Bank Al-Maghrib (BAM) a dressé un constat sans appel sur le marché du travail au Maroc. Les pertes massives d’emploi enregistrées ces dernières années dans l’agriculture ont surtout profité à des activités tertiaires à faible productivité, indique la Banque centrale dans son rapport annuel 2023.
BAM a indiqué qu’après le lancement du Plan Maroc vert, l’activité agricole a affiché une nette amélioration, avoisinant une progression moyenne annuelle de 7,5% entre 2008 et 2017, largement supérieure à celle du PIB qui n’a progressé que de 3,8%.
Cette tendance a toutefois connu un net ralentissement à partir de 2018, avec une progression de seulement 0,3% en moyenne, contre 2% pour la croissance économique. Par conséquent, le secteur a enregistré des pertes d’emploi qui se sont élevées à 15.000 en moyenne annuelle entre 2008 et 2017 (soit 150.000 au total) et à 136.000 entre 2018 et 2023 (soit un total de 816.000 emplois).
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Au total, l’agriculture aura enregistré une perte cumulée sur l’ensemble de la période (2008-2023) de près de 965.000 postes, ramenant la part du secteur dans l’emploi global de 37,8% en 2008 à 35,1% en 2017 et à moins de 28% en 2023.
Cette contre-performance est attribuée notamment à une succession d’années de sécheresse et une accentuation du stress hydrique. Participant à hauteur de 10,6% en moyenne au PIB et constituant un pourvoyeur important d’emplois et une source de revenu pour une large frange de la population, l’activité agricole connaît toutefois de fortes variations selon les conditions climatiques, note le rapport.
La Banque centrale rappelle que, selon la Banque mondiale, ces mutations pourraient entraîner d’ici 2050 la migration vers les zones urbaines de 1,9 million de Marocains, soit 5,4% de la population totale.
Destruction de 32.000 emplois dans l’industrie entre 2008 et 2023
La baisse de l’emploi agricole serait aussi favorisée, selon BAM, par le recours de plus en plus accru aux techniques modernes et à la mécanisation, le parc de machines agricoles étant passé, entre 2008 et 2018, de 40.000 à 75.000 pour les tracteurs et de 3.000 à 7.000 pour les moissonneuses.
Parallèlement aux pertes d’emploi dans l’agriculture entre 2008 et 2023, les effectifs se sont renforcés, au cours de la même période, d’environ 1,3 million de personnes dans le secteur tertiaire, dont environ 26% dans le commerce, et de 288.000 dans le BTP. En revanche, dans l’industrie y compris l’artisanat, BAM a relevé une destruction de 32.000 emplois sur la même période.
«Ces évolutions laissent indiquer que la réallocation des emplois agricoles aurait bénéficié aux activités à faible productivité dans les services, tandis que les résultats en matière de création d’emploi dans l’industrie, y compris l’artisanat, restent bien en deçà des ambitions annoncées des différentes stratégies industrielles mises en place depuis 2005», souligne BAM.
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Le rapport de BAM indique toutefois que la baisse de l’emploi agricole est un phénomène mondial, avec un recul de sa part de 7,4 points entre 2008 et 2022 selon les données de la Banque mondiale. Mais contrairement au Maroc, où cette baisse a bénéficié essentiellement aux activités tertiaires, dans de nombreux pays, elle a profité aussi bien au secteur secondaire que tertiaire. Un constat qui s’expliquerait en partie, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), par la qualification relativement élevée des effectifs agricoles dans ces pays, facilitant la reconversion vers d’autres secteurs productifs.
Ainsi, en 2022, la proportion des employés agricoles avec un niveau de scolarisation moyen ou supérieur s’est élevée à 33,1% en Égypte, à 35,7% au Ghana et à 63,2% au Nigéria, contre moins de 25% au Maroc.
Le renforcement nécessaire des écosystèmes industriels
De ce constat, les auteurs du rapport ont tiré deux principaux enseignements pour le Maroc. Premièrement, «face aux répercussions inéluctables du changement climatique, notamment sur l’emploi agricole, les autorités sont appelées à renforcer leurs efforts en matière de politique d’atténuation et d’adaptation en se basant notamment sur les techniques agricoles climato-intelligentes qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays», recommandent-ils.
En parallèle, «le Maroc devrait continuer d’œuvrer pour le développement des activités à productivité élevée à même d’offrir des alternatives à la main-d’œuvre libérée de l’agriculture». Pour ce faire, la création d’écosystèmes industriels constitue «une initiative prometteuse qu’il conviendrait de renforcer», tout en l’accompagnant d’investissements pour la mise à niveau du capital humain, afin de faciliter sa réallocation sectorielle.