Comme annoncé dans un précédent article, le Conseil d’administration (CA) de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) devait se tenir mardi 6 octobre. Sauf que les syndicats en ont décidé autrement, en se retirant de cette réunion qui, finalement, a été suspendue faute d’atteindre le quorum.
Les représentants des trois centrales syndicales UMT, CDT et UGTM dénoncent l’ingérence du gouvernement auquel elles reprochent le blocage des résolutions décidées et actées lors de précédents conseils, tenus en juin et en décembre 2019.
Les représentants des syndicats n’ont pas manqué de relever ce qu’ils qualifient d’une «tutelle excessive» du ministère des Finances sur des décisions qui, pourtant, ont fait l’objet de suffisamment d’études actuarielles, longuement discutées dans le cadre de comités ad hoc, avant leur validation par le Conseil d’administration.
Les principales mesures à l’origine de cette situation de blocage sont:
- La revalorisation des pensions de 5% avec un minimum de 100 dirhams;
- L’augmentation du taux de remboursement des dossiers AMO de 70 à 80%;
- La gestion déléguée des polycliniques de la CNSS (le gouvernement aurait préféré privatiser ces entités);
Contacté par Le360, le ministère des Finances répond par point par point aux reproches des syndicats. Nous reproduisons ci-après in extenso la réponse de la Direction des établissements et entreprises publics (DEPP).
«En tant que membre du gouvernement, le ministère de l’Economie et des finances agit dans le cadre des dispositifs constitutionnels et légaux.
En effet, l’article 89 de la Constitution de 2011 stipule que «Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif. Sous l’autorité du chef du gouvernement. Le gouvernement met en œuvre son programme gouvernemental, assure l’exécution des lois, dispose de l’administration et supervise les établissements et entreprises publics et en assure la tutelle».
Les attributions du CA de la CNSS sont fixées par l’article 9 du Dahir portant loi n° 1-72-184 du 17 juillet 1972, relatif au régime de sécurité sociale, qui stipule que «Le conseil d’administration est investi de tous les pouvoirs et attributions nécessaires à l’administration de la Caisse nationale de sécurité sociale. A cet effet, il règle par ses délibérations les questions générales intéressant la caisse, notamment:
- Approuve le plan d’action annuel de la caisse;
- Arrête les comptes de la caisse au titre de l’exercice financier précédent;
- Approuve le budget de la caisse au titre de l’exercice financier suivant;
- Approuve le rapport annuel du directeur général relatif aux activités de la caisse;
- Autorise les acquisitions et aliénations de biens meubles et immeubles;
- Peut accorder, après autorisation du ministère chargé de l’Emploi et du ministère chargé des Finances, les remises des majorations de retard et des frais de recouvrement prévus aux articles 26 et 28 ci-dessous;
- Présente ses propositions sur la revalorisation des pensions d’invalidité, de vieillesse et de survivants, prévue à l’article 68 ci-dessous».
Relativement aux attributions du gouvernement, l’article 10 de ce même Dahir stipule ce qui suit: «Les décisions prises par le Conseil d’administration de la Caisse nationale de sécurité sociale doivent être communiquées, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elles ont été acquises, au ministre chargé de l’Emploi. Si le ministre estime qu’une ou quelques-unes de ces décisions sont contraires à la loi ou à la réglementation en vigueur ou de nature à compromettre l’équilibre financier du régime, il en demande le renvoi pour nouvel examen par le Conseil d’administration dans une de ses prochaines réunions. Si le Conseil d’administration maintient sa décision première, le ministre chargé de l’Emploi peut procéder à son annulation. Lorsqu’il s’agit d’une mesure financière, cette annulation ne peut être prononcée qu’après avis conforme du ministre chargé des Finances…»
L’article 84 de ce même Dahir précise que «Les modalités d’application des prestations (…) sont déterminées par décret». Ces prestations couvrent les indemnités journalières de maladie ou d’accident, indemnités journalières de maternité, allocations familiales, allocation au décès, indemnité pour perte d’emploi, pension d’invalidité, pension de vieillesse et pension de survivants.
