Inflation: après le pic enregistré en 2022, à quoi s’attendre en 2023?

L'inflation au Maroc a atteint un niveau record de 8,3% à fin novembre 2022 (photo d'illustration).

L'inflation au Maroc s'est située à 6,6% en 2022 (photo d'illustration).. DR

L’année écoulée aura marqué le grand retour de l’inflation avec un pic de 8,3% à fin novembre, selon les dernières statistiques du HCP. Désormais, l’heure est aux prévisions dans un contexte économique encore incertain. À quoi s’attendre en 2023? Réponses avec l’économiste Nabil Adel.

Le 08/01/2023 à 14h03

L’évolution des prix à la consommation a capté l'attention des économistes du monde entier en 2022. Portée par la perturbation des chaînes de valeurs au niveau international, l’inflation au Maroc a atteint un niveau record de 8,3% à fin novembre dernier, selon les dernières données communiquées par le Haut-commissariat au plan (HCP). 

Pour contrer son évolution, Bank-Al Maghrib (BAM) a relevé à deux reprises son taux directeur de 50 points pour se situer à 2,50%, un taux qui devrait «prévenir tout désancrage des anticipations inflationnistes et favoriser le retour de l’inflation à des taux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix». Ainsi, la banque centrale table sur un retour du taux d’inflation à 3,9% en 2023, avant d’enregistrer un nouveau rebond en 2024 à 4,2%, en lien avec la décompensation programmée des prix des produits subventionnés.

Interrogé par Le360 sur la pertinence du resserrement de la politique monétaire de BAM, l’économiste Nabil Adel estime que cette décision était nécessaire, mais tardive d’au moins deux trimestres. «En politique économique, le timing d’une décision est plus important que la décision elle-même, compte tenu des anticipations ou des réactions des agents économiques qui peuvent annuler la plus brillante des décisions», explique-t-il.

Pour ce qui est de l'impact sur l’évolution des prix à la consommation, l'expert note qu’il est «difficile» de mesurer ou de prédire les répercussions de cette décision, que ce soit sur l’inflation elle-même ou sur la croissance de l’économie nationale. En cause: le manque du recul historique nécessaire. «Aujourd’hui, personne ne peut prédire la vitesse de transmission de cette mesure (temps s’écoulant entre la hausse du taux et son impact sur les crédits et sur les prix), ni son impact réel sur l’investissement et la consommation, et encore moins sur le mouvement des prix», souligne-t-il.

Et de rappeler: «La dernière augmentation du taux directeur remonte à 14 ans. Et il faut voyager 36 ans dans le temps pour croiser un taux d’inflation aussi élevé. Nous sommes encore au stade de l’observation des effets d’une telle décision, qui ne commencera à produire ses effets que dans quelques mois. Toute anticipation, dans ce contexte, relèverait de la spéculation.»

Que faire pour freiner l’évolution des prix? Pour agir sur l’inflation, Nabil Adel estime qu’il est important de faire évoluer la masse monétaire au Maroc au même niveau que le PIB: «Bank Al-Maghrib doit agir en asséchant les liquidités par une politique monétaire restrictive (hausse des taux directeurs et de la réserve obligatoire). Ainsi, à l’instar des solutions mises en place par plusieurs autres pays, la masse monétaire en circulation au Maroc doit reprendre un niveau d’augmentation dans la ligne du PIB.»

Toutefois, pour venir à bout de l’inflation, un deuxième levier est à actionner, celui relatif au budget de l'État. «Le gouvernement doit mener une politique de rigueur, en maîtrisant son déficit budgétaire par le contrôle des dépenses publiques. Toute augmentation de ce déficit risque d’accélérer davantage l’inflation», indique l’économiste.

Selon lui, «si l’État poursuit le rythme de dépenses publiques prévu dans la loi de finances, il créera de la demande publique, augmentera la demande finale et alimentera la spirale de la hausse des prix. Ainsi, la décision du ministère de l’Économie et des finances de maintenir le calendrier de réalisation de tous les chantiers qu’il a prévus et de les financer par une augmentation des impôts risque d’exacerber la crise actuelle.»

L’exécutif est ainsi appelé à mettre de l’ordre dans ses priorités en limitant les dépenses publiques aux projets strictement nécessaires au soutien de l’offre. «Le gouvernement doit maîtriser le déficit budgétaire, en contrôlant l’évolution des dépenses publiques pour réduire le niveau de la demande globale et calmer le mouvement des prix à la consommation, et ce, sans recours à une sanction fiscale. Cette dernière ne fera que freiner l’investissement et la production», met en garde l'expert.

Par Safae Hadri
Le 08/01/2023 à 14h03