le prix de ce système de commercialisation «défaillant». «Le coût de production a flambé ces trois dernières années. Il n’existe pas aujourd’hui un seul intrant dont le prix n’a pas augmenté. Pourtant, les producteurs ont toujours vendu leurs marchandises à des prix qui conviennent au consommateur marocain, supportant souvent des pertes importantes», étaye-t-il.
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Benabdeljalil souligne, par ailleurs, que pour ce qui est de la tomate, «la moitié de la production a été vendue à moitié prix, voire moins, depuis le début de la campagne». Un constat confirmé par Laraisse Esserrhini, qui affirme que les producteurs supportent une perte de 30% par rapport au prix de revient. «La production d’un kilogramme de tomates coûte à l’agriculteur 4,5 dirhams. C’est dire que quand il la vend à 3 ou 3,5 dirhams le kilogramme, il perd presque le tiers de ce coût de revient. Et là, on ne parle même plus de marge de gain.»
L’origine du problème
Face à un producteur qui vend à perte, de l’autre côté de la chaîne, on retrouve un détaillant qui vend à plus de 300% plus cher la tomate, avec une marge de bénéfice qui excède, dans certaines régions du Royaume, les 10 dirhams, ce qui est une «aberration», selon Esserrhini.
Selon ce dernier, les frais d’acheminement vers d’autres pôles de commercialisation du Royaume «ne peuvent pas excéder 1 dirham par kilogramme», ce qui signifie qu’à Casablanca par exemple, la tomate devrait coûter 6 dirhams. «Ce prix, abordable pour le consommateur, laisse quand même une marge de bénéfice de 2 dirhams pour les revendeurs», ajoute-t-il. «Maintenant, l’origine du problème de la flambée des prix est claire», tonne l’agronome, pointant du doigt les intermédiaires et revendeurs qui gonflent les prix.
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«Ce ne sont pas les producteurs, ni les exportateurs, car ceux-ci ont pleinement joué leur rôle pour atténuer les effets de la hausse des prix», insiste, pour sa part, Fouad Benabdeljalil. Pourtant, regrette le secrétaire général de l’Association marocaine des conditionneurs maraîchers (AMCOM), «même avec une amélioration de la production, des prix de vente volontaristes de la part des agriculteurs et la limitation des exportations, le prix supporté par le consommateur reste trop cher».
Remédier au problème de la fluctuation des prix des fruits et des légumes, nécessite, selon ces deux interlocuteurs, une «révision globale des systèmes de distribution, afin de préserver les intérêts de l’agriculteur investisseur et le pouvoir d’achat du consommateur». Conclusion: «Il est temps d’aller à la recherche de solutions, là où le problème réside».