Mes amis savent combien j’aime (de loin) l’Algérie, son histoire, ses musiques, ses écrivains. Mais…
J’appartiens à cette minorité qui croit encore que «khawa khawa» n’est pas qu’une vaine expression ou un slogan de pacotille. Quand je voyage loin de mon pays, les premiers qui viennent vers moi, ou vers qui je vais spontanément, sont des Algériens. En plus des Marocains, bien sûr, mais avant tous les autres. Et cela veut dire beaucoup. Mais…
J’ai vibré quand l’Algérie a battu l’Allemagne au Mondial 1982, même si le match a été royalement ignoré par la télévision marocaine. Ce match anthologique, j’ai attendu plusieurs mois avant de le voir sur une VHS de très mauvaise qualité, avec un son grésillant et des images pourries. Et j’ai vibré.
Et j’ai enragé quand cette même Allemagne s’est arrangée avec l’Autriche dans ce qui reste le match de la honte, pour barrer le chemin du 2ème tour aux Algériens.
Eh oui, mon ami. Mais…
C’est grâce à Merzak Allouache que j’ai eu l’un de mes premiers vrais frissons au cinéma avec l’inoubliable «Omar Gatlato» (1976). Et c’est avec Kateb Yacine, son «Nedjma» et sa fameuse réflexion sur le drame des Mohamed, tous ces marginaux et ces laissés pour compte qui portent sur leurs faibles épaules le même prénom que le prophète de l’islam, que j’ai compris que la plume était une arme extraordinaire pour réparer la Hogra. Mais…
J’aime le symbole que représente Djamila Bouhired, les chants des Aurès et de Kabylie, Idir, Djamel Allam, Djaâfar Aït Menguellet, Khaled, El Hadj El Anka, le gharnati de Tlemcen, le chaâbi d’Alger, le raï d’Oran, le malouf de Constantine, les chroniques de Kamel Daoud, les colères et les excès de Rachid Boudjedra ou Boualem Sansal. Mais…
Je ne suis même pas choqué quand des médias algériens voient la fameuse «main du makhzen» dans les récents déboires des Fennecs, dans les feux de forêt du Nord-Est algérien, ou dans cette image pitoyable renvoyée par «J’irai dormir chez vous» d’Antoine de Maximy. Ni choqué, ni rien du tout. Je préfère en sourire.
La main du makhzen? Vraiment? Carrément? Sans rire?
Bien entendu, je n’aime pas toutes les Algéries. Mais celle qui n’existe que dans ma tête. J’aime un idéal, un fantasme, un rêve peut-être, un mirage. Je n’ai jamais mis les pieds en Algérie. Je ne connais rien de ce pays parce qu’il me semble si loin. J’ai voyagé dans bien des pays fermés, lointains, parfois en guerre, où l’obtention du visa ressemble à un parcours du combattant, et où il est déconseillé, voire interdit, de marcher sans «compagnon».
Mais je n’ai pas pu me rendre en Algérie. Jamais. On m’en a dissuadé. Fortement.
J’ai des amis algériens, des proches algériens. Mais il m’est plus facile d’aller sur la lune que de leur rendre visite, alors qu’ils sont juste là, derrière ce tracé frontalier qui sépare les deux peuples.
Amis algériens, je ne suis pas Antoine de Maximy, je n’irai pas dormir chez vous. Pas encore. J’espère pouvoir le faire un jour. Mais vous pouvez venir dormir chez moi, chez nous. Bien à vous.