Samedi dernier, du côté de M’diq, je me suis trouvé, par le plus grand des hasards, à converser avec une citoyenne du Mexique. C’était chez des amis communs, autour d’un plat de pâtes à se pourlécher les babines et d’une bouteille de l’ben de derrière les fagots.
La compatriote de Pancho Villa, une charmante personne à l’intelligence aigüe, me parla de son bonheur d’être au Maroc, qui l’avait si bien accueillie. Chou-crâne, chou-crâne!
Je lui rétorquai que nous avions bien du mérite à dérouler le tapis rouge sous les pieds des Mexicains alors que leur pays nous fait des misères. Ne soutient-il pas les séparatistes et leur entité fantoche? Et si nous nous amusions à soutenir la rébellion du sous-commandant Marcos et de son Armée zapatiste de libération nationale? Et si nous soutenions la sécession du Chiapas? Hein? Hein?
Elle me répondit qu’elle comprenait ma frustration, ajoutant ceci:
- Le Président López Obrador ne sait rien du Maroc ni de la question du Sahara; mais puisqu’il se définit comme de gauche et progressiste, on peut lui faire avaler n’importe quelle couleuvre pourvu qu’on la lui présente comme progressiste et de gauche.
- C’est effectivement la tactique constante de nos ennemis. Mais pourquoi tombe-t-il dans le panneau?
- Je te l’ai dit: parce qu’il ne sait rien du Maroc. Comme la plupart de mes compatriotes.
Cette dernière phrase me fit réfléchir. Puisque ces lointains porteurs de sombrero n’ont pas la moindre idée de qui nous sommes, c’est à nous de remédier à leur ignorance. Ayant participé à l’Année du Maroc en 1999 par le biais de la Caravane du Livre, j’eus l’idée suivante: pourquoi ne monterions-nous pas une Année du Maroc au Mexique en 2025?
Quand j’étais petit -comme c’est loin, tout ça…- j’étais frappé par le fait que le Brésil et l’Afrique semblaient s’emboîter parfaitement sur la mappemonde si on faisait abstraction de l’Atlantique. Par le même mouvement, le Maroc et le Mexique devenaient un seul territoire. Plus tard, j’appris au lycée la tectonique des plaques et les noms de ceux qui l’avaient pressenti: Ortelius au 16ème siècle dans son Thesaurus geographicus; Snider-Pellegrini au 19ème siècle, qui expliqua ainsi la ressemblance des flores fossiles du Carbonifère en Afrique et en Amérique; Taylor, en 1908; et enfin Alfred Wegener, qui exposa clairement en 1912 la théorie de la tectonique des plaques, avec des arguments irréfutables. Depuis, d’innombrables études scientifiques ont confirmé ces vues.
Il n’y a donc aucun doute là-dessus: le Maroc et le Mexique sont des jumeaux, des frères siamois séparés par les convulsions de Gaïa, notre Terre, leur mère. C’est ce qui explique, par exemple, que l’arganier ne pousse que dans ces deux pays. C’est ce qui explique que la fameuse figue de Barbarie (ma grand-mère d’Essaouira la nommait acnari) soit une culture importante au Mexique -elle y représente une part significative de l’économie agricole- et au Maroc. Les exemples abondent: nous sommes vraiment des jumeaux. Il est temps de faire connaissance. Il est temps pour eux de comprendre notre cause nationale.
Par ailleurs, le Mexique fait partie des dix pays les plus peuplés du monde, avec ses 130 millions d’habitants. Il y a là une source potentielle de touristes qui se sentiraient ici chez eux, comme la compatriote de Carlos Santana rencontrée du côté de M’diq.
Bref, qu’est-ce qu’on attend? Quand allons-nous former le Comité d’organisation de l’Année du Maroc au Mexique? 2025, c’est demain…