Blocage du gouvernement: l’économie navigue à vue

DR

Les bonnes perspectives agricoles et leur impact sur la croissance de l’économie en 2017 ne doivent pas cacher les difficultés bien réelles que rencontre aujourd'hui le tissu économique en raison du retard dans la constitution d’un nouveau gouvernement.

Le 09/03/2017 à 18h23

Cela fait maintenant plus de 5 mois que le blocage de la formation du nouveau gouvernement dure et cela risque bien d’avoir des effets néfastes sur l’économie marocaine. En effet, nul n’ignore le rôle de locomotive que joue l’Etat pour plusieurs secteurs à travers ses grands chantiers d’infrastructures et ses importants projets d’investissement. Or, actuellement, la situation est telle qu’aucun département n’est habilité à s’engager dans des projets d'envergure tant qu’un nouveau gouvernement n’est pas formé.

Les ministres actuellement en poste ne sont là, pour rappel, que pour gérer les affaires courantes et assurer la continuité des services publics. Ceci limite naturellement leurs marges de manœuvre et, par conséquent, les investissements que peut lancer l’Etat et qui stimulent d’habitude l’activité des entreprises.

Cela s’est d’ailleurs déjà fait ressentir au niveau des statistiques des finances publiques. Les dernières disponibles (arrêtées à fin janvier), font état d’une baisse de 1% des investissements du budget général. Un chiffre minime en apparence, mais qui prend toute son importance lorsque l’on sait que le projet de loi de finances table sur une hausse de plus de 3,5% de ce poste budgétaire en 2017.

Des marchés publics à l’arrêt, ou presque

Il est vrai qu’en parcourant le site des marchés publics, on en découvre chaque jour de nouveaux, ce qui est de bon augure pour les entreprises dont l’activité est totalement dépendante de la commande publique. Cependant, il faut garder en tête que ces marchés sont en fait ceux qui étaient déjà programmés et disposant donc d’un aval des autorités de tutelle, ou qui sont tout simplement portés par des entités publiques indépendantes du gouvernement.

En d’autres termes, ces marchés ont été ordonnés à une date antérieure au 10 octobre 2016. Et jour après jour, la liste de ces projets se rétrécit. Bientôt, il n’y aura plus de marchés publics à lancer. Du moins, pas tant que le nouveau gouvernement ne sera pas constitué et que les nouveaux ministres n’auront pas pris leurs fonctions.

Cette situation peut devenir très problématique, dans le sens où elle peut générer un effet boule de neige qui impacterait le reste du tissu économique. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se produire. Ces derniers jours, plusieurs sources témoignent des difficultés à se faire payer dans ce contexte où la visibilité sur de nouvelles rentrées de ressources est manquante, chose qui naturellement amène les délais de paiement à se prolonger dans toute l’économie.

Investisseur étranger ou entreprise publique… nul n’y échappe

Ce manque de visibilité touche également à l'un des points les plus stratégiques de la politique économique du Maroc: celui des investissements étrangers.

Plusieurs sources affirment aujourd’hui que des réticences sont observées chez des opérateurs étrangers désireux d’investir dans le royaume en raison de l’absence d’interlocuteurs gouvernementaux à même de les accompagner lors de la concrétisation de leurs projets.

Il est en effet difficile d’imaginer un investisseur étranger s’entretenir avec un ministre pour un projet quelconque, alors que ce dernier pourrait ne plus être là une fois qu’un nouveau gouvernement, supposé imminent, sera mis en place.

Par ailleurs, l’année 2017 était censée connaître le lancement de certains chantiers réglementaires dont devait tirer profit l’économie nationale. C’est par exemple le cas de la nouvelle instruction des changes qui devait remplacer depuis janvier dernier celle en vigueur et qui date de 2013. Un grand travail a été fait lors de son élaboration afin de faciliter la vie aux entreprises qui investissent à l’étranger, aux exportateurs ainsi qu’aux importateurs. Ceci aurait eu pour conséquence de les rendre plus compétitifs.

Alors que ces entreprises se préparaient à son entrée en vigueur, et que l’Office des changes a réalisé plusieurs sessions de vulgarisation à leur profit, la nouvelle réglementation se retrouve aujourd’hui retardée jusqu’à une date indéfinie. On imagine bien la confusion que cela peut provoquer chez les opérateurs et l’impact que cela a sur leur visibilité.

Heureusement qu’il y a la pluie !

Par ailleurs, force est de constater qu’il n’y a pas que les entreprises privées et les investisseurs étrangers qui sont affectés par le blocage politique. Certaines entreprises publiques en pâtissent également.

Nombre d’entre elles attendent en effet la conclusion d’un contrat-programme avec l’Etat, sans quoi leurs marges de manœuvre se retrouvent extrêmement réduites. Au total, il y aurait actuellement une douzaine d’entreprises et établissements publics dans l’attente. Pour ne citer qu’un exemple de ce que cela peut avoir comme impact, la société des Autoroutes du Maroc est aujourd’hui condamnée à ne réaliser que les projets déjà validés sous l’ère de l’Exécutif sortant, comme ceux relatifs à la maintenance du réseau actuel. Aucun n’engagement sur la réalisation d’une autoroute ne peut être pris tant que le nouveau contrat-programme n’est pas conclu et tant que le futur gouvernement n’aura pas fixé ses objectifs en matière du développement du réseau autoroutier.

Ceci bien entendu sans parler des grandes réformes attendues durant les cinq années de mandat du prochain Exécutif et qui, finalement, devront être réalisées en moins de temps, si elles ne sont pas littéralement reléguées au mandat du gouvernement à former en 2021.

C’est dire combien le blocage gouvernemental plombe l’économie marocaine. Heureusement, il y a la bénédiction divine qui permet au Maroc de bénéficier d’une pluviométrie favorable pour la saison agricole en cours et qui laisse présager une bonne récolte agricole et, partant, un bon taux de croissance pour 2017.

Par Younès Tantaoui
Le 09/03/2017 à 18h23