Je n’ai jamais mis les pieds à Qatar, je n’ai jamais rencontré un Qatari de ma vie, j’ignore tout de ce pays sinon que c’est une île et que sa capitale s’appelle Daho, en hommage à Etienne le chanteur.
(Le directeur du 360 me fait remarquer que Qatar n’est pas une île mais une péninsule, et que sa capitale se nomme Doha et non Daho. Tant pis, je ne corrige pas, ma double erreur montre bien que je n’ai aucune notion de cet Etat.)
N’ayant rien ni pour ni contre ces gens que je ne connais pas, je suis donc parfaitement objectif quand je dis que la campagne internationale menée contre eux à l’occasion de la Coupe du monde de football me semble être motivée par un racisme sournois ou inconscient.
Derniers en date à se manifester, les joueurs de l’équipe nationale d’Australie ont critiqué collectivement le Qatar sur la question du respect des droits humains. Bien sûr, les droits humains sont très importants et il faut les défendre mais ces footeux australiens connaissent-ils leur propre bilan dans ce domaine? Savent-ils que leurs aïeux ont perpétré le seul génocide parfait de l’Histoire? Lorsqu’ils se sont emparés de la Tasmanie, ils sont tombés sur des Aborigènes qui vivaient là depuis 35 000 ans. Massacres, persécutions, mauvais traitements… En quelques décennies, tous les Aborigènes ont disparu au point qu’on connaît même le nom du dernier, ou plutôt de la dernière à avoir rendu l’âme, une certaine Truganini, morte en 1876. Et si l’équipe nationale d’Australie commençait par s’incliner devant la mémoire de Truganini et des siens avant de le prendre de haut avec les Qataris, qui n’ont jamais rayé tout un peuple de la surface de la Terre?
Avant cela, plusieurs villes françaises (dont Paris, Marseille et Bordeaux) avaient annoncé qu’il n’y aurait ni fan-zones ni écrans géants pour diffuser les matches, afin de protester contre la situation des travailleurs immigrés au Qatar. Effectivement, il semble que leurs conditions de vie soient loin d’être optimales –mais alors pourquoi ces villes ne sanctionnent-elles pas les compagnies françaises Bouygues et Vinci, qui construisent là-bas?
Tous les jours, sur les chaînes allemandes, néerlandaises, espagnoles ou anglaises, j’entends des voix s’élever pour réclamer un boycott de la Coupe du monde, la première à se dérouler dans un pays arabe, tout cela au nom des travailleurs qui ont construit les stades. On a parfois l’impression que le Grand Soir des communistes s’est produit pendant que nous dormions et que les bolcheviks sont au pouvoir de Lisbonne à Stockholm, de Rome à Berlin. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous (contre Qatar)! Et puis on se réveille, on s’ébroue et on se souvient que la droite gouverne presque partout en Europe. Elle se contrefiche des droits des travailleurs. En Angleterre, le Brexit a explicitement pour objectif de les réduire. Le libéralisme économique est à l’ordre du jour dans toute l’Union européenne. Partout, des dizaines de milliers de travailleurs sans papiers triment dur pour pas grand-chose. Qui s’en soucie? Mais lorsqu’il s’agit d’une île lointaine, pardon: d’une péninsule lointaine peuplée d’Arabes qui ont en plus l’outrecuidance d’être riches, on se découvre soudain une âme d’ami du peuple, on sort les drapeaux rouges et on entonne L’Internationale.
La ficelle est un peu grosse. En fait, ce qui dérange beaucoup de gens, c’est que les Qataris soient des Qataris. Aussi, c’est de leur faute. Que ne sont-ils Blancs et Australiens? On leur pardonnerait même un petit génocide de temps à autre…