Quand deux Marocaines d’élite se crêpent le chignon…

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.. KF Corporate

ChroniqueC’est plutôt une bonne chose que ça se passe à La Haye plutôt qu’à T’nine Chtouka ou T’nine Ghnimiyine.

Le 19/10/2022 à 10h58

C’est assez extraordinaire et ça n’a pas été assez remarqué: une Marocaine a succédé à une autre Marocaine comme présidente de la Chambre des députés des Pays-Bas.

Eh, oh, vous vous réveillez? Si j’avais écrit: une Marocaine a succédé à une autre comme présidente de l’Assemblée nationale française, du Parlement britannique ou du Congress yankee, vous auriez sauté jusqu’au plafond ou vous seriez tombé de votre chaise –aïe. Et vous auriez bramé: je ne te crois pas! C’est impossible! Ça n’existe pas!

Que si, que si. Vérifiez, bande de Saint(s) Thomas, hommes (et femmes) de peu de foi.

Bon, il y a deux ou trois choses qui ont fait que cet évènement extraordinaire n’a pas été remarqué quand il s’est produit, en avril de l’an dernier. D’abord, nous étions en plein Covid et on ne parlait pas d’autre chose. Et surtout, la Marocaine qui a succédé à mon amie Khadija Arib s’avançait masquée. À 18 ans, elle avait changé son nom, quelque chose comme Daouia Bouderbala, en Vera Bergkamp. C’est plus chic, paraît-il.

Je serais mal placé pour lui jeter la première pierre. Mea culpa. Quand je réserve dans un restaurant italien, où que ce soit dans le monde, je le fais toujours sous le nom «Federico De Santis» pour être bien traité par le maître d’hôtel et le chef. On ne saupoudre pas de parmesan le poisson d’il signore De Santis. On ne lui sert pas des farfalle quand il a commandé des penne. Mais sorti repu du restau, je reprends immédiatement le nom que mes parents m’ont donné, en attendant la prochaine virée dans une trattoria. Vera Bergkamp, elle, est restée toute sa vie Vera Bergkamp au point que tout le monde a oublié qu’elle pourrait jouer dans notre belle équipe féminine de foot ou vendre du saïkok à T’nine Ch’touka –il n’y a pas de sot métier.

Le passage de témoin entre la talentueuse Khadija et la non moins talentueuse Daouia, pardon: Vera, ne s’est pas fait sans anicroche. Et voilà qu’il y a quelques jours, l'inimitié entre les deux filles de l’Atlas, la brune Khadija et la blonde Vera, s’est transformée en guerre ouverte. Dépôt d’une plainte, ouverture d’une enquête, les coups pleuvent. Chacun choisit son camp.

Et c’est là que je voulais en venir. Deux choses m’ont agréablement surpris dans cette affaire qui agite le public et les médias des Pays-Bas. Premièrement, personne ne met en avant l’origine ethnique des deux antagonistes. J’ai eu beau scruter la presse batave, rien sur le Maroc, c’est Arib versus Bergkamp, un point, c’est tout. D’autre part, personne dans le camp Arib n’a évoqué le fait que ladite Bergkamp est mariée avec une femme. Ça ne regarde personne et ça n’a aucune incidence sur la querelle en cours.

Bref, quand deux Marocaines d’élite se crêpent le chignon, c’est plutôt une bonne chose que ça se passe à La Haye, où les esprits ont beaucoup évolué depuis quelques décennies, plutôt qu’à T’nine Chtouka, chez Vera, ou à Hedami, hameau où est née Khadija et dont j’apprends avec intérêt, grâce à Wikipedia, qu’il se trouve au sud-est de T’nine Ghnimiyine et au nord-ouest de Qçiba.

Maintenant si les habitants de T’nine Chtouka ou T’nine Ghnimiyine prennent leur plus belle plume pour m’écrire, indignés, que je les diffame, qu’ils sont évolués et tolérants et qu’ils n’exploitent jamais l’origine ethnique ou la vie privée d’une personne avec qui ils ont un problème, alors je leur présente mes plus plates excuses. Et je me réjouis de m’être trompé…

Par Fouad Laroui
Le 19/10/2022 à 10h58