Oliver Laxe n’en est pas à son premier prix au Festival de Cannes. Parmi les quatre films qui composent sa filmographie, il a remporté en 2010 le Prix de la critique à la Quinzaine des Réalisateurs pour «Vous êtes tous des capitaines», a réitéré l’exploit en 2016 avec le Prix de la semaine de la critique pour «Mimosas, la voie de l’Atlas» et encore une fois en 2019, en décrochant le prix Un certain regard pour «O que arde». Cette fois-ci, c’est dans le cadre de la compétition officielle du festival cannois qu’il présentait «Sirat», film tourné au Maroc qui a remporté le Prix du jury.
Né à Paris en 1982, d’origine galicienne, Oliver Laxe a vécu de nombreuses années au Maroc et a conservé un lien profond avec la culture marocaine. Le tournage de son dernier film, «Sirat», dans le sud marocain, n’est donc pas un hasard.
Un road movie qui invite au voyage intérieur
«Son cinéma est celui de l’exploration et de l’émerveillement, de la fièvre et du pardon, capable de s’approprier le nerf et l’unanimité qui définissent le cinéma de genre sans renoncer à une voix aussi unique qu’explosive, littéralement», décrit El Mundo dans son article paru le 25 mai.
Des thèmes que l’on retrouve dans «Sirat», road movie pétri d’influences cinématographiques qui se déroule dans le massif désertique du Saghro, à l’est de Ouarzazate. Louis, campé par l’acteur catalan Sergi López, accompagné de son fils Stéphane, part à la recherche de sa fille aînée Marina, disparue depuis cinq mois après avoir participé à un festival électro. Le père et son fils rallient alors un groupe hétéroclite de ravers, en quête d’une autre fête dans les paysages désertiques du Sud marocain, avec l’espoir d’y retrouver Marina.
«Je suis fasciné par le cinéma de genre, même le cinéma de genre américain, en tant que fusion de la culture populaire et de la haute culture. Le genre est en effet un outil pour guider le spectateur. Le mélange de road movie, de western et de survival dans “Sirat“ permet, comme les contes de chevalerie eux-mêmes, une aventure physique et métaphysique où le héros doit regarder vers l’intérieur. Le film est un voyage extérieur qui invite à un voyage intérieur», explique Oliver Laxe au sujet de son film.
Enivré par le Coran, viscéralement attaché au Maroc
Dans son échange avec El Mundo le réalisateur explique également plus en profondeur son rapport à l’islam, dont l’influence se retrouve notamment dans le titre du film, mot qui désigne dans la religion musulmane un pont étroit enjambant le gouffre de l’Enfer que les croyants traverseront le Jour du Jugement dernier.
«J’aime la musique électronique, j’aime la techno et je suis enivré par le Coran. Le Coran me guérit. J’ai l’impression que ce film a un pied dans la tradition, dans le classicisme, et que, d’un autre côté, son âme est connectée au monde contemporain», explique-t-il ainsi. Approfondissant son approche de la foi, Oliver Laxe explique: «la foi, telle que je la comprends, est la capacité humaine d’accepter la vie telle qu’elle est, de voir que dans toutes les tragédies, les accidents et les obstacles que la vie nous lance, il y a une miséricorde, un don. De ce point de vue, ce qui arrive aux personnages de ce film, aussi formidable soit-il, serait en réalité un cadeau, une opportunité de grandir, même face à l’événement le plus atroce et le plus innommable».
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Dans son approche, l’influence du soufisme n’est pas loin non plus. «J’aime les gens fragiles. Je répète toujours cette citation de Rumi dans tous mes films: “Les cœurs brisés sont les plus beaux car à travers leurs fractures, à travers leurs fissures, la lumière passe”», poursuit-il ainsi en relevant que «tous les êtres humains sont blessés, nous sommes des enfants blessés au fond. Le problème est que nous avons ces mécanismes de défense qui nous font cacher cette blessure. Nous entretenons une sorte de relation constante avec notre moi idéal que nous nourrissons en permanence».
El Mundo l’interpelle sur sa fascination pour l’Islam, «à une époque où il est si violemment rejeté par la société». Le réalisateur galicien approfondit alors sa pensée évoquant le Maroc. «En Espagne, nous sommes enfants de trois cultures, et je vois qu’il y a des liens clairs entre nous et l’Islam. Mon travail de cinéaste est de relier, jamais de séparer, ce qui semble séparé. Lorsque j’ai vécu au Maroc, j’ai réalisé qu’il y avait une continuité de valeurs entre ce que j’ai trouvé là-bas et ma famille paysanne galicienne. Le Maroc est un pays voisin qui m’a aidé, qui m’a rendu entier, et j’en suis reconnaissant».
Ce n’est pas la première fois que Oliver Laxe tourne au Maroc. En 2016, son film «Mimosas, la voie de l’Atlas» , présenté dans le cadre du Festival du film de Marrakech et primé au Festival de Cannes avait pour décor le Haut Atlas marocain, et pour personnage principal un vieux cheikh dont le souhait est de revenir sur la terre de ses ancêtres, à Sijilmassa, pour y mourir.












