Que de variantes de ce liquide noire, entré récemment dans nos mœurs. Vendu en vrac dans des sacs de jute, brute ou aromatisé aux épices telles que cannelle, clous de girofle, cardamone, muscade, anis, mijotant longtemps sur feu doux pour en extraire le nectar. Les buveurs prenaient le temps de le préparer, humant sa senteur qui embaume l’espace, avant de le déguster à petite lampée. Aujourd’hui, le manque de temps nous mène vers les machines à capsules capables de nous servir en quelques secondes. Fini le temps où le consommateur était allongé, un verre ou une tasse à la main, pour en savourer la moindre gorgée.
Mais connaissez-vous l’histoire de ce délicieux liquide devenu indispensable pour beaucoup d’entre nous, au point d’en être addicts? Savez-vous que le café a provoqué polémiques, divergences, perturbations, avant d’être halal (licite) et légal? Savez-vous que son origine est africaine et que les premiers cafés ont ouvert à la Mecque?
Le café est originaire d’Ethiopie où il serait consommé depuis la Préhistoire. Les arbustes poussaient sauvagement. Selon la légende, un berger a remarqué l’effet tonifiant de ses grains sur les chèvres. Ses arbustes furent appelés K'hawah, qui signifie revigorant en arabe. Commence alors la consommation des feuilles de café en décoction, avant d’arriver à l’utilisation de ses grains.
Au XIe siècle, Avicenne, médecin et philosophe persan, dans le «Canon de la médecine», vante les vertus médicinales du café qui guérit tous les maux: des douleurs aux oreilles jusqu’aux problèmes de foie.
Le café a été consommé à la Mecque à la fin du XVe siècle, dans des espaces appelés buyût al-kahwa (maisons du café). Puis il est arrivé dans les pays arabes par les pèlerins qui repartaient de la Mecque avec ce précieux produit qui leur donnait de l’énergie pour leur long voyage.
Comme toute nouveauté, le café a scandalisé les religieux qui l’ont décrété haram (illicite). Sa vente et sa consommation étaient sévèrement sanctionnées. Petit à petit, il entré dans les mœurs des arabes. L’empire ottoman qui colonisait la Syrie et l’Egypte, l’introduit en Turquie. Au XVIe siècle, furent ouverts les premiers débits de café (kahvzhâne) à Constantinople (Istanbul), devenus un lieu de rencontre pour «les amateurs de plaisir, les oisifs, mais aussi pour quelques beaux esprits littéraires; ils prirent l'habitude de se réunir par groupes de vingt ou trente; certains lisaient des livres ou de beaux écrits, d'autres étaient occupés à jouer au trie-trac ou aux échecs, d'autres apportaient de nouveaux poèmes ou parlaient de littérature».
Les cafés prennent alors le nom de mektebi ‘irfan (écoles de la connaissance) (I. PECEVI, Tarih, Constantinople, Ed.1293/ 1866).
Les religieux, considérant que ces lieux éloignaient les croyants des mosquées, décrétèrent que le café est haram car il est carbonisé jusqu’à devenir charbon. L’interdiction toucha la Mecque au XVIe siècle. Lors du XVIIe siècle, un sultan turc imposa la peine de mort pour les consommateurs.
Les cafés ont également été fermés parce qu’ils favorisaient les rencontres entre intellectuels qui critiquaient le pouvoir.
A travers les siècles, cette boisson continua a être tantôt illicite, tantôt licite, mais sa popularité auprès des intellectuels a incité les états à lever son interdiction.
C’est au XVIIe siècle que les Européens découvrirent le café chez les Turcs: «les Turcs ont aussi un autre breuvage, dont la couleur est noire… Ce breuvage, (…) se fait avec la graine ou le fruit d'un certain arbre qui croist en Arabie vers la Mecque, et le fruit qu'il produit nommé Cahvé». (Pietro delia Valle, DU LOIR, Les voyages du sieur Du Loir Paris 1634.)
«Cette boisson est bonne pour empêcher que les fumées ne s'élèvent de l'estomac (…) et par la même raison il empêche de dormir (…) ; il est bon aussi pour conforter l'estomac, et aide à la digestion; enfin selon les Turcs il est bon contre toute sorte de maux (…) » (THEVENOT, Voyages de M. Thévenot au Levant et en Asie, Paris, 1664).
Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le café arrive en Europe, à Venise, en provenance d’Egypte.
L’interdiction survint en Europe après l'ouverture des cafés. Au XVIIe siècle, l’Eglise vacillait entre licite et illicite. Mais le pape Clément VIII refusa de l’interdire après avoir goûté au plaisir de la boisson. Le café a eu un grand succès auprès des moines. Il leur permettait de veiller et de rester lucide pour prier.
A la même époque, le café s’introduit en Angleterre. Des cafés ouvrent et deviennent des lieux où naissent des idées libérales par la rencontre des philosophes et des lettrés. Ils furent longtemps fermés, accusés d’alimenter des crimes de lèse-majesté contre le Roi.
Au Maroc, le café a fait son entrée timidement à partir du XVIIe siècle, consommé par les plus aisés, lors des grandes occasions. C’est surtout au XXe siècle qu’il s’est incrusté dans nos habitudes. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les ulémas étaient divisés. Son interdiction fut proclamée par certains qui lui reprochaient d’avoir les mêmes effets que l’alcool. Pour d’autres, il est bénéfique pour la santé. Aujourd’hui encore, on peut trouver dans le web des musulmans qui posent la question du café: halal ou haram?
Le café s’est imposé par ses propriétés et pour son caractère social. Tout comme le thé, il nous réunit dans le partage et la convivialité. Je lève une tasse bien parfumée à votre santé et vous souhaite une bonne fête.