Le viol conjugal: reconnaître son existence et le pénaliser!

Famille Naamane

Chronique Le viol de l’épouse par l’époux? Inexistant dans les lois, les mentalités… Le langage! Le viol du mari par son épouse? Jamais entendu parler!

Le 30/09/2022 à 11h03

Kenza: «après mon second accouchement, j’étais épuisée. Mon mari me prenait de force. Une nuit, j’ai fui dans la chambre des enfants. Il m’a suivie, nu, et m’a traînée jusqu’à la chambre, face à nos fils».

Habiba: «il m’a enfoncé une carotte. J’ai été au commissariat. Il s’est vengé en me défonçant l’anus. J’ai retiré ma plainte. Divorcée, je ne pourrais pas faire vivre mes enfants».

2013, El Jadida. Une épouse dépose plainte pour viol conjugal et sodomie. Le certificat médical atteste de fissures vaginales larges, provoquant des maladies hémorroïdales. 

Les juges ont admis que la sexualité forcée était une violence, que tout n’est pas admis entre les époux et que l’épouse subit un acte contre nature, une atteinte à la pudeur, pénalisée (art.485). Mais le mari a bénéficié de circonstances atténuantes!

Tanger, 2018. Une femme porte plainte. Le couple détient son acte de mariage mais ne cohabite pas. Il attend la cérémonie de mariage pour fêter la défloration. Impatient, le mari viole sa belle: déchirures vaginales attestées par le médecin. La cour d’appel condamne le mari pour «viol» à deux ans de prison ferme, qui, en appel, sont converties en deux années avec sursis. En fait, la victime a retiré sa plainte et notre espoir de jurisprudence est tombé à l’eau!

Selon l’OMS, le viol est «tout acte de pénétration, même légère, de la vulve ou de l’anus, imposé par la force physique, utilisant un pénis, d’autre partie du corps ou un objet… Le viol peut comprendre d’autres formes d’agression, dans lesquels intervient un organe sexuel, notamment le contact imposé entre la bouche et le pénis, la vulve ou l’anus». 

Selon le Code Pénal marocain (art. 486), le viol, «l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci», est puni de 5 à 10 ans. Mais il ne parle pas d’intromission, ni de la nature de l’acte sexuel. Il parle seulement de femmes et pas d’épouses ni d’hommes violés. 

Lors d’une étude que j’ai effectuée*, les personnes questionnées refusaient d’admettre un viol entre époux et ce, même des juristes, des religieux, des membres des autorités, des médecins… 

Le devoir conjugal prime sur le désir mutuel. Le désir de l’épouse est dénié. Dans cette enquête, les hommes justifiaient ce viol par le refus de l’épouse.

«Elle le pousse à l’adultère, au péché qu’elle endossera face à Dieu.» 

Les victimes, rencontrées dans des centres d’écoute des associations dans différentes villes, nomment rarement le viol. Elles disent taytkarfèsse ‘lya (il me maltraite). Seules les jeunes lettrées disent tayaghtassebni.

Une petite minorité va dans ces centres, mais après des années de maltraitance, après des blessures dans le vagin et l’anus, des hémorragies…

Parfois, la victime est accompagnée de sa fille, qui la force à parler. Souvent, les épouses ne sont pas conscientes d’être violées.

Elles ne le dénoncent pas, par crainte de la vengeance des maris, de retour à la maison. Il y a peu de centres d’hébergement pour ces femmes.

Elles se taisent pour leurs enfants et la réputation de la famille qui leur dit: «ne fais pas emprisonner le père de tes enfants».

Entretenir l’épouse donne tous les droits sur son corps. «Si je refuse, il ne me donne plus d’argent pour manger.»

Le désaccord est sur la fréquence: «je me refuse quand je suis épuisée par le travail et le foyer. Il me prend de force». Il peut être lié à une hypersexualité: «je n’en peux plus. Je suis madboura. Je saigne tout le temps!». L’acte s’effectue violemment, sans préliminaires. Le vagin n’est pas lubrifié; le coït devient douloureux.

Les hommes, expérimentés sexuellement, épousent des vierges, bloquées par la hchouma. Ils sont exigeants à cause de la pornographie accessible sur les smartphones. Les croyances religieuses s’y mêlent: les jeux de l’amour, prônés par l’Islam, sont, pour les femmes, péchés. Leur refus énerve les maris.

Elles se laissent faire: «sinon, il me bat. Les enfants entendent ses hurlements et mes pleurs!». 

Le mari bat l’épouse «rebelle», lui tire les cheveux, la pince, la mord, la griffe, lui attache les mains, la brûle avec des cigarettes, lui cogne la tête contre le mur, lui introduit des objets dans le vagin ou dans l’anus: gourdin, bouteille, savon, carotte, banane…

Des pratiques perverses, souvent liées à l’alcoolisme et la toxicomanie: obliger l’épouse à faire l’amour à trois avec une femme ou un homme, à coucher avec un autre homme pendant que le mari se masturbe et d’autres pratiques invraisemblables, écœurantes, dont je vous fais grâce, par respect! 

