L’être humain a inventé la parole pour transmettre ses idées et échanger avec les autres. La communication s’effectue par la parole et les gestes.
Les gestes accentuent la parole et peuvent la remplacer, notamment dans le langage des signes des malentendants. Sinon, deux personnes pouvant entendre et parler peuvent communiquer par les gestes, à condition qu’elles aient les mêmes codes. Les gestes n’ont pas la même signification d’une culture à une autre. Par exemple, au Népal, les vieilles personnes saluent en tirant la langue. Imaginez un Marocain qui tend la main à un Népalais qui lui tire la langue !
Chaque culture a ses propres codes, selon un référentiel particulier. Nous sommes incapables de décoder tous les gestes car nous ne maîtrisons pas les spécificités de toutes les cultures. Souvent, nous décodons selon notre propre référentiel et donc nous interprétons. Ce qui peut créer des erreurs de compréhension et des conflits, surtout dans les relations interculturelles.
Exemple: dans le cadre d’un échange entre Casablanca et Chicago, nous avions reçu des adolescents américains qui devaient loger chez des adolescents marocains. Le deuxième jour, les Américains se sont plaints: «les Marocains nous touchent!».
Oui, notre mode de communication est tactile, comme tous les Méditerranéens: nous nous touchons, nous saluons en nous embrassant chaleureusement, des hommes peuvent se tenir la main et marcher dans la rue… Pour nous, c’est de l’affection, de la chaleur humaine. Mais pour les Américains, un homme qui enlace un homme ou lui tient la main est un homosexuel. On a dû sécuriser les Américains en leur donnant des outils pour décoder la culture marocaine et expliquer aux Marocains les codes de communication américains. Donc interdiction de toucher les Américains! Mais à la fin du séjour, les Américains ont brisé la distance avec les Marocains et à l’aéroport, alors que les Marocains se retenaient, les Américains se jetaient sur eux pour les embrasser en les enlaçant!
Quant aux mots, ils peuvent également prêter à confusion, ne pas être compris de la même manière par tous et créer des quiproquos.
Quiproquo signifie, en latin, «une chose contre une autre». Un mot qui appartenait au jargon pharmaceutique: un médicament pris ou donné à la place d'un autre. Le quiproquo est une erreur de compréhension, une équivoque, une confusion: deux personnes parlent chacune d’un sujet différent en pensant parler du même sujet. Il peut s’agir aussi d’une personne qui a exprimé une idée, mais l’autre en a compris une autre. L’erreur entraîne une situation drôle ou un fâcheux malentendu.
Exemple réel entre deux amis: le téléphone de Ali a sonné chez Amal qui entend une discussion. Amal rappelle Ali: «ton téléphone s’est déclenché tout seul. J’ai entendu une discussion entre toi et une femme. J’ai vite raccroché par respect à votre intimité». Ali réagit agressivement: «ce que tu dis là est grave!». Amal continue: «oui, c’est grave», pensant qu’Ali parle du téléphone qui se déclenche tout seul. Mais Ali pense qu’Amal lui signifie qu’elle l’a entendu dans le cadre d’une relation intime avec une femme. Il se défend, se met en colère. La tension monte, les émotions explosent: «c’est faux! Cette communication ne doit même pas avoir lieu entre nous. C’est honteux!».
Il met fin à la discussion, sèchement. Amal est fortement contrariée. Ce n’est que plus tard qu’elle comprend qu’il y a eu un quiproquo.
Le conflit est né à cause d’un mot mal interprété, une différence de perception: pour Amal, une communication téléphonique entre deux personnes relève de l’intimité. Ali a compris «relation intime entre lui et une femme». Que de malentendus créés involontairement parce que chacun a des représentations différentes de l’autre.
L’être humain ne peut s’empêcher d’interpréter à sa manière. Mais il peut limiter les dérives de la communication en prenant des précautions et en passant par trois étapes: premièrement, une écoute active du début jusqu’à la fin du message. Le quiproquo naît quand on coupe l’écoute sans que le message de l’autre ne soit terminé, en pensant avoir saisi l’essentiel. C’est l’exemple qu’on donne du Coran avec «wayloune lilmoussalline» («malheur à ceux qui font la prière»).
La suite: «qui l’exécutent sans conviction ou s’en laissent distraire». Si on coupe l’écoute à la première phrase, le sens du message change complètement. Une écoute active jusqu’à la fin du message évite les dérives.
Deuxième étape: chacun décode à sa manière le message pour le comprendre.
Troisième étape: la reformulation, qui est souvent occultée. Reformulez face à l’autre ce que vous avez compris, pour vérifier si votre perception est conforme à la sienne: «tu veux dire…?». Si le message a été mal compris, l’émetteur peut corriger. A partir de là, on peut répondre ou agir de façon adaptée.
Le théâtre comique et les humoristes utilisent les quiproquos pour faire rire, mais quand ça arrive dans la vie réelle, ce n’est pas toujours drôle car il faut expliquer qu’il y a eu malentendu, argumenter, face à des personnes qui ne sont pas toujours convaincues de votre bonne foi. Ou alors c’est vous-mêmes qui n’êtes pas convaincus par les explications de l’autre. Une perte de temps et d’énergie qui aurait pu être évitée.
Des conflits ou des ruptures peuvent s’ensuivre, temporaires ou définitives, parce que chacun a sa propre perception qu’il prend pour LA vérité. Maîtriser l’art de la communication permet de vivre en harmonie avec les autres en évitant de créer, involontairement, des malentendus.