Chantier prioritaire pour le roi Mohammed VI depuis son accession au trône, la sécurisation des ressources hydriques, érigée en objectif de première importance pour la Nation, a constamment bénéficié d’une attention royale particulière. La construction de nouveaux barrages, la mise en place de stations de dessalement et d’usines de traitement des eaux usées et l’amélioration des interconnexions hydriques sont autant d’initiatives qui témoignent de cet engagement sans faille.
Des mesures qui visent non seulement à augmenter l’offre en eau, mais aussi à promouvoir une gestion durable et responsable de cette ressource essentielle, renforçant ainsi la résilience du pays face aux défis climatiques et démographiques actuels et futurs. Selon Fatima Ezzahra Mengoub, économiste au Policy Center for The New South (PCNS), «le Maroc a développé une ambitieuse politique de l’eau qui a permis de doter le pays d’un patrimoine hydrique important, mais aussi d’instaurer un cadre législatif relativement performant. Cette stratégie a eu un impact positif sur le développement économique et social, en augmentant l’accès à des ressources hydriques durables et en améliorant la gestion de l’eau à travers le territoire».
Lire aussi : Stress hydrique: voici où en sont les travaux de construction des grands barrages
Comme l’explique cette experte, «le Maroc s’est doté d’un riche patrimoine de 152 grands barrages, totalisant une capacité de stockage de 19,9 milliards de m3, et a lancé la construction de 20 nouveaux barrages pour atteindre une capacité de stockage nationale de 27,3 milliards de m3 à l’horizon 2027 (dans le cadre du Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation, NDLR). Afin de garantir un équilibre entre les bassins, 16 ouvrages de transfert d’eau, s’étendant sur près de 785 kilomètres au total, ont également été mis en place».
Nouveaux barrages en construction dans le bassin hydraulique de la Moulouya. (Maa Dialna / Facebook)
En parallèle, et afin d’élargir l’offre hydrique, le pays s’est tourné vers l’utilisation des eaux non conventionnelles, notamment les eaux de mer et les eaux usées. «Pour le dessalement, le pays compte actuellement 9 stations opérationnelles avec une capacité de 10 millions de m3 en 2021, tandis que 7 autres stations sont en cours de construction ou de lancement, avec une capacité combinée de 396.200 m3 par jour. Les projets concrétisés ont eu un impact considérable sur le développement économique et social du pays», souligne la même source dans son dernier Policy Brief.
Au cœur de la station de dessalement d’eau de mer de Safi. (A. Et-Tahiry / Le360)
Ces mécanismes ont permis de garantir l’irrigation, surtout en temps de sécheresse, et ont préservé la production agricole des aléas climatiques. Résultat: une production agricole relativement stable, même lors de périodes de sécheresse extrême.
Un avis partagé par Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques pour qui, «depuis son accession au trône, le roi Mohammed VI a toujours donné des orientations en phase avec l’importance qu’a l’accélération de la recherche de nouvelles méthodes d’économie et de production d’eau potable et d’eau pour usage agricole».
De nouveaux mécanismes innovants
L’une des stratégies consiste à construire de nouveaux barrages innovants et aux dimensions adaptées, ainsi qu’à interconnecter les bassins hydrauliques de deux principaux fleuves, le Sebou et le Bouregreg. «Ce projet se développera en deux phases: relier l’oued Sebou puis l’oued Bouregreg au barrage de Sidi Mohammed Ben Abdallah, avant de connecter l’ensemble au barrage d’Imfout. Il est aussi prévu de construire plusieurs usines de dessalement dans différentes régions du pays, avec l’objectif de produire plus d’un milliard de m3 d’eau par an d’ici 2050. Un autre aspect innovant est le traitement et la réutilisation de 86% des eaux usées pour la production agricole. Actuellement, le Maroc traite moins de 5% de ses eaux usées, soit seulement 70 millions de m3, mais des résultats positifs sont déjà visibles dans les villes de Rabat et Tanger», explique le spécialiste des politiques publiques.
Lire aussi : Gestion de l’eau: une vision royale clairvoyante et volontariste, axée sur la durabilité et l’équité
Ces nouveaux mécanismes s’inscrivent dans le cadre du programme prioritaire d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI), lequel incarne, selon Abdelghani Youmni, une vision royale stratégique, assortie d’une politique publique solide et d’un investissement conséquent, portant son budget global à 143 milliards de dirhams (MMDH).
C’est ce que confirme Halima Jounaid, hydrogéologue, qui signale que le PNAEPI constitue une étape essentielle dans la continuité des efforts de gestion des ressources en eau, s’appuyant sur des politiques antérieures, telles que le développement de barrages. Ce plan se distingue par son caractère innovant, introduisant l’utilisation de sources d’eau non conventionnelles pour enrichir le portefeuille des ressources hydriques disponibles.
