Selon la Dr Najat Oulchgar, pionnière de la médecine communautaire dans notre pays, l’ancienne répartition administrative a fait que le Maroc était constitué de 1503 communes dont 221 urbaines et 1282 rurales, alors que le nombre de médecins recrutés par les communes ne dépassait pas 320 médecins.
Entre 2010 et aujourd’hui, le nombre de médecins œuvrant au sein des bureaux municipaux d'hygiène (BMH) est passé de 300 à 120. Les prochains présidents des communes-collectivités territoriales ont la lourde tâche de combler ce déficit. Le Ministère de l'Intérieur et les présidents des communes sont censés renforcer le rang de ces professionnels de la santé.
Des concours ont été annoncés, mais souvent reportés. C’est le départ à la retraite des médecins de communes et leur non-remplacement qui expliquent cette situation.
Lire aussi : Tribune. Thalassémie, la valeur du sang
Il faut rappeler que la notion du bureau d’hygiène a vu le jour au Maroc depuis l’année 1941.
En 1976, puis en 2006, la charte communale a mis à la charge du président du conseil communal la gestion de la salubrité et la propreté de l’environnement des citoyens, dont le bureau d’hygiène est l’un des services responsables.
En janvier 2001 une circulaire interministérielle avait fixé les attributions du médecin du bureau d’hygiène.
La direction administrative et technique du bureau communal d’hygiène (BCH) était attribuée au médecin directeur du bureau d’hygiène (MDH), qui est soit médecin généraliste ou spécialiste en médecine du travail, médecine légale ou médecine de sport.
Mais il faut préciser que la loi organique 113.14 de 2015 relative aux communes, a complètement chamboulé l’organigramme des communes. On ne parle plus de commune urbaine et rurale, mais de collectivité territoriale.
Le service d'hygiène prend sa dimension au sein de l’ organigramme en fonction de l'effectif de la population. S'il y a moins de 15.000 habitants, il est intégré avec les services social, d’urbanisme et culturel.
Si la population est comprise entre 15.000 et 50.000 habitants, c’est un service d'hygiène et d'environnement. Pour une collectivité territoriale de plus de 50.000 habitants, la commune dispose dans son organigramme de toute une division d’hygiène.
Cela étant, est-ce que ces modifications d’organisation ont été accompagnées par un renforcement des moyens humains et matériels, s’interroge la Dr Najat Oulchgar?
Ce n’est pas le cas. Si ce n’est épisodiquement, pandémie de la Covid 19 oblige.
Les départs à la retraite sans recrutement ont amputé beaucoup de communes du seul médecin communal dont elles disposaient. La Dr Oulchgar donne l’exemple des communes de Ain Aouda El Menzah et Mers Elkheir, dans la préfecture de Skhirat Temara.
Depuis le 2 mars 2020, date d’apparition du premier cas du coronavirus au Maroc et la déclaration du confinement à 18 heures, le jour même, les bureaux communaux d’hygiène ont été au front.
Désinfection des espaces publics, des administrations, des établissements scolaires, des rues et des avenues et cela, de façon continue.
Nettoyage des moyens de transport et des ambulances.
La mise en bière des morts dus au Covid. La désinfection des lieux de décès soit à domicile ou dans une structure de soins publiques ou privées.
La préparation au déconfinement par la désinfection des mosquées et des msids (écoles coraniques).
Toutes ces activités sont sous la responsabilité des services d’hygiène relevant des communes plutôt que du ministère de la Santé.
Tout cela, tout en maintenant les autres activités quotidiennes du bureau communal d’hygiène (BCH), notamment la lutte contre les chiens errants, la vaccination contre la rage, la délivrance des certificats de décès ou d’inhumer. Et pour certains communes, la réalisation d’autopsies, à la demande de la justice
Dans certaines collectivités territoriales, aussi bien en ville qu’à la campagne, les constat de décès, par manque de personnels qualifiés, sont faits par des infirmiers ou des agents d’autorités qui portent alors le qualificatif de «constateurs de décès».
Il est indispensable de rappeler que les principales missions du médecin affecté dans le bureau communal d’hygiène (BCH) sont le contrôle de l'hygiène alimentaire et de la restauration collective, l'hygiène de l'habitat, des installations industrielles et scolaires, ainsi que l'hygiène de l'environnement.
Par ailleurs, il serait plus qu’opportun que le programme d’appui à l’amélioration de la performance des communes au Maroc (PAPC), cofinancé par la Banque mondiale et l’Agence française de développement (AFD), puisse s’intéresser à l’évaluation et surtout à la réorganisation des bureaux communaux d’hygiène (BCH).
Lire aussi : Tribune. La dépression nerveuse: on tombe souvent, mais on se relève toujours
Ainsi, dans le contexte actuel de la pandémie de la Covid 19, ce programme doit s’ouvrir davantage aux questions de santé, d’hygiène et d’environnement, afin d’améliorer la qualité des services publics locaux.
Ce programme, qui se déroule sur une période de 5 ans (2019-2024), peut proposer une assistance technique et de formation adaptées qui seront mises à la disposition des communes en matière de santé locale, d’hygiène et d’environnement.
De même, dans la perspective d’une nouvelle organisation régionale de la santé publique, par la création de 12 Directions régionales de la santé (DRS), relevant du ministère de la Santé, il faut impérativement veiller à une véritable collaboration avec les structures d'hygiène et de santé des collectivités territoriales, afin d’être prêt à tout moment à faire face à toute nouvelle épidémie.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.