Qu’est-ce que la «tamaghrabit»?

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.

ChroniqueLa tamaghrabit est l’essence de la civilisation marocaine; mais elle doit en exprimer tous les aspects. Au cours des décennies passées, certains ont voulu nous réduire à un seul aspect de ce que nous sommes. C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Baathisme, ethnicisme, extrémisme religieux, régionalisme sont des formes d’amputation de notre identité.

Le 08/11/2023 à 10h58

Un de mes romans fétiches, Nadja d’André Breton, s’ouvre sur cette interrogation: «Qui suis-je?». Et c’est le point de départ d’une profonde réflexion, entremêlée d’amour-passion et de péripéties diverses. Le tout donna une assise romanesque au surréalisme naissant.

Avec cette première phrase en forme de question, l’écrivain se conformait au fameux précepte gravé sur le fronton du temple de Delphes: «Connais-toi toi-même».

(On peut disserter sur le sens de cette maxime. Signifie-t-elle qu’on ne peut connaître le monde si on ne se connaît d’abord, en tant qu’observateur? Dit-elle que l’introspection est le préalable à l’affirmation de valeurs morales? Nous incite-t-elle, comme le pensait Platon, à faire preuve de modération? Débat pour une autre fois).

Une nation n’est pas un individu. Mais elle serait bien avisée, pour sa pérennité et sa stabilité, de se poser parfois la même question que Breton, mais au pluriel: «Qui sommes-nous?»

Les choses changent, les situations évoluent au cours du temps. Qu’est-ce qui subsiste? On se souvient du «Nous sommes arabes, arabes, arabes!» clamé par Ben Bella en 1962, phrase qu’aucun président algérien ne pourrait prononcer aujourd’hui, vu les douze millions de Kabyles qui peuplent son pays et qui sont fondés à réclamer leur autonomie, voire leur indépendance, si on persiste à nier le simple fait qu’ils existent.

De même, les Espagnols n’ont que très récemment réintégré la part arabo-musulmane de leur identité, après avoir longtemps escamoté huit siècles de leur Histoire dès l’achèvement de la Reconquista en 1492.

En ce qui nous concerne, le deuxième paragraphe du préambule de notre Constitution dit clairement les choses: «(…) le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen». (Peut-être faudrait-il ajouter une phrase à ce beau préambule pour affirmer aussi le caractère atlantique du pays, récemment souligné au plus haut niveau de l’État. Á quand un amendement?)

Inutile de chercher plus loin: la tamaghrabit est ainsi définie juridiquement, par la Constitution. Mais un texte juridique, tout auguste qu’il soit, ça ne craque pas sous la dent, ça n’enchante pas la narine, ça n’ajoute rien au plaisir des yeux. La tamaghrabit, c’est aussi le thé à la menthe autour duquel s’exprime l’hospitalité, le malhoun qui enchante les soirées, les ahwash et ahidous, les chants soufis, le culte des saints qui parsème les paysages de blancs marabouts, les moussems qui rassemblent petits et grands, riches et pauvres, réalisant ainsi une autre valeur, l’inclusion… Mais vous savez tout cela, je ne vous apprends rien; comme vous savez que la tolérance et la solidarité -on l’a vu à la suite du séisme d’Al Haouz- sont également des valeurs à chérir.

La tamaghrabit est l’essence de la civilisation marocaine; mais elle doit en exprimer tous les aspects. Au cours des décennies passées, certains ont voulu nous réduire à un seul aspect de ce que nous sommes. C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Baathisme, ethnicisme, extrémisme religieux, régionalisme sont des formes d’amputation de notre identité.

Voici donc la définition qui me semble être la plus générale, la plus pertinente: la tamaghrabit, c’est le refus de nous laisser amputer de la moindre facette de notre identité riche, multiple et diverse. C’est au prix de ce refus que notre identité restera unique.

