Lors d’une conférence organisée ce mercredi 26 janvier 2022 par la CGEM en partenariat avec la Fédération de l’Industrie et de l’Innovation Pharmaceutiques (FMIIP), sous le thème «Industrie pharmaceutique: plus de valeur ajoutée pour une souveraineté sanitaire nationale et continentale», les différents acteurs du secteur ont passé en revue les obstacles et des atouts de l’industrie nationale.
Intervenant à cette occasion, la professeure et membre de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD), Hakima Himmich, a fait état de plusieurs freins au développement de l’industrie pharmaceutique au Maroc.
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Il s’agit notamment d’une protection insuffisante de l'industrie pharmaceutique marocaine face à la concurrence étrangère. Selon Hakima Himmich, l'importation des médicaments sur le marché national a connu une augmentation de 55% entre 2009 et 2018. En parallèle, la fabrication locale est passée d’une couverture de 75% dans les années 1990 à 50% en 2018.
Il est également question d’une pénétration insuffisante de génériques sur le marché national. Les génériques ne représentent que 39% des quantités en médicaments consommées sur le marché privé, alors que ce pourcentage s’élève à près de 89% dans d'autres pays comme les Etats-Unis.
«L'importation de génériques plus chers que ceux fabriqués localement est devenue monnaie courante», regrette Hakima Himmich, selon laquelle «lorsqu'il y a sur le marché marocain deux génériques d’un même médicament, on doit arrêter l’importation pour soutenir la production nationale, c’est le cas dans de très nombreux pays comparables au notre».
S'appuyant sur les recommandations de la CSMD, Hakima Himmich en appelle à une refonte de la gouvernance sanitaire à travers une régulation plus transparente et rigoureuse des procédures liées aux autorisations de mise sur le marché (AMM) afin de favoriser une concurrence loyale entre opérateurs du secteur pharmaceutique et d’inciter au développement d’une industrie locale compétitive, notamment pour les médicaments génériques.
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«Les génériques fabriqués localement doivent être soutenus en leur attribuant la priorité dans les octrois d’AMM et les appels d'offres publics, et en prenant pour base de remboursement dans le cadre de la généralisation de la couverture médicale le prix du générique le plus bas», explique-t-elle.
Le développement de certaines filières pourra ainsi se faire grâce à la mise en place d’une task force sectorielle visant à structurer des écosystèmes innovants et productifs dans le domaine de la santé.
«Cette task force aura pour rôle essentiel de faciliter aux acteurs de ces filières industrielles l’accès à des capacités de Recherche & Développement de qualité, à des ressources humaines qualifiées, marocaines locales ou internationales, à des financements innovants et suffisants et des mécanismes incitatifs qui encouragent l’investissement productif dans ces filières», explique la professeure.
Et quant à Lamia Tazi, présidente du Conseil d’administration et PDG des laboratoires pharmaceutiques Sothema, elle estime que l’autonomie sanitaire est la pierre angulaire pour garantir la souveraineté sanitaire du pays notamment en période de crise, et passe bien évidemment par le renforcement de la production locale.
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«Le Maroc s’en est très bien sorti durant la crise du Covid-19, grâce à la force de son industrie, nous n’avons pas connu de pénurie de médicament contrairement à plusieurs pays dans le monde», indique-t-elle, expliquant que «ce qu'il s'est passé au début de cette année, c’est une tension sur certains produits non essentiels, qui ont été sur-utilisés. Suite à la dernière vague de contaminations, il y a quelques ruptures de stocks sur certains produits comme les vitamines, mais c’est sporadique. C’est dû à un déstockage des distributeurs et à des inventaires de fin d’année», a expliqué Lamia Tazi.
Et pour la vice-présidente de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques et directrice générale de Pharma 5, Mia Lahlou Filali, le Maroc dispose de tous les atouts nécessaires pour se positionner comme un hub africain agile et unique, aux portes de l’Occident en matière d’industrie pharmaceutique, grâce notamment à «la stabilité politique, la situation géographique, les infrastructures et les écosystèmes dont jouit le Royaume».
En matière d’exportation, Mia Lahlou estime que le potentiel national est illimité et devrait être exploité de manière optimale pour créer davantage de valeur ajoutée et d’emplois.
«Aujourd’hui notre pays n’exporte que 10% de sa production en médicaments, ce qui est très largement en-dessous de son potentiel. La plateforme industrielle pharmaceutique marocaine est très diversifiée et peut répondre à jusqu’à 80% des besoins, il faut donc l’accompagner pour atteindre son plein potentiel», a indiqué, pour finir, la vice-présidente de la FMIIP.