On ne peut pas arrêter un poète, un peintre, un artiste. On ne peut pas arrêter un homme qui se bat avec ses tripes et ses poings. On ne peut pas arrêter un homme qui n’a que ses mains pour faire entendre sa voix. On ne peut pas arrêter un homme qui ne représente aucun danger et qui n’a que sa plume pour se faire entendre. Un homme qui n’a pas l’intention de renverser un régime ou de se substituer à lui.
Un écrivain, c’est vous et c’est moi.
Un écrivain est une voix dans les ténèbres et l’incertain pour dire notre visage.
C’est une voix debout dans la nuit.
On ne peut pas lui interdire de dire qui nous sommes.
On ne peut pas lui dicter ce qu’il doit écrire ou peindre.
On ne peut pas le contraindre à nous tresser des lauriers.
On doit apprendre à entendre sa différence et le grain particulier de sa voix.
Un écrivain est notre double inquiet.
C’est quelqu’un qui nous ressemble, dans le plus intime de notre être, et qui sait jeter notre image dans un miroir –une image souvent aux antipodes de ce que nous croyons être– pour nous pousser dans nos derniers retranchements.
Boualem Sansal est de ces écrivains qui nous bousculent.
Son imaginaire porte nos contradictions dans l’envers et l’endroit de ses pages.
Je viens d’apprendre son arrestation.
Je la condamne avec la voix d’un homme simple. Et avec la dernière énergie. Car sauf à être lâche, on ne peut s’en prendre à un homme qui aime autant son pays et qui l’a prouvé de la plus éclatante manière. En continuant de vivre sur sa terre à laquelle, faut-il le rappeler, il est viscéralement lié.
L’Algérie se grandira à laisser s’exprimer ses fils et ses filles.
Elle se grandira en montrant qu’elle n’a pas peur des siens.
Elle se grandira en montrant qu’elle les aime.
Elle se grandira en montrant qu’ils sont son avenir et sa plus grande richesse.
Boualem est l’héritier de l’horizon à venir, ses livres sont dénués de haine, ils disent une rive lumineuse.
L’Algérie inaugurera un nouveau chapitre en montrant qu’elle sait donner son vrai prix au mot liberté pour lequel tant d’hommes et de femmes se sont battus.