Etant donné que le secteur du gaz naturel n’est pas encore établi, le Conseil de la concurrence considère dans son avis qu’il est impératif de profiter des bienfaits de la concurrence sur ce marché et d’éviter, dès la mise en place initiale de ce secteur, de figer des positions, d’établir des monopoles et d’octroyer des exclusivités qui auront un impact négatif sur son développement.
L’analyse menée par le Conseil dans ce sens a ainsi permis de conclure que le projet de loi n°94.17, relatif au secteur aval du gaz naturel au Maroc et portant modification de la loi n°48.15 relative à la régulation du secteur de l’électricité, est défavorable au développement du secteur pour plusieurs considérations, notamment le risque de monopoliser le secteur de la distribution.
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En effet, le projet de loi en question prévoit la création d’un gestionnaire de réseau de transport (GRT) qui est une société anonyme publique responsable de la conception, de la réalisation, de l’exploitation, de la gestion, de la maintenance et du développement des ouvrages de transport et de stockage stratégique du gaz naturel, sur l’ensemble du territoire national. Le GRT dispose du pouvoir de déléguer, aux entreprises privées, la réalisation, l’exploitation et/ou la maintenance des ouvrages gaziers dans le cadre du partenariat public-privé.
Dans ce sens, le rapport du conseil note que le monopole du GRT sur l’ensemble des prestations et des moyens de transport risque de porter atteinte au développement rapide du marché du gaz naturel, à la diversification des moyens de transport, à l’innovation au niveau des nouvelles technologies de transport et à la liberté d’entreprendre des fournisseurs d’approvisionnement et des distributeurs.
«Toute exclusivité de distribution régionale risque d’entraver le développement d’un marché compétitif car elle maintiendrait la position dominante des opérateurs historiques, notamment celle les distributeurs de solutions de substitution comme le GPL avec le risque d’une exploitation abusive de leur position dominante vis-à-vis de leurs clients industriels», explique l’institution dirigée par Ahmed Rahhou.
Le Conseil de la concurrence note également que le projet de loi se caractérise par la prédominance de l’intervention de l’autorité gouvernementale chargée de l’énergie, au détriment de la régulation du secteur du gaz naturel par l’ANRE (Autorité nationale de régulation de l'électricité) qui dispose de «pouvoirs limités qui ne lui permettent pas d’assurer avec efficacité ses missions».
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Les dispositions du projet de loi manquent également de clarté, notamment en ce qui concerne l’exercice de l’activité de distribution et l’activité d’approvisionnement, estime le Conseil, proposant de reprendre la rédaction de ce texte.
Ainsi, le Conseil de la concurrence recommande d’améliorer la visibilité et la prévisibilité du projet de loi afin de répondre aux prévisions des investisseurs nationaux et internationaux et de garantir le libre jeu de la concurrence sur le segment transport et stockage.
Compte tenu de l’évolution des technologies de traitement et de transport du gaz naturel, notamment la «technologie de compression ou de liquéfaction», le Conseil de la concurrence estime qu’il ne serait pas indiqué d’hypothéquer le développement du marché du gaz naturel par la seule technologie de transport via les gazoducs. Il recommande, en conséquence, de ne pas octroyer le monopole sur la totalité des prestations et des moyens de transport, car il portera atteinte à la concurrence sur un marché embryonnaire et empêchera le développement rapide du secteur du gaz naturel au Maroc.
«L’acheminement du gaz naturel par gazoduc et par les moyens mobiles de transport (par route, par rail ou par voie maritime) doit être soumis au libre jeu de la concurrence afin de diversifier les sources d’approvisionnement, de manière à ne plus dépendre d’une seule source et de garantir ainsi, la sécurisation des approvisionnements des marchés de gros et de détail», explique le Conseil.
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Pour garantir le libre jeu de la concurrence sur le segment distribution, le Conseil de la concurrence recommande de ne pas octroyer des exclusivités de distribution régionales et d’encourager les opérateurs à réaliser les ouvrages de distribution. «Les consommateurs finaux, notamment les clients industriels (qui n’ont pas accès directement au réseau de transport) doivent avoir le choix entre plusieurs distributeurs (tels que les producteurs locaux, l’ONEE, etc.)», détaille le Conseil.
En vue de supprimer les barrières réglementaires à l’entrée au marché du gaz naturel, le Conseil de la concurrence recommande de revoir la rédaction du projet de texte, en vue de supprimer le régime de l’autorisation préalable délivrée par l’autorité gouvernementale chargée de l’énergie et le remplacer par un régime de déclaration préalable auprès de l’ANRE (Autorité nationale de régulation de l'électricité). Il recommande également de permettre aux producteurs locaux d’être exemptés de l’autorisation d’importation.
Le conseil recommande par ailleurs de veiller au respect du principe de séparation des activités, d’harmoniser la loi n° 21.90 portant code des hydrocarbures avec le projet de loi relatif au gaz naturel, de mettre en place une régulation ex-ante forte et éviter les chevauchements de compétences entre l’ANRE et le Conseil de la concurrence et de consacrer la protection des droits des consommateurs.
Il est également question de mettre en place des procédures et des mécanismes pour surveiller les pratiques contractuelles restrictives, veiller à concilier entre les impératifs liés aux contrats à long terme des concessions conclus en vertu de la loi n° 21.90 portant code des hydrocarbures et le respect de l’ordre public concurrentiel et garantir à tous les utilisateurs l’accès non-discriminatoire et transparent au réseau de transport.