Restauration: comment le Japon entend promouvoir ses produits au Maroc

Masahide Honda, directeur général de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (JETRO) à Rabat.

EntretienLe Japon, archipel aux mille saveurs, veut accroître la visibilité de ses produits au Maroc. Selon Masahide Honda, directeur général de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (JETRO) à Rabat, l’objectif est double: «introduire la richesse de la gastronomie japonaise et créer un pont culinaire entre les deux cultures».

Le 09/12/2023 à 17h56

Les exportateurs d’ingrédients et de condiments du pays du Soleil levant lorgnent le Maroc. Dans cet entretien avec Le360, Masahide Honda, directeur général de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (JETRO) à Rabat, fait le point sur les stratégies et les efforts déployés pour établir une présence solide de la gastronomie nippone au Royaume. Il évoque notamment la montée en popularité de cette cuisine, s’attarde sur les obstacles liés à l’importation des produits japonais au Maroc et décrit les mesures prises pour les harmoniser avec les préférences gustatives marocaines.

Le360: Quelles sont les actions entreprises par JETRO pour favoriser la collaboration entre les producteurs japonais et les entreprises basées au Maroc?

Masahide Honda: Afin de donner un coup de boost à ces partenariats, JETRO tient à promouvoir les possibilités d’investissement, faciliter les rencontres d’affaires et fournir toute sorte d’information ou d’assistance utile.

Plus précisément, JETRO essaye d’éliminer les obstacles entravant les échanges entre les acteurs privés des deux pays, notamment à travers plusieurs rapports sur le business doing, ou encore en mettant en place des programmes comme le «Japan Street», un catalogue en ligne exclusivement dédié aux entreprises (BtoB), lancé en 2021. À ce jour, plus de 40.000 produits exportables de plus de 6.000 fournisseurs y sont répertoriés. Des rencontres et des mises en relation entre acheteurs étrangers et vendeurs japonais sont également organisées.

De plus, le salon Gulfood, le plus grand événement annuel d’approvisionnement en produits alimentaires et boissons au monde, se tiendra à Dubaï du 19 au 23 février 2024. JETRO y tiendra un pavillon japonais où toutes les entreprises nippones proposant des produits adaptés au marché musulman et arabe seront présentes. Nous invitons les entreprises importatrices et les distributeurs de produits alimentaires et d’ingrédients à se joindre à nous pour participer à des réunions BtoB avec ces entreprises japonaises, afin de saisir l’opportunité d’introduire les produits adaptés sur le marché marocain.

Quels sont les produits alimentaires japonais les plus en vogue actuellement dans les restaurants locaux?

La diversité de la cuisine japonaise nous offre une liste étendue d’options. Les chaînes de restaurants de sushi connaissent une grande popularité parmi les résidents des zones urbaines du Maroc. Le sushi, mets emblématique de la gastronomie japonaise, s’est transformé en un mets très adapté aux préférences des consommateurs du monde entier. Malheureusement, il est assez difficile de savourer l’authentique saveur japonaise au Maroc en raison de plusieurs contraintes.

Nous espérons surmonter ces obstacles pour que des ingrédients et assaisonnements japonais de base tels que le riz japonais, le katsuobushi (bonite séchée), les somen, le dashi, le shiso (perilla), le nori, le miso, l’ail noir, les sauces soja japonaises (différentes de la sauce soja chinoise présente sur le marché marocain), ainsi que les sauces yuzu, ponzu et les sauces pour grillade de poulet et de viande, sans oublier la viande wagyu, soient largement consommés au Maroc.

Comment les exportateurs japonais peuvent-ils adapter leurs produits pour répondre aux préférences et aux goûts spécifiques du marché marocain?

Il est essentiel de souligner le rôle crucial des importateurs marocains dans cette démarche. Ils sont en première ligne sur les marchés locaux et possèdent une connaissance approfondie des besoins et des préférences des consommateurs. Il est donc impératif de collaborer étroitement avec eux.

Cette collaboration est essentielle pour deux aspects majeurs. Premièrement, conseiller les entreprises exportatrices japonaises sur la meilleure adaptation de leurs produits aux exigences locales, telles que la certification halal, par exemple. Deuxièmement, il est tout aussi important de transmettre aux consommateurs locaux la valeur authentique des ingrédients japonais et leur utilisation spécifique.

Avez-vous remarqué une hausse des demandes émanant d’entrepreneurs marocains souhaitant être mis en contact avec des fournisseurs de produits japonais?

Notre bureau reçoit de plus en plus de demandes visant à établir des partenariats avec des fournisseurs de produits japonais, tels que la viande wagyu. Il est important de noter que nos deux pays n’ont pas encore conclu d’accord permettant l’importation de cette viande sur le marché marocain. Cela dit, malheureusement, nous ne sommes pas encore dans une situation où la demande atteint le niveau souhaité.

Quels sont les défis auxquels font toujours face les exportateurs japonais? Quelles solutions proposez-vous pour les surmonter?

Les exportateurs japonais, mais aussi les importateurs marocains, font face à plusieurs défis. Il s’agit notamment des coûts élevés des produits mis en vente sur le marché, des frais de transport, des droits de douane élevés en l’absence d’un accord de libre-échange entre le Japon et le Maroc, ainsi que des considérations liées à la religion, comme la certification halal ou le taux d’alcool contenu dans certains produits, comme des sauces soja japonaises.

De plus, la demande du secteur de la restauration locale ne peut pas être considérée comme élevée, et les entreprises japonaises préfèrent souvent se concentrer sur des marchés où elles peuvent exporter plus facilement en grandes quantités, ce qui a peut-être relégué le Maroc au second plan jusqu’à présent. La barrière linguistique, en particulier la difficulté à communiquer en anglais, peut également être citée comme un obstacle majeur. En outre, la compréhension des réglementations locales, notamment celles liées aux douanes et à la sécurité alimentaire pour chaque produit, pose des défis importants.

Il est crucial que les exportateurs d’ingrédients japonais collaborent étroitement avec tous les acteurs du secteur alimentaire, notamment l’hôtellerie, la restauration et les services de traiteur, car ce sont des lieux où se rassemblent les consommateurs à la recherche de produits alimentaires de qualité. Une possibilité pourrait être de travailler en partenariat avec des entreprises spécialisées dans les ingrédients alimentaires japonais, basées à Paris ou ailleurs, pour développer une campagne visant à faire découvrir la saveur du Japon sur une période déterminée.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’ingrédients purement japonais, les entreprises nippones produisent et vendent des gyoza, de la sauce soja, du riz, des flocons de bonite, etc., même au sein de l’UE. Étant fabriqués en Europe, ils présentent des avantages en termes de droits de douane et de coûts de transport. De plus, de nombreux ingrédients japonais destinés au Moyen-Orient, notamment des produits halal, parviennent au Maroc en passant par Dubaï, ce qui pourrait constituer une réponse aux préoccupations d’ordre religieux.

Par Hajar Kharroubi
Le 09/12/2023 à 17h56