Prix de littérature gay: Et le gagnant est Hicham Tahir

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A à peine 24 ans, l'auteur marocain Hicham Tahir, décroche son premier prix pour sa toute première oeuvre littéraire, "Jaabouq". A mi-chemin entre l'(auto)biographie et la fiction, ce recueil de nouvelles décrivant un Maroc cru, séduit le jury du prix du Roman gay 2013.

Le 21/09/2013 à 10h58

Sur une trentaine d'auteurs, dont deux marocains, Hicham Tahir a séduit le jury du Prix du roman gay 2013 avec sa toute première oeuvre littéraire, baptisée Jaabouq. Jeudi dernier, les éditions Du Frigo ont remis le lauréat du prix du roman gay, nouvelle version franco-belge du Prix du roman gay créé en 2003 par les Editions Cylibris à ce jeune auteur marocain de 24 ans. Ce prix a mis en compétition des romans publiés et/ou réédités entre 2008 et 2013. Hormis les dates d’édition ou de réédition, deux autres conditions à la participation à ce prix : que les romans soient de langue française et d’inspiration homosexuelle et masculine. Ce qui revient en fait à parler de trois conditions, l’inspiration homosexuelle féminine étant en l’occurrence exclue.

Cru, cinglant, plus cynique qu’ironique, ce recueil de nouvelles bouscule le lecteur sans ménagement aucun, dans une langue et un langage tout aussi crus et cinglants. Les descriptions prennent à la gorge. "Jaabouq", une oeuvre poignante qui décroche son premier prix, celui du Coup de coeur du Jury. Hicham Tahir, nous en dit un peu plus...

Son par Sophia Akhmisse

Abrupte lecture d'une abrupte appréhension du monde

Derrière la violence, saisissante, des mots qui s’abattent et claquent et vous coupent le souffle, une odeur de soufre qui s’élève comme un cri de désespoir. Pamphlet d’une société se débattant avec ses propres contradictions? Peut-être. Hurlement d’un étranger à son propre monde et même à sa propre mère, certainement. Car si Hicham Tahir reprend des thèmes par trop traités dans la littérature notamment maghrébine, il les aborde avec une originalité et une verve qui rappellent d’ailleurs le regard aiguisé comme un couperet du grand Driss Chraïbi qui, dans son trop longtemps incompris "Passé simple", rendait compte de fractures sociales et de souffrances vécues dans la chair. Certains passages du roman de Hicham Tahir ne sont en effet pas pour nous rappeler à certains passages du « Passé simple » où le narrateur, révolté contre le père omnipotent, parle de sa mère avec autant d’amour que de haine, d’affection que de mépris, la suppliant par moments de se relever de son asservissement ou, dit-il à un moment, ses "aisselles blanchiraient".

Pour un aperçu que nous vous laisserons accueillir et sonder à votre gré un extrait choisi de ce recueil qui fait d’ailleurs état de toutes formes de violences et de discriminations : "Ma mère est une pauvre conne inculte qui ne pense que rarement. C’est une pauvre dame. Elle est pauvre dans l’âme aussi. Elle n’a jamais connu l’école, à neuf ans elle a connu mon père. A onze ans, elle l’a épousé. A treize ans, elle a eu sa première fille et depuis elle vit avec mon père, ce même homme depuis toujours. Elle a vu mon père plus que sa propre famille, plus que le monde, plus que la rue et les voisines. Voilà pourquoi elle est conne ma mère, une pauvre inculte. Ce n’est que grâce à la télévision qu’elle s'est rendue compte qu'il y a un monde en dehors de son petit village d'origine, de la ville et des voisines… Et encore : la télé lui a appris qu’au Mexique et en Turquie, eh bien on parle en arabe classique. Et personne, personne, n’enlèvera cette idée de sa tête".

Par Bouthaina Azami
Le 21/09/2013 à 10h58