Leïla Slimani, la plume libre qui brave les interdits et porte l’étendard du féminisme

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Sa maîtrise parfaite des rouages de la langue de Molière a fait d’elle une icône de la littérature francophone qui va s’ajouter indubitablement à la liste des écrivains marocains de renom ayant enrichi l’héritage littéraire français.

Le 06/03/2018 à 17h45

Jeune, audacieuse, fière et rebelle, l'écrivaine marocaine, Leïla Slimani, lauréate du prestigieux Prix Goncourt pour son roman "Chanson douce", est une étoile brillante dans le ciel de la littérature d'expression française et un nom qui a su s’imposer avec force par sa plume libre qui ose aisément l’interdit et porte l’étendard du féminisme.

Avec son style tranchant et provocateur, Leïla a attiré l’attention des plus émérites de la scène littéraire internationale et a lancé un pavé dans la mare en abordant des questions osées qui brisent le silence, lèvent le voile sur le tabou et mettent à nu le conflit interne que vit chaque personne avec elle-même, dans une tentative de s’évader de ses peurs, ses ennuis, ses angoisses et ses complexes.

Sa maîtrise parfaite des rouages de la langue de Molière a fait de Leïla une icône de la littérature francophone qui va s’ajouter indubitablement à la liste des écrivains marocains de renom ayant enrichi avec leurs romans, leurs publications et leurs visions hors commun, l’héritage littéraire français. 

Passionnée par l’écriture depuis son jeune âge, Leïla a fait des classes préparatoires littéraires après son bac avant de changer d’orientation et d’opter pour des études en sciences politiques. "Cette filière a été pour moi une sorte d’ouverture sur le monde, j’ai passé plusieurs années à étudier que des auteurs du 17ème et 18ème siècle, avec les sciences po j’ai pu découvrir le droit public, l’économie et l’histoire politique contemporaine et c’était important pour moi d’être en phase avec la société dans laquelle je vis" a-t-elle confié à la MAP.

Les études en sciences po sont très centrées sur l’écriture, nous faisons continuellement des dissertations et cet exercice m’a beaucoup aidé dans mon parcours d’écrivaine, a fait savoir cette diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris.

"Dans l’écriture il y a plusieurs sortes de peurs, il y a la peur de commencer à écrire, de manquer d’inspiration, de ne pas être à la hauteur de son sujet, mais une fois devant ma feuille je me libère totalement, je ne pense pas aux conséquences de ce que je vais écrire, c’est une forme de loyauté vis-à-vis de moi-même, si j’écris il faut que je sois à la hauteur de l’écriture, c’est une bataille farouche avec moi-même que je dois gagner", a confié cette jeune brune aux cheveux bouclés.

Interrogée sur l’intérêt qu’elle porte dans ses œuvres à la question de la sexualité, elle a relevé qu’elle évoque cette question à partir de l’angle du corps. "C’est par le corps qu’on existe, qu’on est fragile et vulnérable, qu’on meurt, qu’on peut être blessé et aussi dominé …"

"Ce corps avec sa fragilité, sa force, sa capacité de résister, sa présence au monde m’interroge et m’interpelle. A travers mes écrits j’ai envie de raconter, de partager et de témoigner qu’est-ce que représente d’être une femme et d’avoir un corps de femme" a-t-elle dit.

"J’ai commencé à me rendre compte de l’importance de cette question il y a longtemps quand j’ai travaillé en tant que reporter de l’hebdomadaire jeune Afrique au Maghreb. J’ai été curieuse de comprendre comment on vit cette dichotomie, cette différence entre l’espace privé dans lequel on vit une certaine intimité et l’espace public et en quoi cela a des conséquences sociales, économiques et politiques", a fait savoir Leïla qui a consacré son dernier essai "Sexe et mensonges" à la question de la sexualité au Maroc.

Evoquant les personnes qui l'ont influencé dans son parcours, elle a affirmé : "dans ma vie, plusieurs personnes m’ont marqué, il y a notamment ma famille, mes parents et grands parents, mais il y a aussi beaucoup d’anonymes que j’ai simplement rencontrés et qui m’ont raconté leurs histoires et leurs vécus".

Je regarde souvent les gens qui m’entourent qui sont généralement des personnes anonymes, parfois je leur parle même pas, mais je les observe, je fais attention aux détails (une attitude, une façon de se tenir, écouter une parole très poétique ou au contraire très violente), parfois ce sont ces petits détails qui font la différence, a-t-elle poursuivi. 

Ce qui m’inspire le plus dans mes écrits est tout ce qui me paraît impossible, mes peurs, mes empêchements, mes complications, j’ai envie d’explorer tout ce dont je me pense incapable, a-t-elle relevé.

S’imposer en France en tant qu’écrivaine maghrébine n’est pas évident, sur ce sujet Leïla a confié qu’elle n’a jamais eu aucune difficulté liée au fait qu’elle soit marocaine. "Je n’ai jamais été victime du racisme, ni de préjugés, les seules difficultés que j’ai vécues étaient liées comme tout écrivain au fait d’écrire, de réussir mon texte et d’être à la hauteur de soi-même".

La littérature marocaine d’expression française est une littérature riche et intéressante, a noté l'écrivaine, avant d'ajouter "je trouve qu’il y a un renouveau dans cette littérature qui s’intéresse de plus en plus à des questions sociétales, liées aux libertés individuelles et à la condition de la femme".

"Je pense que c’est aussi par la littérature qu’on peut faire entrer dans le débat public un certain nombre de questions polémiques. C’est une littérature qui joue son rôle bien comme il le faut", a-t-elle dit.

Concernant son soutien à l’actuel président français, Emmanuel Macron, lors des élections, cette jeune écrivaine nommée représentante personnelle du président pour la Francophonie, a répondu "que la France a été face à un grand danger, et seule la victoire de Macron aurait pu préserver la stabilité de ce pays et les fondements de cette nation". 

Revenant à la fameuse question de conciliation entre vie personnelle et professionnelle, Leïla, mère de deux enfants a dit avec un sourire malin "comme toutes les femmes du monde je fais de mon mieux, j’essaie de jouer le piano d’une main et de faire le couscous avec l’autre, j’essaie de donner tout ce que je peux et ce n’est pas facile mais je suis loin d’être une exception".

Sur la situation de la femme marocaine, elle a souligné qu’il y a un développement considérable, mais il faut continuer le combat, ne pas baisser les bras et être exigeante pour gagner tous les droits et accéder à la parité.

Par Imane Brougi (MAP)
Le 06/03/2018 à 17h45