Par Fouad Laroui
Le 08/11/2023 à 10h58

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bonjr Je dis ceci sans aucun idée de rancune. ... .mais comprendre l'histoire.. Je me rappelle, étudiant à la l'université sidi Mohamed ben abdellah de fez , octobre 1980, il y avait dans le département : littérature et langues, ces langues : l' arabe, le fançais , l 'anglais,l'espagnol,l'allemand,, l italien,le portugais,le russe, le hébreux, le perse.. Et pas l' amazigh ! alors que sur la route de Ain chekf à 3km de fez il y a ayt ayach ..!. Et pourquoi cette haine vers tamazight ? pourquoi comme disait un historien, ce mépris de soi? .. une fois encore comprendre nous même. .il y a des erreurs ,il faut accepter de dire qu 'ona tort .si on plonge dans ce sous -développement c'est aussi car on a marginalisé une grande partie de ns mêm,

Azul shalom c est pas l histoire de passeport......? le passe n apas besoin d avocat il a besoin d historien.............................Notre demarche consiste essentiellement a revendiquer notre identite culturelle qui se resume tout simplement dans le refus d etre autre que nous meme dans le respect des autre, nous sommes et nous voulons rester AMAZIGH

La tamaghrabit, c’est le principe actif d’une subtile alchimie identitaire reconnaissable, entre autres, via un geste solidaire, ne serait-ce que la pincée de sel partagée sans condescendance avec telle ou telle ménagère, l’accueil chaleureux et réconfortant pour celui qui n’a ni gîte ni couvert, la touiza qui permet au pauvre hère d’avoir sa quote-part une fois réparties les faveurs de la terre, la fierté de se mirer dans nos valeurs foncières, inébranlable ossature de la « Patrie-Mère ». La Tamaghrabit est de l’ordre de l’indicible si bien qu’elle dégoupille la coquille du verbe pour se rendre visible et s’incarner, par-delà la rhétorique et indépendamment des latitudes, dans des marques citoyennes, humaines qu’aucun dissolvant n’oblitère ni n’altère.

La tamaghrabit n’est-elle pas, en effet, une couronne coiffant de son essence et de sa magnificence l’emblématique triptyque : Dieu, la Patrie, le Roi ? Lorsqu'en nous tout semble se fossiliser , c’est l’étincelle de la tamaghrabit qui entreprend de nous galvaniser ! Et il suffit d'ailleurs de tirer juste le premier couplet de notre hymne national de son foyer ardent pour qu’il nous fasse l’effet d’une revigorante bûche : Pépinière des âmes libres et fières Levant des lumières… AOUINE EL MOSTAPHA UNIVERSITÉ DE FÈS-MAROC

Au sens sociolinguistique, le terme tamaghrabit est souvent employé dans un contexte péjoratif. هضر معاه بتمغرابيت càd, il lui a parlé de manière franche en mettant les points sur les i . Et parfois, dans un style qui frôle بلطجية l’intimidation. Dans ce billet, tamaghrabit est dans le sens de la marocanité. Celle-ci ne se définie pas par des attributs physiques, mais par une façon d’être apparente. Nous avons tous des accents régionaux différents, des couleurs de peau différentes, etc. mais on se reconnait facilement les uns les autres. Hassan Aourid formule ceci : on ne peut être arabe sans être berbère, et l’on ne peut être berbère sans être arabe ; bref, marocain, tout simplement. Ayant grandi à Casa centre, milieu assez multiculturel, je suis d’accord avec lui.

La Tamaghrabit, c’est le principe actif d’une subtile alchimie identitaire reconnaissable, entre autres, via un geste solidaire, ne serait-ce que la pincée de sel partagée sans condescendance avec telle ou telle ménagère, l’accueil chaleureux et réconfortant pour celui qui n’a ni gîte ni couvert, la "Touiza" qui permet au pauvre hère d’avoir sa quote-part une fois réparties les faveurs de la terre, la fierté de se mirer dans nos valeurs foncières, inébranlable ossature de la « Patrie-Mère ». La Tamaghrabit est de l’ordre de l’indicible si bien qu’elle dégoupille la coquille du verbe pour se rendre visible et s’incarner, par-delà toute rhétorique et indépendamment des latitudes, dans des marques citoyennes, humaines qu’aucun dissolvant n’oblitère ni n’altère.

Je pense que le débat sur l’identité nationale présente peu d’intérêt. L’on se rappelle tous de ce ministère de l’identité nationale créé par Sarkozy et qui n’a servi pratiquement à rien. De plus, il y a toujours le risque de saisir ce genre d’occasion pour hiérarchiser les groupes en fonction de leurs origines, religions, ethnies, langues,couleurs de la peau,anciennetés de présence sur le territoire…etc. Or, Tamaghrabite synthétise la valeur de chaque personne en deux éléments essentiels : الراس عامر ، و الجيب عامر 🐒” la tête pleine et la poche pleine “. C’est une définition plus complète que celle de nos amis Égyptiens qui n’y considèrent que le côté matériel:” عندك قرش ، تسوى قرش " “ tu vaux ce que tu as”.

