Libre-échange: l’ambition marocaine face à la réalité du déficit commercial

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Revue de presseMalgré une multiplication des accords de libre-échange et une nouvelle feuille de route ambitieuse visant 120 milliards de dirhams d’exportations supplémentaires, le Maroc continue d’afficher un déficit commercial persistant. Pour l’économiste Mohammed Saïd Tahiri, l’ouverture reste nécessaire, mais doit être mieux ciblée et adossée à une compétitivité renforcée. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 14/08/2025 à 22h10

Le Maroc a multiplié les accords de libre-échange (ALE) afin de stimuler ses exportations et d’attirer les investissements étrangers. Si les chiffres montrent une montée en puissance de certains secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, le déficit commercial reste un point noir, notamment avec des partenaires clés. «La nouvelle feuille de route du commerce extérieur arrive au bon moment pour redonner un souffle aux exportations marocaines», estime l’économiste Mohammed Saïd Tahiri dans un entretien avec le magazine Finances News Hebdo. Mais pour qu’elle produise un véritable impact, «il faut miser sur les secteurs où le Maroc est déjà compétitif, créateurs d’emplois, innovants et répondant à une demande réelle sur les marchés ciblés», insiste l’économiste.

Les ALE ont élargi les débouchés commerciaux et favorisé l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales, mais sans résorber le déficit. En 2022, les importations dans ce cadre ont atteint 207,8 milliards de DH, en hausse de 20,9% par rapport à 2021. L’Union européenne, premier partenaire, représente 66,6% de ces importations. Avec les États-Unis, les importations ont grimpé de 60,8% en un an, atteignant 31,5 MMDH. Même constat avec la Turquie: +20,5% en 2022.

Pour Mohammed Saïd Tahiri, «on ne peut que défendre la pertinence de ces accords, compte tenu de leur impact positif sur l’économie nationale, mais leur effet sur la compétitivité reste inégal selon les secteurs». Le problème, lit-on, réside dans «une ouverture trop rapide, sans renforcement préalable de la compétitivité».

Les champions? L’automobile, devenu premier secteur exportateur (plus de 100 MMDH en 2022), l’aéronautique, l’agroalimentaire, le textile à forte valeur ajoutée et les phosphates, énumère Finances News. Les perdants? Certaines branches traditionnelles du textile, le cuir et le meuble, victimes d’une concurrence internationale agressive.

En 2023, l’UE reste le premier partenaire commercial avec 56 MM d’euros d’échanges. Une concentration qui inquiète. «Cette dépendance, bien que compréhensible, constitue un risque stratégique en cas de crise économique ou de décisions unilatérales», prévient l’économiste, qui plaide pour un renforcement des relations Sud-Sud.

Malgré des avancées en Afrique subsaharienne, le volume des échanges avec le continent a reculé de 18,14% entre 2022 et 2023. Vers l’Asie et l’Amérique latine, les flux restent modestes. «Le potentiel est immense, mais il nécessite des stratégies ciblées, des accords mieux négociés et une logistique adaptée», souligne Mohammed Saïd Tahiri.

La Zone de libre-échange continentale africaine pourrait, selon lui, «rééquilibrer la politique commerciale du Royaume et réduire sa dépendance aux marchés européens». Mais elle suppose des investissements logistiques, une harmonisation réglementaire et des partenariats industriels régionaux.

Dans un contexte de recomposition des échanges mondiaux, l’économiste appelle à «une ouverture plus sélective, plus stratégique et plus équitable». Objectif: protéger les filières sensibles, renforcer les clauses de sauvegarde et favoriser la montée en gamme industrielle. «Le commerce extérieur doit être mis au service d’une transformation structurelle de l’économie marocaine, où l’exportation ne se fait pas au détriment du tissu productif local, mais dans une logique de cohérence, de compétitivité et de durabilité», conclut Mohammed Saïd Tahiri.

Par La Rédaction
Le 14/08/2025 à 22h10