Ce lundi 11 décembre paraît en librairie le nouvel ouvrage de Fouad Laroui consacré à un sujet qui le passionne depuis son plus jeune âge, la t’bourida. Dans les pages de cet ouvrage d’exception, des calligraphies, des illustrations d’artistes et des images vivantes prises sur le vif par le photographe Yoriyas et le photoreporter Yassine Toumi fusionnent avec la plume de Fouad Laroui.
Réalisé en partenariat avec la SOREC (Société royale d’encouragement du cheval), cet ouvrage de la collection «Culture et Patrimoine», publié aux éditions Langages du sud, aborde les origines de cette tradition équestre marocaine et explore, pour le plus grand plaisir des amoureux de cette discipline, des thématiques telles que l’art de la guerre, les pratiques sociales et l’artisanat traditionnel qui font partie intégrante de la t’bourida.
«Des chevaux et des hommes: l’art de la Tbourida au Maroc» invite ainsi le lecteur dans les coulisses des épreuves de cette tradition équestre ancestrale, lui permettant de découvrir l’envers du décor de cette discipline. Sous la plume de Fouad Laroui et à travers la passion qui l’anime se révèlent et prennent vie la technique et le dressage, mais également la portée spirituelle, culturelle et historique de cet art équestre, qui représente un pan considérable de notre patrimoine immatériel. Entretien avec son auteur.
Lire aussi : Tbourida, bien plus qu’un spectacle éblouissant!
Comment l’idée de ce livre est-elle née?
La SOREC -qui, soit dit en passant, fait un travail formidable- souhaitait faire un beau livre pour mettre en valeur la t’bourida. Cette dernière est sans contexte un élément-clé de notre patrimoine matériel ET immatériel. Les Éditions Langages du Sud m’ont demandé si je voulais participer à leur proposition en écrivant le texte du livre, j’ai dit oui, et c’est leur proposition, après une rude compétition, qui a été retenue. Je me suis alors mis au travail. Et j’ai beaucoup travaillé, à vrai dire...
Quelle est votre histoire personnelle avec l’art de la Tbourida?
Enfant, j’allais chaque année au moussem de Moulay Abdallah puisque j’habitais avec ma famille à El Jadida. J’ai donc des souvenirs d’enfant liés à la t’bourida, un spectacle qui me fascinait et qui me faisait aussi un peu peur. Les chevaux sont, pour un petit garçon, des animaux imposants, impressionnants. J’aurais préféré des t’bourida avec des chats montés par des petites souris blanches, mais personne n’a jamais réussi à apprivoiser un chat.
Y a-t-il une anecdote en particulier qui vous vient à l’esprit, liée à cette discipline ou au monde équestre de façon plus générale?
Oui, un très mauvais souvenir. C’était à Asilah il y a fort longtemps. Je m’étais arrêté pour y passer la nuit, sur le chemin de l’Europe. Un petit panneau, à l’entrée, annonçait: ‘Fantasia à 20h.’ À l’heure dite, je me suis retrouvé sur le parking de l’hôtel. Quatre chevaux faméliques, efflanqués, sont alors apparus, montés par des bonshommes mélancoliques -tous des employés de l’hôtel. Ils ont galopé deux ou trois fois dans la diagonale du parking, environ trente mètres, en hurlant ouh-ouh-ouh comme les Indiens dans les westerns. Puis ils ont brandi des espèces de carabine -des 4/5, pour les spécialistes- et ont tiré de la grenaille vers les nuages. Les trois touristes allemands qui constituaient, avec moi, tout le public ont applaudi. J’étais furieux et mortifié. Ça n’avait rien à voir avec la beauté, la splendeur de la vraie t’bourida que je connaissais grâce au moussem de Moulay Abdallah. Ce jour-là, j’ai pris la décision de toujours défendre l’authenticité contre la folklorisation. C’est l’un de mes combats...
Pour quel axe de réflexion et pour quelle méthodologie avez-vous opté pour traiter de ce sujet?
D’un côté, une solide documentation et des interviews de m’qaddem et de spécialistes pour constituer l’ossature scientifique du livre. De l’autre, la recherche de la qualité littéraire pour que le lecteur, en plus de s’informer, éprouve un certain plaisir de lecture. J’espère y avoir réussi.
Que raconte cette pratique de nous autres Marocains?
Beaucoup de choses... La t’bourida est pour nous, d’une certaine façon, ce que l’art du samouraï est aux Japonais. Un art martial, c’est-à-dire lié à la guerre; l’expression de l’esprit chevaleresque; une forme mystique de religiosité... et beaucoup d’autres choses que vous apprendrez si vous me faites l’amitié de lire mon texte...
Quel avenir pour cette discipline et quelles seraient vous recommandations pour la préserver?
Grâce à la SOREC, la t’bourida renaît, retrouve ses aspects authentiques, se débarrasse de ses scories folklorisantes. Mais il faut rester vigilant. Cet art est la propriété de tous les Marocains. Il exprime une partie de ce que nous sommes. Nous n’avons pas le droit d’en faire une attraction pour touristes. Ce serait perdre notre âme.
«Des chevaux et des hommes: l’art de la Tbourida au Maroc», de Fouad Laroui. Photographies de Yorias et Yassine Toumi. Les Éditions Langages du Sud, collection «Culture et Patrimoine».