«L’ensemble de ces stratégies vise à réduire la vulnérabilité du secteur agricole aux variations climatiques et aux précipitations incertaines. En renforçant la résilience de l’agriculture face aux changements climatiques, le PNAEPI cherche à sécuriser non seulement l’approvisionnement en eau pour l’irrigation mais également à garantir la pérennité des ressources en eau pour les générations futures. Ces efforts sont essentiels pour assurer une gestion durable de l’eau dans un contexte marqué par des défis environnementaux croissants et une pression démographique en augmentation», fait-elle savoir.
Dans le détail, ce programme vise à renforcer et sécuriser l’approvisionnement en eau potable et en irrigation à travers la construction de nouveaux barrages, l’amélioration de l’efficacité des réseaux de distribution et le développement des ressources en eau non conventionnelles, telles que le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées traitées. «Cette stratégie représente une innovation majeure pour réduire le gaspillage et les pertes, notamment les millions de m3 d’eau douce déversés dans l’océan ou perdus», note Abdelghani Youmni.
C’est dans ce cadre que l’économiste souligne que l’amélioration des interconnexions hydriques peut être interprétée de trois manières: «D’abord, cela représente une solidarité entre les régions excédentaires et déficitaires, qu’il s’agisse du Nord, de l’Ouest, du Sud ou des provinces éloignées des rives et de la mer. Ensuite, elle vise à réduire les pertes d’eau qui se déversent dans l’océan Atlantique et à maximiser l’utilisation des ressources existantes en adaptant les flux d’eau aux besoins spécifiques. Enfin, elle permet de cartographier les routes des eaux douces pour anticiper l’avenir et assurer une meilleure répartition.»
Les premières images du haut débit de l’eau arrivant de l’Oued Sebou jusqu’à Rabat. (Y. Mannan / Le360)
Pour ce qui est du traitement des eaux usées, il s’agit d’après Abdelghani Youmni, d’une véritable révolution pour le Maroc, qui s’inspire des pays développés leaders comme Singapour, où 40% des besoins en eau potable proviennent des eaux usées traitées, contre seulement 1% en France. «Les espaces verts de Rabat et de Tanger ont été métamorphosés grâce à ces pratiques, changeant ainsi le visage de ces deux villes. Un enjeu majeur reste toutefois à résoudre: forcer les groupes industriels et les centres hospitaliers à traiter leurs eaux usées avant de les déverser dans les systèmes d’évacuation», signale-t-il.
Quid du traitement des eaux usées? Selon cet économiste, ce mécanisme permet également de récupérer de l’eau pour l’irrigation agricole, réduisant ainsi la pression sur les ressources en eau potable: «Cependant, le coût de traitement, qui s’élève en moyenne à 2,2 dollars par m3, représente un réel défi pour le Maroc. Il est crucial de recouvrir les coûts de production, de stockage et d’approvisionnement sans risquer de rendre lucrative une ressource perçue comme un bien commun, mobilisée par la puissance publique au service des citoyens.»
Quant à la mise en place de stations de dessalement des eaux de mer, ce processus est, selon Abdelghani Youmni, inévitable pour le Maroc: «Le dessalement de l’eau de mer constitue une source alternative fiable et continue, essentielle pour répondre aux besoins en eau potable et en irrigation, particulièrement en période de sécheresse.»
Après 25 ans de règne, l’engagement du Souverain envers la sécurité hydrique demeure plus pertinent que jamais, témoignant d’une vision proactive et d’une volonté de positionner le Maroc comme un modèle en matière de gestion de l’eau à l’échelle régionale et internationale. «Le dessalement s’est révélé être une composante essentielle pour garantir la sécurité hydrique dans plusieurs zones. De plus, l’interconnexion entre différents bassins, ainsi qu’entre les barrages situés au sein d’un même bassin, a joué un rôle déterminant dans la gestion des ressources en eau pour des villes comme Casablanca, Rabat, et Marrakech. Ces dernière, ayant subi des déficits hydriques significatifs durant les six dernières années, ont bénéficié de cette stratégie qui a permis de redistribuer efficacement les ressources en eau et de minimiser les impacts des pénuries», ajoute Halima Jounaid.
Ces initiatives démontrent une approche proactive et stratégique dans la gestion des ressources en eau, s’adaptant aux défis posés par les changements climatiques et les variations saisonnières en eau. «Elles reflètent également un engagement envers le développement durable et la résilience des écosystèmes urbains et ruraux face aux pressions environnementales», conclut cette membre de l’Alliance marocaine pour le climat et le développement durable.