Laâyoune: les dernières précipitations relancent le commerce de l’eau de pluie

Le commerce des eaux de pluie qui se sont accumulées dans les dépressions et les lacs saisonniers, suite aux dernières précipitations, bat son plein à Laâyoune. (H.Yara/Le360)

Le 22/12/2025 à 08h55

VidéoLes précipitations enregistrées récemment dans la région de Laâyoune ont impulsé le commerce de l’«eau el ghedir», une ressource naturelle étroitement liée à la culture hassanie. Camions-citernes, lacs saisonniers et puits domestiques s’inscrivent au cœur d’une dynamique à la fois économique et patrimoniale, portée par l’attachement des habitants à la préparation du thé traditionnel.

La ville de Laâyoune et ses environs connaissent une dynamique inhabituelle du commerce de l’«eau el ghedir», à savoir les eaux de pluie qui s’accumulent naturellement dans les dépressions et les lacs saisonniers, à la suite des importantes précipitations enregistrées récemment dans la région. Cette activité s’est traduite par un va-et-vient soutenu des camions-citernes, dont la grande majorité s’est orientée vers le transport et la commercialisation de cette ressource vitale.

L’«eau el ghedir» occupe une place centrale dans la culture hassanie des provinces du Sud. Il est rare qu’une maison en soit dépourvue, en raison de son lien étroit avec la préparation du thé hassani, élément fondamental de la vie quotidienne et du patrimoine culturel local. Cette dimension culturelle explique en grande partie la forte demande observée après chaque épisode pluvieux.

Bien que les récentes précipitations n’aient pas concerné l’ensemble des zones avoisinant la province de Laâyoune, le nord de la ville, notamment Aïn Tiskrad et d’autres localités, a vu la formation de plusieurs lacs naturels et dayas. Ces points d’eau sont rapidement devenus une destination privilégiée pour les camions-citernes, qui s’y rendent sans interruption afin de s’approvisionner en «eau el ghedir».

Cette eau est ensuite acheminée vers les puits domestiques présents dans la quasi-totalité des foyers sahraouis, connus localement sous le nom de «Netfiya». Ces puits sont spécifiquement réservés à l’«eau el ghedir», utilisée essentiellement pour la préparation du thé, en raison de ses caractéristiques naturelles et de son goût particulier.

Une activité saisonnière, mais rentable

Lors d’une tournée dans les périphéries de Laâyoune, une activité intense et continue des camions-citernes a été constatée. Plusieurs conducteurs, dont Essalek Bibi, venu spécialement de la ville d’Es-Semara à bord de son camion-citerne, étaient sur place, pour le remplir à partir d’un lac naturel. Sa cargaison, a-t-il expliqué à notre média, était destinée à une famille sahraouie, précisant que le trajet pouvait dépasser trois heures.

D’autres chauffeurs ont confirmé que le commerce de l’«eau el ghedir» reste rentable, malgré son caractère saisonnier étroitement lié aux précipitations. Ils expliquent cette rentabilité par l’attachement profond de la société hassanie à cette eau, considérée comme indispensable à la préparation du thé, auquel elle confère une saveur particulière en tant qu’eau naturelle.

Ces conducteurs soulignent également leur vigilance quant à la préservation de la qualité de l’eau, depuis son point de collecte jusqu’à sa livraison au consommateur, afin qu’elle conserve ses propriétés naturelles. Cette exigence renforce la relation de confiance établie avec les clients.

Le thé hassani, indissociable de l’eau el ghedir

Dans le même registre, Ibrahim Trouzi, spécialiste de la culture hassanie, a indiqué, lors d’une visite dans l’une des zones périphériques de Laâyoune près d’un lac formé par les pluies, que le thé hassani ne saurait être considéré comme tel sans l’utilisation de l’«eau el ghedir».

Il a insisté sur la confiance mutuelle entre le chauffeur du camion-citerne et le client, tout en précisant que cette eau n’est utilisée qu’après avoir subi des étapes de filtration, de purification et d’élimination des impuretés, au moyen de produits fournis par les services municipaux et agricoles compétents.

Il convient de noter que l’activité des camions-citernes à Laâyoune ne dépend pas uniquement des précipitations. Elle concerne également les puits aménagés par les services hydrauliques dans les zones où existent des regroupements d’eau, utilisés notamment par les éleveurs pour l’abreuvement du bétail.

L’eau est ainsi transportée depuis les profondeurs du désert dans différentes directions, assurant la continuité de cette activité et la réalisation de marges bénéficiaires variables selon les distances parcourues. Ces camions sont localement appelés «al-kouba», un nom dont l’origine serait liée au mot arabe classique «koub» (verre).

Par Hamdi Yara
Le 22/12/2025 à 08h55