La sodomie, un calvaire: des fissures qui saignent constamment, des douleurs constantes. S’asseoir et marcher deviennent difficiles. Les victimes n’osent pas aller chez le médecin ou n’en ont pas les moyens. Et la culpabilité religieuse. «Dieu me pardonne et maudisse le Viagra qui le laisse actif à 70 ans!»

Un viol de la décence: les femmes sont scandalisées par la nudité des époux qu’elles pensent, à tort, péché: «il m’oblige à le voir se caresser», «à le masturber». «Il garde la lumière, me regarde, me touche. Je ne suis pas une prostituée. C’est péché!». Les films pornographiques créent de la violence quand la femme refuse de les voir avec le mari.

Un juriste, choqué quand je lui demande si le viol conjugal doit être pénalisé: «quoi? Je dois demander une autorisation au Caïd pour toucher ma femme?». Non, juste être bienveillant et tendre avec elle.

Rabat, 2019: un époux poursuivit sa femme en justice pour l’obliger à copuler. Elle déclara qu’elle accepterait si l’époux devenait bienveillant et tendre pendant l’acte. Le tribunal s'est prononcé en faveur du consentement mutuel dans les rapports sexuels conjugaux (Code de la Famille, art.51): le rapport sexuel est à la fois un droit et un devoir pour les deux conjoints. Une première!

Le viol conjugal doit être pénalisé. C’est une violence physique et psychologique.

*Le Viol conjugal, Soumaya NAAMANE GUESSOUS, Dr Chakib GUESSOUS, avec Oyoune Nissaiya, 2011. Observatoire marocain pour les violences faites aux femmes.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 30/09/2022 à 11h03

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Merci pour vos commentaires, toujours instructifs. En fait il est vrai que ce viol existe partout. Mais dans de nombreux pays, il est reconnu juridiquement et pénalisé. Ce qui n'est le cas d'aucun pays arabe et/ou musulman. L'idéal dans un couple est l'harmonie sexuelle et le consentement mutuel. Mais ce n'est pas toujours le cas, surtout quand les épouses ont été élevées dans la hchouma et le déni de leur propre désir sexuel. Une fois mariée, tout ce que fait et demande le mari est considéré comme une atteinte à la pudeur. Et comme les femmes n'éprouvent aucun plaisir, elles se refusent aux maris. Ce qui augmente la tension et peut provoquer la violence. Sans oublier qu'il y a des hommes violents, en dehors de ces considérations. Très belle semaine

Le viol conjugale tel que certaines personnes voudraient le faire reconnaitre est tout simplement le fait d'avoir un rapport sexuel avec son épouse qui se refuse même si l'homme n'est pas violent ou n'a pas recourt à des pratiques dégradantes. C'est la porte ouverte à toutes les dérives notamment en cas de divorce ou l'accusation de viol conjugal sera lancé par certaines épouses pour se venger ou faire condamner le mari à tort. La violence ou les mutilations , la sodomie à l'égard de l'épouse sont déjà condamnées dans la loi marocaine. Si la femme ne veut plus de son époux , qu'elle demande le divorce. Tous les cas énumérés plus haut son déjà condamnés par la justice sans avoir recours une nouvelle loi typiquement occidental.

Vu sous cette angle on pourrait adhérer à ce discours sauf que: Le procédé est connue : Dérouler des cas atroces de maltraitance envers une épouse par un mari violent pour justifier une loi pénalisant cette création occidentale : le " viol conjugal" grâce à l'activisme de féministes radicales. Tout mari non violent qui voudrait avoir des relations sexuels avec son épouse pourrait se voir refusé la dite relation sans justification et même pire faire l'objet d'un odieux chantage en cas de divorce. C'est l'ouverture à la dérive sous prétexte de lutte contre la maltraitance. Si il y a acte de violence envers l'épouse ou mutilation, la loi est déjà là pour punir le mari. Si la femme ne veut plus de son mari, qu'elle divorce! Cette loi s'inscrit dans le projet de casse de la famille en occident

Bonjour Madame Soumaya Naamane Guessous. Les comportements que vous avez décrits, sont tout simplement horribles, exécrables, atroces et par pudeur, vous avez zappé d'autres certainement encore plus écoeurants. Je sais qu'il existe des maltraitances sexuelles dans des couples, c'est un secret de Polichinelle, mais pas à ce point! C'est de la torture. Une épouse n'est pas une serpillère sexuelle. C'est révoltant, même nos amis les animaux ne vont pas jusqu'à cette sauvagerie pour soulager leurs pulsions. Que font les autorités de notre pays? Basta! Basta! Basta!... Cordialement.

