Légumineuses: de nouvelles restrictions sur les exportations, aux répercussions «redoutables»

Des céréales et des légumineuses exposées à la vente au marché de gros de Casablanca, en février 2023.

Les exportations marocaines de légumineuses seront désormais soumises à des restrictions quantitatives, annonce l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII). A quelques semaines du mois de ramadan, cette mesure intervient pour baisser les prix de ces denrées au niveau du marché local. Elle rappelle, tout de même, aux exportateurs «un précédent historique» aux conséquences «assez désastreuses». Détails.

Le 28/02/2023 à 17h04

Dans une circulaire datée du lundi 27 février 2023, l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) a annoncé de nouvelles restrictions quantitatives à l’exportation des légumes à cosse secs, écossés, décortiqués ou cassés, qui seront désormais soumises à une licence d’exportation.

La circulaire fait ainsi référence à la position tarifaire 0713 qui fixe les conditions d’exportation et d’importation notamment des pois, pois chiches, haricots, fèves et lentilles.

Cette mesure intervient, précise la même source, alors qu’un arrêté du ministre de l’Industrie et du commerce complétant l’arrêté n°1308-94 du 7 kaâda 1414 (19 Avril 1994) fixant la liste des marchandises faisant l’objet de mesures de restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation est en cours de publication au Bulletin officiel.

Contacté par Le360, Hassan Benabderrazik, ancien secrétaire général du ministère de l’Agriculture et cofondateur du bureau d’études Agroconcept, explique que cette mesure vise à faire baisser les prix de ces denrées, à l’approche du mois de Ramadan, et à garantir «leur disponibilité sur le marché national à des prix qui conviennent le mieux au consommateur marocain».

Il rappelle ainsi la loi basique de l’offre et de la demande qui régit les prix: «En restreignant les exportations, les produits devront être vendus sur le marché intérieur, ce qui signifie que l’offre égalera ou dépassera la demande. Par conséquent, les prix baisseront.»

«Un précédent historique»

Après les inquiétudes soulevées par les exportateurs quant à la limitation des exportations des fruits et des légumes, notamment la tomate, les restrictions sur l’exportation des légumineuses suscitent de nouvelles craintes, d’autant plus que cette décision rappelle «un précédent historique», selon Benabderrazik.

«Le Maroc était un exportateur important de légumineuses, notamment vers le marché européen, mais la décision d’interdire les exportations dans les années 1970, justement pour contrôler les prix locaux de ces denrées qui connaissaient une forte hausse, a malheureusement eu des conséquences désastreuses», se remémore l’ancien responsable du ministère de l’Agriculture.

«Les producteurs de légumineuses ont complètement perdu leurs marchés en faveur des Turcs», indique-t-il, regrettant que «toute la filière d’exportation des légumineuses a été détruite, car pour plusieurs de nos partenaires, l’origine Maroc n’était plus une origine fiable». Et d’ajouter que ce recul des exportations a eu un impact direct sur la production des légumineuses au Maroc,car sans l’export, «il devient moins intéressant pour les producteurs de produire».

Résultat: «Aujourd’hui, nous sommes devenus des importateurs de lentilles en provenance du Canada, de pois chiches, de fèves et de haricots en provenance d’autres pays», fait savoir l’expert, non sans amertume.

Revoir les circuits de distribution locaux

En plus de mettre en péril les exportations marocaines, les restrictions restent «inefficaces», selon Benabderrazik. Pour lui, il est plus convenable d’agir au niveau du marché local pour «diminuer de façon substantielle l’écart entre les prix des producteurs et des consommateurs», au lieu d’imposer des restrictions d’exportation.

«Si on a envie d’agir durablement sur les prix, la réduction des obstacles pour une commercialisation plus efficace des produits agricoles est indispensable. Cela impose de revoir les monopoles municipaux sur les marchés de gros, ainsi que les taxes imposées par ces mandataires sur ces marchés», préconise notre interlocuteur.

Et de conclure par une autre recommandation qui va dans le même sens, à savoir «revoir le fonctionnement des circuits intérieurs de commercialisation des produits agricoles, basés sur des monopoles territoriaux».

Par Lina Ibriz
Le 28/02/2023 à 17h04