Vidéo. Déconfinement: pour le hammam, il faudra (encore) attendre

DR

Le 25/06/2020 à 09h36

VidéoLe Covid-19 a privé les Marocains d’un de leurs plus chers rituels traditionnels: le hammam. A la veille de la réouverture de ces bains, ce jeudi 25 juin, nous avons rencontré des professionnels qui nous parlent d'une reprise qui risque d'être lente. Voici pourquoi.

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du nouveau coronavirus, les hammams ont dû cesser leur activité pendant plus de trois mois.

Cette fermeture a non seulement impacté les propriétaires de hammams, mais elle a aussi mis au chômage l’ensemble des petits métiers qui gravitent autour de cet héritage culturel et traditionnel du pays.

Attendue depuis longtemps par les professionnels du secteur et par les clients, la réouverture sera possible dès ce jeudi 25 juin, à certaines conditions.

«Nous sommes heureux d’avoir enfin une date pour la reprise, mais nous savions qu’il y aurait des règles à respecter pour la réouverture, à savoir ne pas dépasser 50% de la capacité d’accueil, la désinfection des lieux, le contrôle de la température à l’entrée, le tapis de désinfection des chaussures. Certains hammams sont prêts à rouvrir dans ces conditions, d’autres ne le sont pas et ne rouvriront pas dans l’immédiat», indique Mohamed Ihichem, directeur administratif de l’Association nationale des bains traditionnels marocains.

Après plusieurs mois de fermeture et une activité à l’arrêt, l’intérieur des hammams s’est détérioré. Avec le calcaire, les cuves ont été abîmées, certains carreaux de carrelage se sont décollés, les tuyauteries se sont entartrées et certains murs se sont effondrés.

«Nous avons été surpris par la décision soudaine des autorités concernant la réouverture. Après trois mois d’inactivité, les hammams sont abîmés et nous devons faire quelques travaux avant de pouvoir accueillir de nouveau nos clients dans de bonnes conditions. Moi, je ne pourrai pas ouvrir ce 25 juin, je dois d’abord finir les travaux avant de pouvoir reprendre», indique Nouredine, propriétaire d’un hammam traditionnel, qui fonctionne au bois, au cœur l’ancienne médina de Casablanca.

L'autre problème évoqué par les propriétaires concerne leur personnel. En effet, la plupart des «kessals», qui s’occupent des clients à l’intérieur du hammam pour les gommages et les massages, ainsi que les «fernatchis», qui s’occupent d’alimenter les chaudières en bois pour chauffer le hammam, ont quitté la ville avant le confinement et n’ont toujours pas pu regagner Casablanca.

Dans l’ancienne médina, nous avons rencontré Slimane, qui travaille comme kessal depuis bientôt 16 ans. «J’ai dû me faire prêter de l’argent pour manger pendant ce confinement. Avec l’arrêt de l’activité, je n’avais plus de rentrée d’argent, car nous n’avons pas de salaire fixe. Nous sommes rémunérés au pourboire et en une journée je pouvais atteindre entre 80 et 100 dirhams. Je n’ai ni CNSS ni retraite, je vis au jour le jour», confie-t-il.

En effet les petits métiers traditionnels qui gravitent autour des hammams sont souvent informels, non déclarés et ne bénéficient pas d’une couverture sociale. Cependant, certains propriétaires de hammams, comme Nourredine, ont apporté une aide financière aux personnels qui travaillent en temps normal dans leurs établissements.

Dans les quartiers populaires du Maroc, le hammam revêt une importance particulière. Ici, une grande partie des foyers n’a pas accès à l’eau chaude. Certaines maisons ne disposent pas de salle de bain. D’autres ne sont pas reliées au réseau d’eau courante de la ville et leurs occupants se rendent à la source située dans leur rue pour s’alimenter en eau.

«Certains ont des chauffe-eau, mais d’autres qui louent une chambre dans une maison n’ont que des sanitaires en commun, souvent sans douche. [Faute de hammam], ils ont dû chauffer de l’eau par leurs propres moyens et utiliser des seaux pour prendre une douche dans les toilettes. Heureusement, il y a eu une solidarité entre voisins. Ceux qui disposent d’eau chaude ont ouvert leurs maisons à leurs voisins, qui n'en avaient pas, pour prendre une douche», témoigne un habitant de l’ancienne médina.

«Je prenais ma douche à la maison, mais ce n’est pas la même chose que le hammam. Au moins au hammam, on trouve quelqu’un pour nous frotter le dos et ça détend, ça fait du bien. Dès l’ouverture, je serai le premier à y aller, il faudra juste que les gens respectent les règles de prévention et ne s’éternisent pas à l’intérieur du hammam pour que tout le monde puisse y accéder», remarque Salaheddine, un jeune habitant de l’ancienne médina.

Très attendue par les Marocains, la réouverture devrait donc se faire progressivement, le temps que l’ensemble des établissements finalisent les travaux de rénovation et mettent en place les mesures de prévention et de sécurité sanitaire pour pouvoir accueillir les clients.

La Fédération des propriétaires et des gérants de hammams a, quant à elle, indiqué, dans un communiqué, que la réouverture n’était pas envisageable avec les conditions dictées par les autorités et appelle le gouvernement à ouvrir un dialogue avec les professionnels du secteur, tout en laissant la responsabilité aux propriétaires de décider de la réouverture ou non de leurs établissements.

Par Mehdi Heurteloup et Saad Aouidy
Le 25/06/2020 à 09h36