Par ailleurs, la CNSS étant un établissement public soumis aux dispositions de la loi 69-00 du 11 novembre 2003 relative au contrôle financier de l'Etat sur les entreprises publiques et autres organismes, notamment son article 7, le ministère de l’Economie et des finances approuve les actes de gestion suivants: budgets, statut du personnel, organigramme, règlement fixant les règles et modes de passation des marchés, les conditions d'émission des emprunts et de recours aux autres formes de crédits bancaires, telles qu'avances ou découverts, et ce après leur adoption par le CA de la Caisse.
Revalorisation des pensions CNSS
Le CA du 17/07/2019 a adopté à la majorité de ses membres, la proposition d’augmentation des pensions de 5% avec un minimum de 100 DH. Sur le plan légal, il y a lieu de signaler que toute revalorisation des pensions doit faire l’objet d’un décret (cf. article 84 précité). Sur le plan financier, cette revalorisation aura un impact qui dépasse les 800 millions de dirhams par an.
Le ministère des Finances, à travers la DEPP, a toujours demandé à ce que toute réforme des pensions des salariés (CMR, CNSS, CIMR et RCAR) soit intégrée dans la réforme globale des régimes des retraites à l’échelle nationale et qui fait actuellement l’objet d’une étude pilotée par ce département et qui est en cours de finalisation.
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Relèvement des taux de remboursement des prestations AMO
Le même CA du 17/07/2019 avait adopté à la majorité de ses membres, la proposition du relèvement des taux de remboursement des prestations médicales, dont le coût est de 1,3 milliard de dirhams en 2020. Il s’agit de:
- Approbation de l’augmentation de la Tarification nationale de référence (TNR) des actes médicaux qui sera retenue par l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) dans le remboursement des dispositifs médicaux à hauteur de 100%;
- Remboursement des médicaments génériques à hauteur de 90%;
- Remboursement relatif à l'optique: les montures à 400 DH, le verre normal à 400 DH et progressif à 800 DH.
- Remboursement des prothèses dentaires dans la limite d’un plafond fixé à 3.000 DH tous les ans au lieu de ce même montant tous les 2 ans;
- Augmentation du taux de remboursement des frais de soins externes et hospitalisation de 70% à 80%.
Conformément aux textes régissant la CNSS, l’article 10 de la loi 65-00 relative à la couverture médicale de base précise que les taux de couverture et les conditions de remboursement par prestation ou groupes de prestations couvertes sont fixés par décret.
La proposition concernant la TNR nécessite l’accord de l’ANAM et du ministère de la Santé, et ce, conformément aux dispositions légales régissant la CNSS (Articles 12, 18, 19 et 22) sur la base de conventions nationales conclues entre, d'une part, l’ensemble des organismes gestionnaires (CNSS et CNOPS) et, d'autre part, les prestataires privés.
Ce dossier est en cours de réexamen par le ministère de l’Economie et des finances, auprès de la Direction du Trésor et des finances extérieures (DTFE).
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Désengagement de la CNSS de la gestion des polycliniques
Ces polycliniques présentent une double problématique juridique et financière avec un déficit structurel annuel dépassant les 200 millions de dirhams. Ces déficits sont prélevés sur le régime général et contribuent ainsi à son appauvrissement.
Pour mettre fin à cette situation, l’examen du devenir de ces polycliniques a fait l’objet de plusieurs réunions au niveau du secrétariat général du chef du gouvernement à l’issue desquelles il a été décidé que la CNSS se désengage de la gestion directe des polycliniques et de désigner une banque d’affaires chargée de réaliser une étude dans ce sens.
A rappeler que les dispositions de l’article 44 de la loi 65-00, portant code de la couverture médicale de base, interdisent à la CNSS de cumuler la gestion de l’assurance maladie avec la gestion d’établissements assurant des prestations de diagnostic, de soins ou d’hospitalisation et /ou des établissements ayant pour objet la fourniture de médicaments, matériels, dispositifs et appareillages médicaux.
Enfin, les rapports entre le ministère des Finances, la CNSS et les partenaires représentant le patronat et les salariés ont toujours été empreints de respect, d’objectivité et de responsabilité, et ce depuis de longues années. Dans ce cadre, le ministère de l’Economie et des finances réitère sa disposition à poursuivre les discutions et les négociations avec ces partenaires en vue d’aboutir ensemble à des solutions qui permettent de satisfaire les revendications légitimes des salariés, tout en sauvegardant la pérennité de l’équilibre financier de la CNSS».