Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, a annoncé l’instauration de «sessions d’habilitation des époux à la vie conjugale, de formation à l’éducation sexuelle, à la santé reproductive et à la planification familiale». Des formations obligatoires avant le mariage, pour «la stabilité de la société».
Une convention de partenariat a été signée entre le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), l’Association marocaine de planification familiale (AMPF) et l’Ordre national des Adouls, pour établir le contenu des formations qui, selon le ministre, diminueront le nombre de divorce qui est en hausse.
Youyouyouyou!!! C’est la première fois qu’on parle officiellement d’éducation sexuelle. Il était temps. Mais…
L’équipe chargée des programmes en a-t-elle les compétences? A-t-elle effectué des études auprès des jeunes pour cerner leurs besoins? Va-t-elle impliquer des spécialités ayant travaillé sur le sujet? Des questions qui laissent sceptique!
Cette initiative est louable. Mais l’âge moyen du premier mariage au Maroc est de 26 ans pour les femmes et de 31 ans pour les hommes. Les couples doivent être formés sexuellement à l’enfance et à l’adolescence.
L’éducation sexuelle choque: attarbya al jinsya (l'éducation sexuelle) est confondue avec al hourrya al jinsya (la liberté sexuelle). Il y a une grande différence entre éducation et liberté. Il s’agit, en fait, de l'éducation à une certaine santé sexuelle.
Ce qui est compris, c'est qu'on ne doit pas en parler afin de ne pas encourager à la sexualité hors mariage!
Or, il faut reconnaître que la sexualité s’exerce massivement, à un âge de plus en plus jeune. Il y a un déni de cette réalité. Pas de statistiques fiables. Les jeunes filles ne répondent pas sincèrement: elles ont peur d’être taxées de dévergondées. Les hommes non plus: ils friment pour sublimer leur virilité.
Un autre tabou? La protection et la contraception hors mariage. Aucune campagne de sensibilisation du ministère de la Santé. On en parle vaguement un jour par an, lors de la journée internationale du Sida.
Qu’est-ce qu’alors l’éducation sexuelle?
C’est le fait d’apprendre aux enfants et adolescents à avoir un comportement responsable, pour se respecter eux-mêmes et respecter les autres.
C’est leur donner des connaissances scientifiques pour qu’ils sachent que l’acte sexuel n’est surtout pas bestial, et certainement pas limité à un plaisir individuel.
C’est leur apprendre les différents aspects de la sexualité: affectif, biologique, culturel, social, juridique et… surtout éthique.
L'éducation sexuelle aide les enfants, futurs adolescents et jeunes adultes, à comprendre le développement de leur corps et à ne pas angoisser à chacune de ses étapes, dont la puberté. Elle leur apprend à aimer leur corps, à le protéger pour s’épanouir.
Elle leur explique le système reproductif. Comprendre le cycle menstruel, le processus de la grossesse, la fertilité masculine et la nécessité du respect d’une certaine hygiène: se protéger et protéger leurs partenaires des dangers des IST (soit les Infections sexuellement transmissibles), tels le Sida ou autres.
L’éducation sexuelle apprend aussi aux jeunes filles à éviter une grossesse non désirée, et aux jeunes hommes, que la contraception est l’affaire d'un couple et pas seulement de leur partenaire.
Elle leur apprend aussi que le harcèlement sexuel est interdit.
Récemment, l’Association marocaine de la planification familiale (AMPF), a mené une enquête dans cinq villes, auprès de 600 personnes des deux sexes, âgés de 14 à 30 ans. Selon ses conclusions, 40% d’entre eux affirment (à raison de 68% des garçons et de 32% des filles) avoir eu des rapports sexuels. Et la moitié a eu des rapports non protégés!
Les grossesses hors mariage et les enfants naturels sont un fléau sociétal.
En plus de la marginalisation des mère célibataires, dans ce Maroc d'aujourd'hui encore, légalement, les pères biologiques n’ont aucun devoir vis-à-vis de leurs enfants et ce, malgré l’existence de la reconnaissance de la paternité par un test ADN!
Dans les programmes scolaires, il existe, certes, un semblant d’éducation sexuelle, mais celui-ci est enseigné comme un cours de sciences naturelles. De nombreux enseignants se retrouvent bloqués ou se disent contre l’enseignement de ce cours. Hommes comme femmes, ces enseignants n’osent pas évoquer ces sujets dans des classes, mixtes.
Il faudrait former des enseignants et leur donner des supports adaptés (une vidéo, un diapo etc.), tout en encourageant leurs élèves à leur poser des questions.
Et puis le rôle des parents est très important. Une mère se doit d’informer sa fille, non seulement sur la survenue des menstruations, mais aussi de la mettre en garde contre les revers d’une sexualité prémaritale.
Il faut aussi prendre en considération le fait qu’un jeune homme, qui aurait été encouragé à une expérience sexuelle prémaritale, se retrouve livré à lui-même.
Les pères qui informent leur(s) fils sont une exception. Souvent, le père dit à son épouse: «dwi m’âa ouldek». («Parle à ton fils»). Celle-ci lui explique alors, comme elle le peut: «attention, une fille peut te coller une grossesse!». Et non, ce qu’il faudrait, en fait, lui expliquer: «protège-toi et protège tes partenaires».
Une enquête de l’AMPF révèle que seuls 14,8% des jeunes parlent de ces sujets avec leur famille. Ce sont leurs amis qui informent (à raison de 44% d’entre eux) et moins les enseignants: ils ne sont que 16,2% à le faire!
Les parents doivent encadrer leurs enfants. C’est gênant, mais il suffit d’aller sur Internet pour trouver des conseils: à quel âge faut-il leur parler, et comment les informer…
Surtout que tous les jeunes surfent sur le web et découvrent la sexualité à travers la pornographie.
En 2012, une étude a révélé que les Marocains sont la quatrième société dans la planète à taper le mot «sexe» sur le moteur de recherches Google!
Les effets néfastes de la pornographie sont régulièrement dénoncés avec virulence, car ils ciblent une population vulnérable qui entame sa sexualité avec de pseudo-modèles de «performance», de violence, d’utilisation d’outils divers et variés, de perversité…
C’est là un vrai danger pour l’équilibre psychologique et la relation au corps et à la sexualité. Sans compter l’addiction à la pornographie et ses répercussions sur la santé, qui peut entraîner une impuissance masculine chez les hommes, un manque de désir, voir un vaginisme pour les femmes, et donc une incapacité à atteindre l’orgasme avec son partenaire.
Il faut donc nécessairement en parler à ses enfants, contrôler leur accès à Internet et donc aux sites pornographiques, ce qui favorisera leur épanouissement sexuel.
L’éducation sexuelle transmet des valeurs indispensables à l’équilibre psychologique et physique de l’adulte. La hchouma doit être brisée car «lihchème felli darrou, chitane gharrou» («qui a honte de soigner son mal, est victime de Satan»).