Bonsoir Monsieur Omar, Effectivement, je n'ai jamais vu un mal animal contraindre la femelle à l'accouplement. En revanche, j'ai bien vu des hommes contraindre les animaux à la reproduction. Cordialement

Il y a combien de juges femmes au Royaume al Maghreb ? Dans un contrat de mariage ,il doit y avoir un fascicule sur la sexualité,le devoir et le droit des époux l'un envers l'autre. Un homme est plus violent avec la résistance, un conseil aux femmes.

Bsr professeure.Le viol est le viol,qu'il soit conjugal ou non.C'est malheureux d'être au XXIe siècle et d'entendre parler encore de ce phénomène.C'est encore la faute aux parents,aux éducateurs et aux femmes elles-mêmes.Les premiers et les seconds, par pudeur,n'expliquent pas bien les choses aux enfants qui découvrent tout,mais de travers.Les 3èmes,elles,ne doivent pas se laisser faire.Elles doivent réagir,non en se refusant,mais en apprivoisant le taureau et lui apprendre les bonnes manières.Le discours religieux peut aussi servir.Certains fquihs,chapeau!,expliquent aux hommes et aux femmes mariés ce qui est licite et ce qui ne l'est pas en amour. Ils donnent le bon exemple de la Sunna.Une bonne relation amoureuse est bénéfique,il ne faut donc pas la gâcher par la violence.Merci et B W.

Shella les "bons" chrétiens se sont révoltés contre l'église y a plus 'un siècle, ils ont eu tort car de nos temps ils sont ex chrétiens mais dépravés, liberticides, catho surtout. pour arabes "musulmans" ce n'est pas la séparation mosquée état comme église état mais l'arabe sinon l'africain aussi est phallocrate, misogyne a 70% savez-vous que c'est la Suède qui détient le record des actes du non respect envers la femme, alors ? ce n'est pas le Tchad ou ailleurs où on excise les filles comme on cadenassait la femme durant les croisades : "ceinture de chasteté" concernant les femmes des seigneurs mais non la paysanne, quelle hypocrisie. ici on évolue ailleurs on implose en famille sans discréditer sa religion qui moralement lui interdit mais il ne s'interdit rien

Bien parlé, il faut remettre les choses à leur place face à des arguments fallacieux qui relèvent du sophisme!

Le viol "conjugal" est, comme l'adultère, une expression d'absence de respect du mari pour l'épouse (ou le contraire) et, à fortiori, une absence certaine d'amour entre les deux partenaires. La complicité devrait être le moteur de la relation, intime ou pas, entre les deux parties. Autrement, tous les travers sont possibles et toutes les situations que vous avez citées peuvent s'exprimer malgré tous les référentiels religieux ou juridiques qui peuvent être invoqués pour contrecarrer cela. Apprendre le respect mutuel entre garçons et filles dès l'enfance aidera certainement (probablement) à faire évoluer la situation.

Comment voulez vous que ça soit autrement , malheureusement peu d'hommes chez nous pensent au désir de la femme, tout simplement parce que la sexualité est un tabou, elle n'est pas enseignée à l'école, l'homme ne pense qu' à satisfaire son désire bestial, ne connaît pas les préliminaires, ne sait pas que la femme pour être prête l'acte sexuel et qu'elle soit désireuse ,il faut d'abord qu'elle soit aimée ,respectée, préparée sexuellement parlé . le viol cache en faite une certaine impuissance et une ignorance de la sexualité feminine

Le plus important est: depuis toujours les faits n’ont pas l’objet de véritables sanctions ce qui implique la responsabilité des pouvoirs publics dont c’est le dernier des soucis pour différents motifs politiques et religieux. De même les associations qui pavanent n’ont jamais abouti au moindre résultat d’où leur inefficacité et leur souci d’occuper le devant de la scène. Alors à quand un véritable changement ? Probablement dans quelques décennies en étant optimiste.

Madame Soumaya, vous ne découvrez rien de nouveau. Cet acte perdure depuis l'antiquité chez cet "arabe" musulman circonstanciel. Pour éclairer mon point de vue a ce sujet, je souscris a ce que vous écrivez mais sachez que tout homme qui au lit ou a coté, "prendra" sa femme alors qu'elle n'est pas consentante ce soir ou jour là, cet acte est considéré étant VIOL acte consenti par la femme soumise mais viol tout de même; Chez les occidentaux, et lorsque la compagne n'est pas consentante, elle évoque ce mal de tête excuse qui date de Mathusalem. Chez "l'arbi" non, mal ou pas, tête ou ailleurs, tu es a moi alors laisse toi aller, sinon gare.... sur ce plan, kifkif homme des cavernes. ça implique que la maman a un devoir MORAL bannir cela de la tête de son enfant futur adulte et mari

Pourquoi parler d’arabe « musulman »? Ce mal est partout. A force de rendre la pornographie banale, c’est ce qui arrive. On crée des nymphomanes! Ensuite, bonjour les dégâts.

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