Bonsoir Monsieur Driss. Votre définition est un jugement de valeur. Dans la pratique, ce que porte notre visage est très important et souvent déterminant. Cordialement.

Le tamagrhabite pour moi est être attachée à mon pays à mon Roi (nôtre Monarchie) la solidarité de tout le peuple marocain l'entraide et jiddia comme l'a prononcé nôtre Roi. Gloire à Sa Majesté ! Vive le Royaume du Maroc ! Tous solidaires, unis et fiers de nôtre Roi, de nôtre pays le Royaume du Maroc. Le Sahara marocain qui demeurera marocain jusqu'à la fin des temps DIEU la Patrie le Roi.

La tamaghrabit est aussi le Sérieux ! Sans Ça rien ne pourra être fait ! Notre Souverain a Insisté sur ce point dans ses 2 derniers Discours ! Le Sérieux dans la Formation des Jeunes par exemple ! Sur le sujet et en rapport avec l'actualité, j'ai envie de poser 1 Question pour avis ! Pourquoi nous n'avons jamais assisté à un mouvement de protestation des enseignements contre la vertigineuse baisse de niveau des élèves Marocains qui peuvent arriver jusqu'au Bac sans savoir Bien Lire et Comprendre ?!!! ... Pourquoi les enseignants du Primaire et du Secondaire ne se mobilisent et ne protestent que pour les droits matériels ?! Droits légitimes certes, Mais, ... Enseignant inquiet ! Merci

Etre maghribi et marghibiyya c’est une identité et un don divin d’avoir né avec une ADN innée de tamaghribite et être cohérent avec soi-même Tamaghribite un ensemble cohérent fait de spiritualité d’ici, des langages et cultures de ce coin du monde spécifique et bien particulier (le portail atlantique et méditerranéen de l’Afrique) tamaghribite ce n’est pas un parti, c’est n’est pas un courant intellectuel ce n’est pas une mode exotique ce n’est pas une tendance sur les réseau sociaux ! tamaghribite c’est le royaume de tolérance avec une aspiration de faire mieux et de construire un avenir humain de bien-être et de paix sur terre pour tous les humains

je n'ai jamais compris pourquoi la majorité de mes compatriotes marocains se sentent arabes et oublient qu'ils sont avant tout africains. combien d'arabes sont venus coloniser le Maroc,? très peu parce qu'il s'agit bien d'une occupation mais presque tout les marocains ont tendance à l'oublier.

Chère Hana... L'arrivée de tribus arabes au Maroc, c'est quelque chose qui s'est passé il y a mille ans. Arrêtez de regarder dans le rétroviseur et considérez plutôt l'avenir. On n'avancera que si nous acceptons que nous sommes mélangés et unis: amazighs, arabes, andalous, africains, juifs, romains, vandales... Chacun de nous est tout cela à la fois. Nous sommes Marocains et c'est tout. Cessons de nous diviser bêtement.

nous ne sommes pas arabe mais africain, il va falloir arrêter cette arabisation à tout va

Pourquoi cette réduction? Pourquoi ne pas dire: "Nous avons dans nos veines du sang amazigh ET arabe ET andalou ET négro-africain ET européen (par les Romains et les Vandales) ET juif et..." C'est ça, la tamaghrabit: accepter TOUTES nos racines. C'est ce mélange et cette diversité qui f0nt notre unité et notre unicité. Cordialement, Anissa.

Notre identité commune est dans notre commun ADN Amazigh Nord-africain. Notre identité ne peut être que notre Amazighité, Amazighité qui avait su recevoir l'étranger, le protéger et le respecter. Quel malheur et quelle ingratitude de vouloir nous faire épouser l'idéologie de l'Arabisme Oriental nazi et raciste. Nous sommes Imazighen peuple accueillant et tolérant notamment envers nos compatriotes et frères de confession juive. L'avenir continuera à nous révéler qui nous ne voulons pas être. Notre intégrité territoriale est la leçon d'histoire pour tous ceux qui se trompent sur notre Amazighité.

