Tous les moyens sont bons pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens. C’est ce que semble proposer en filigrane le Conseil de la concurrence en voulant mettre un terme à un abus devenu commun: la surfacturation des prestations payées via internet.
Dans un communiqué diffusé le 16 mai dernier, l’institution présidée par Ahmed Rahhou a pointé du doigt les entreprises qui font supporter la charge du service de paiement en ligne à leurs clients, en sus de la facture à payer, alors qu’elles en tirent pleinement profit en réduisant de manière significative leurs coûts d’exploitation et d’investissement liés au recouvrement de ces factures.
Ne payer que le montant de la facture
«La volonté de promouvoir le paiement en ligne, soit à travers des réseaux directs soit via des intermédiaires (sociétés de paiement et banques, NDLR) ne doit pas justifier le recours à des pratiques abusives. Le numérique facilite la vie aux citoyens et consommateurs, mais réduit également les charges des sociétés qui facturent. Il n’y a pas de raison à ce qu’il soit une source de gain et de revenus pour ces sociétés», souligne Ahmed Rahhou, contacté par Le360.
Et d’ajouter: «Les frais de recouvrement sont toujours à la charge de celui qui émet la facture. Que la prestation soit payée en espèces, par chèque, par carte bancaire, par virement ou via internet, le principe est toujours le même. Le facturier ne doit pas percevoir plus que le montant de la facture, sauf s’il y a une prestation réelle (comme une livraison à domicile, NDLR)».
Comme c’est le cas dans un restaurant ou dans une boutique, le client qui utilise une carte bancaire comme moyen de paiement ne doit débourser que le montant de la facture. Ceci sachant que le paiement par carte est soumis à une commission supportée par le commerçant, et non par le client.
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Aux yeux du Conseil de la concurrence, la pratique de la surfacturation du paiement en ligne pourrait fausser le jeu libre de la concurrence, en procurant des avantages indus à certains opérateurs, leur permettant de renforcer leurs positions sur le marché, au détriment des consommateurs.
La surfacturation du paiement en ligne paraît également illogique, car ce service fait disparaître tous les coûts supportés par les facturiers en cas de paiement en espèces, notamment le comptage, l’assurance, le contrôle et le dépôt à la banque des sommes perçues en numéraire.
Pas de sanctions… pour le moment
En revanche, le conseil ne remet pas en cause le service d’intermédiation assuré par les banques et les sociétés de paiement. «La facture ne leur appartient pas. Quand les intermédiaires ouvrent leur site pour que vous puissiez payer pour le compte d’un tiers, ils assurent une vraie prestation. Il est logique que celle-ci soit rémunérée. Mais c’est le facturier qui doit exclusivement en supporter la charge», explique Rahhou.
Concernant les secteurs visés par ce rappel à l’ordre, le président du Conseil de la concurrence évoque des distributeurs d’eau et d’électricité, des opérateurs télécoms, mais aussi des écoles ou lycées privées, entre autres. «Pour le moment, poursuit Rahhou, nous ne montrons personne du doigt. Notre objectif n’est pas de sanctionner. Notre objectif est que ces pratiques disparaissent. Nous allons donner aux entreprises concernées un temps raisonnable pour mettre un terme à cette pratique. Nous préférons sincèrement que tout le monde revienne à la raison».
Des dizaines de millions de dirhams
Concrètement, le Conseil de la concurrence va procéder dans un premier temps au recensement des entreprises qui recourent à ces pratiques qui, mine de rien, font supporter chaque année aux consommateurs une charge additionnelle de plusieurs dizaines, sinon des centaines de millions de dirhams, selon les estimations du régulateur. Le montant individuel de la charge peut paraître dérisoire, variant entre 3 et 4 dirhams par transaction, et plus rarement un pourcentage du montant de la facture. Mais étant donné que les factures se traitent par millions tous les mois, c’est une somme colossale qui finit par s’accumuler et peser sur le portefeuille les consommateurs.
Et passé le coup de semonce, la sanction pourrait suivre. «Si les entreprises concernées ne rentrent pas rapidement dans le rang, nous ouvrirons une enquête dans le cadre d’une procédure contentieuse, laquelle pourrait aboutir à des sanctions», prévient Ahmed Rahhou.