Au Maroc, comme partout ailleurs dans le monde, la gestion des déchets est devenue un enjeu majeur. Avec une population croissante et une urbanisation rapide, le volume des déchets s’accroît de manière significative d’année en année: de 26 millions de tonnes, il devrait grimper à 39 millions de tonnes d’ici 2030.
En parallèle avec cette montée en volume, le Maroc a l’ambition d’atteindre, à l’horizon 2023, un taux de valorisation de 65% de ces déchets. Une démarche qui nécessite, selon les professionnels, la création d’un écosystème vert de valorisation des déchets, visant à créer des emplois durables et à améliorer la balance commerciale, tout en ayant un impact positif sur l’environnement. Afin d’atteindre cet objectif, une vision stratégique articulée autour de quatre axes essentiels a été élaborée. D’après une étude commanditée par le ministère de l’Industrie sur l’écosystème vert, consultée par Le360, il faudra, tout d’abord, mieux comprendre le gisement des déchets. Cela implique le déploiement et l’organisation de la collecte des déchets de la manière la plus adaptée aux besoins des industriels.
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Pour maximiser la valorisation des déchets, il est crucial d’orienter ces déchets vers la valorisation matière et énergétique. Cela nécessite un appui à l’investissement visant à accroître l’offre en termes de quantité et de qualité. Le soutien au développement de la recherche et du développement (R&D) est également nécessaire pour favoriser l’innovation dans ce domaine. Stimuler la demande de matières recyclées est un élément clé de cette vision. Cela peut être réalisé en encourageant l’éco-conception, incitant ainsi les entreprises à concevoir des produits en tenant compte de leur recyclabilité. De plus, il est essentiel de stimuler le marché des matières recyclées en suscitant l’intérêt des entreprises et des consommateurs pour ces produits.
Pour garantir le succès de cette démarche, il est nécessaire de réguler et d’équilibrer le marché. Cela passe par la mise à disposition d’un foncier adapté pour les installations de recyclage et la mise en place de formations spécifiques pour répondre aux besoins en compétences de l’industrie du recyclage. Cette approche transversale vise à garantir la cohérence et l’efficacité de l’ensemble du processus de valorisation des déchets. Pour ce faire, une enveloppe de 8,7 milliards de dirhams d’investissements devra être mobilisée pour des projets de différentes tailles (TPE, PME, GE).
Des taux de valorisation définis pour chaque filière
Dans cette perspective, des objectifs de valorisation par filière de valorisation des déchets ont été établis. Le taux de 95% a été défini pour les métaux, ce qui représente une quantité de 1.450.963 tonnes. Les plastiques et les papiers & cartons suivent avec des objectifs de 60%, correspondant respectivement à 877.035 et 614.053 tonnes. Pour les déchets d’animaux, un taux de 40% est attendu, correspondant à 196.160 tonnes. Les huiles usées et le verre sont un peu plus valorisés, avec des taux de 50% et 55% et des volumes de 169.662 et 153.066 tonnes. Les huiles alimentaires usées et les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) partagent un objectif de valorisation de 40%, avec 69.011 et 65.542 tonnes à traiter respectivement.
Le textile, avec le taux le plus faible à 20%, représente néanmoins un volume de 62.538 tonnes. Les pneus usés montent à 60% de valorisation, avec 48.303 tonnes. De manière remarquable, les batteries usées visent une valorisation à 100%, bien que le volume soit moindre, à 31.413 tonnes. Enfin, les déchets de construction et de démolition (DCD) ont un objectif de 20% pour un volume conséquent de 649.759 tonnes.
Objectifs de valorisation des déchets par filière à l’horizon 2030 (Source: étude sur l’écosystème vert commanditée par le ministère de l’Industrie)
Filière | Taux de valorisation (en %) | Volume à valoriser (en tonnes) |
---|---|---|
Métaux | 95 | 1.450.963 |
Plastiques | 60 | 877.035 |
Papier & carton | 60 | 614.053 |
Déchets d’animaux | 40 | 196.160 |
Huiles usées | 50 | 169.662 |
Verre | 55 | 153.066 |
Huiles alimentaires usées | 40 | 69.011 |
Déchets d’équipements électriques et électroniques | 40 | 65.542 |
Textile | 20 | 62.538 |
Pneus usés | 60 | 48.303 |
Batteries usées | 100 | 31.413 |
Déchets de construction et de démolition | 20 | 649.759 |
Pour ce faire, l’étude propose une série de projets de valorisation et de gestion des déchets. Ces initiatives sont diverses et semblent couvrir différents aspects du recyclage et de la récupération de ressources. On y trouve des projets tels que des affineries pour le cuivre et l’aluminium, la production de granulés de plastique, et la valorisation de déchets d’animaux issue d’équarrissage. Il est également question de la fabrication de biodiesel et de pavés en caoutchouc à partir de pneus usés, soulignant un effort pour transformer des déchets en ressources utiles.
Des projets de régénération d’huile lubrifiante usée en huile de base et de dépollution et démantèlement des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) sont aussi proposés. La valorisation énergétique des déchets tant industriels que ménagers est également un axe majeur.
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La collecte et le tri jouent un rôle crucial dans cette stratégie, avec des projets dédiés aux déchets banals, dangereux, ainsi que des collectes de proximité, assurant une gestion efficace dès la première étape du processus de valorisation. Enfin, le recyclage des véhicules en fin de vie figure aussi parmi les projets préconisés, ce qui pourrait contribuer à la réduction des déchets automobiles.
Un total de 36 projets ont été ainsi priorisés dont le lancement nécessite la mise en place de pré-requis sur toute la chaîne de valeur. Ces pré-requis, traduits en actions, peuvent être regroupés en 7 chantiers, à savoir l’approvisionnement en amont, le foncier, la formation, la normalisation et l’appui financier des projets, ainsi que la réglementation.
Il s’agit notamment de la mise en place d’un dispositif de collecte des déchets ménagers, de l’organisation de la transition pour les sites informels existants, de la réduction de l’impact de la distorsion de la TVA, de l’accélération de la mise en place du cadre réglementaire relatif à la REP (responsabilité élargie des producteurs qui fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets qui proviennent des produits qu’ils mettent sur le marché, NDLR). Des projets qui permettraient de générer 1.770 emplois.
Un taux de valorisation de 15%
Rappelons que, malgré l’objectif initial d’un taux de 25% de valorisation des déchets établi pour 2019, le Maroc n’a réalisé jusqu’à présent qu’un modeste taux de valorisation de 15%. Mounir El Bari, président de la Coalition pour la valorisation des déchets (COVAD), avait indiqué, lors d’une rencontre avec les médias, la semaine dernière, que le recyclage offre un potentiel considérable en matière de création d’emplois: «En développant ce secteur, le Maroc pourrait générer des milliers de postes dans la collecte, le tri, la transformation et la commercialisation des matériaux recyclés. Cela stimulerait l’économie en apportant des revenus supplémentaires et en réduisant la dépendance à l’égard de l’importation de matières premières.»
Néanmoins, plusieurs défis restent à relever pour une gestion optimale des déchets. Il est crucial d’établir un système de tri sélectif dès la collecte, afin de faciliter le recyclage et le traitement ultérieurs. Parallèlement, sensibiliser le public à l’importance de cette pratique est essentiel pour encourager des pratiques écologiquement responsables. De plus, la mise en place d’infrastructures, telles que des centres de tri et de recyclage, est impérative pour accompagner ces efforts.