M. Oustouh, Vous feriez bien de relire attentivement l'excellent texte de M. Laroui. Il définit la tamaghrabit comme l'acceptation de toutes les facettes de notre identité. Et il recommande de ne pas la réduire à une seule de ces facettes. C'est malheureusement ce que vous faites. Comme si refusiez de considérer comme vos compatriotes ceux qui se revendiquent d'une ascendance multiple: amazighe, certes, mais aussi arabe, andalouse, africaine, etc. On gagne quoi à cette réduction? Réfléchissez un peu.

La Kahina et d’autres étaient bien des amazighen convertis au Judaism comme les Mourabitines, les Mouwahidines et … qui, aussi, étaient des descendants de convertis amazighen à l’Islam. Tous n’ont pas défendu la Tamezgha pour préserver les déités amazighen Amon, Anzar et la déesse Tinnit. Ils l’ont fait pour défendre leurs croyances importées. Les seuls qui sont restés attachés à leur Tamezgha et qui l’ont défendu, corps et bec, de Tanger aux Guergarate sont les amazighen musulmans. Pour nommer que ceux-ci: Senhaja, lemtouna, hassanis, etc. … qui font notre Tameghrabit. Ce que tu nommes tes frères de confession juive, 97%, ont abandonné leur Tamezgha pour aller conquérir d’autres terres qui ne leurs appartiennent pas. Où est la Tamaghrabit de ces compatriotes que considères tes frères.

Que je sache A Da Hrou tes frères de confession juive, ne sont pas plus Amazighen que les Arabes. Le bon Dieu a bien épargné à nous, Amazighen, les massacres que subissent les palestiniens, aujourd’hui, autrement ce poste tu l’auras écrit en hébreu. Une écriture bien compliquée et bien différente que le Tifinagh.

Que je sache A Da Hrou tes frères de confession juive, ne sont pas plus Amazighen que les Arabes. Le bon Dieu a bien épargné à nous, Amazighen, les massacres que subissent les palestiniens, aujourd’hui, autrement ce poste tu l’auras écrit en hébreu. Une écriture bien compliquée et bien différente que le Tifinagh.

grand merci pour votre precieux apport a la definition du concept de tamaghrabit qui trace les contours de notre identite nationale unique dont la facette est tres riche multiple et diverse et qui ne peut souffrir aucune amputation de ses elements ou caracterist iques essentiels et solidaires . bref nous sommes un et indivisible . cela a ete prouve lors du covid 19 de la coupe du monde a qatar et dernierement lors du seisme d elhaouz

alhamdou lilah. ça sert d'être mathématicien in fact. je pense que cédric villani ne s'ennuis plus...comme plein d'autres d'ailleurs. how much you get is defining you?

Et j'avais oublié n'oublions pas des origines portugais espagnole de relations colonialisme avec eux . Le maroc me manque

Bravo, professeur. C'est une belle démonstration: tamaghrabit = a + b + c + d +... n. Si on enlève n'importe quel élément, ce n'est plus la donnée de départ, donc ce n'est plus notre identité. Ça sert, d'être mathématicien...

قُلْ مَن يَكْلَؤُكُم بِاللَّيْلِ وَالنَّهَارِ مِنَ الرَّحْمَٰنِ ۗ بَلْ هُمْ عَن ذِكْرِ رَبِّهِم مُّعْرِضُونَ (42)

Je confirme

Et pourtant les médias l'Histoire officiel, les manuels scolaires définissent le Maroc comme un pays arabe. MAP, Maghreb Arabe, Ligue Arabe ne sont que quelques exemples de cette arabisation préméditée non pas linguistique mais culturelle. Même le nom du Maroc qui découle de Marrakech a été arabisé en Maghrib. Nos joueurs quand ils réalisent un exploit deviennent arabes ou "fierté arabe". Nous avons subi une arabisation forcée et programmée depuis la naissance du nationalisme baasiste. Le tout couplé à une interdiction de la langue amazighe, interdiction des prénoms autochtones, changement des noms des lieux.. La vérité est que nous sommes en majorité des amazighes arabisés. Se couper de ses racines c'est se condamner à disparaitre et ce n'est pas le couscous seul qui va nous unir.

Malgre l arabisation le nom Tamghra signifie le mariage on Tamazight

N oublie pas que la communauté gnwaouia abid bokhari issu des guineen et marocaine représentant 30% de la population marocaine est nous sommes du maroc nous vivons ici

Bien dit et bien résumé, Si Fouad. Être Marocain, c’est être plusieurs choses à la fois. Nous devons être fiers de notre identité multiple . C’est une richesse inestimable.

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