Se rendre au marché pour faire des courses devient une activité de plus en plus stressante pour les Marocains, confrontés à une hausse générale et sans précédent des produits alimentaires, même les plus basiques. De retour du marché, les sacs sont souvent moins remplis, ce qui laisse deviner que les assiettes, à leur tour, seront bien moins garnies.
«Heureusement, au Maroc, contrairement à d’autres pays, il n’y a pas de pénurie et les marchés sont bien fournis. En revanche, là où le bât blesse, c’est au niveau des prix», souligne Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC). «Les prix de pratiquement tous les produits alimentaires ont augmenté. On constate un tsunami de la hausse des prix», relève-t-il.
La hausse la plus phénoménale et la plus inquiétante, selon Kherrati, est celle que connaissent les prix des viandes, des œufs et des poissons, principales sources de protéines pour les Marocains. «Pour les viandes, il faut considérer que les coûts de l’élevage ont quasiment triplé au cours des derniers mois, et donc les prix des viandes et des œufs se sont à leur tour multipliés.»
«Déjà, pour les viandes rouges, on est arrivés au cap de 100 dirhams le kilo. Pour le poulet et le dindon, considérés comme des “viandes des pauvres”, leur prix varient entre 40 et 60 dirhams le kilo», détaille le président de la FMDC.
En manque de protéines... et d’alternatives
Conséquence de ce «tsunami de hausse des prix»: un régime alimentaire de moins en moins équilibré et manquant de plus en plus de protéines. «Plus ces produits deviennent chers, plus ils se font rares dans les ménages, ce qui va impacter l’équilibre alimentaire d’une grande partie des citoyens qui ne peuvent tout simplement plus suivre cette tendance haussière des prix», s’inquiète Kherrati.
Ce qui est d’autant plus inquiétant, souligne notre interlocuteur, c’est que désormais, les ménages n’ont plus la possibilité de substituer l’un de ces produits de base par un autre: «Normalement, lorsque le prix de l’un de ces produits augmentait avant, les consommateurs se dirigeaient vers un autre. La demande sur le premier produit baissait, tirant ainsi vers le bas son prix.» Et de partager un autre constat, et pas des moindres: pour la première fois, les prix de l’ensemble de ces denrées montent simultanément en flèche.
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Le phénomène ne touche pas uniquement le Maroc, il est plus grave dans d’autres pays. «Les prix de ces produits ont augmenté partout dans le monde, et il y a même une pénurie des aliments riches en protéines à l’échelle internationale», explique Kherrati, observant que «la décision du Parlement européen autorisant l’usage des insectes dans l’alimentation pour pallier le manque de protéines est la preuve de l’ampleur de ce problème au niveau mondial».
Quels risques pour la santé ?
Ce phénomène touche de plein fouet le pouvoir d’achat des ménages, mais pas que. Si d’un point de vue économique, se passer carrément des protéines animales peut sembler une bonne option, sur le plan sanitaire, les effets peuvent être néfastes. Contactée par Le360, Rayane El Hayboubi, diététicienne nutritionniste, explique que «les protéines ont un rôle primordial et structural. Elles interviennent dans la construction musculaire, cutanée, et sont également impliquées dans la défense immunitaire et le transport de l’oxygène dans l’organisme par l’hémoglobine.»
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Les aliments les plus riches en protéines sont les viandes, les œufs, et les poissons, alors «ne pas pouvoir se procurer ces produits aura des répercussions négatives sur l’état nutritionnel et engendrera par la suite une malnutrition protéino-énergétique», alerte la spécialiste. Et l’on n’est pas à l’abri de conséquences «néfastes» et «dangereuses»: «Une carence en protéines peut fragiliser et diminuer les défenses naturelles et augmenter le risque d’infection. Elle engendre aussi le retard de croissance et l’amaigrissement, diminue la force musculaire et entraîne des maladies lourdes», poursuit-elle.
La protéine végétale, bouée de sauvetage ?
Avec la flambée des prix des viandes, œufs et poissons, faudrait-il commencer, à l’instar de nos voisins européens, à consommer des insectes pour obtenir l’apport nécessaire en protéines? Heureusement, comme l’explique Dr El Hayboubi, il existe d’autres options pour remplacer les viandes, œufs et poissons.
«D’autres aliments sont très riches en protéines végétales et sont un bon substitut à la viande», assure-t-elle. Il s’agit notamment des oléagineux (noix, amandes, cacahuètes...), des légumineuses (lentilles, haricots rouges, pois chiches...) et des céréales (sarrasin, quinoa, avoine...), qui fournissent également un apport protéique très intéressant.
Par ailleurs, «on peut remplacer les protéines animales par d’autres végétales en les associant à des féculents, comme la semoule avec des pois chiches ou des lentilles avec du pain pour augmenter leur valeur biologique», ajoute la nutritionniste.