Des intérieurs immaculés, des espaces publics perçus comme des dépotoirs: la schizophrénie en matière de civisme expliquée par le militant Mohamed Sahimi

Mohamed Sahimi, président de l'association Zohour pour l'environnement et le développement. (K.Sabbar/Le360)

EntretienChaque été, les plages marocaines se remplissent de vacanciers, mais cette affluence s’accompagne souvent de déchets et de comportements inciviques qui menacent l’environnement. À Mohammedia, l’association Zohour pour l’environnement et le développement, dirigée par Mohamed Sahimi, s’attaque à ce problème en combinant campagnes de nettoyage et sensibilisation, avec un objectif clair: éduquer dès le plus jeune âge et transformer durablement les comportements pour préserver le littoral. Interview.

Le 08/09/2025 à 19h43

Chaque été, les plages marocaines connaissent un afflux massif de visiteurs. Entre détente, baignade et loisirs, ces espaces publics deviennent des lieux très fréquentés, mais souvent négligés en matière de propreté. La pollution et les déchets laissés sur le sable posent un réel problème environnemental, compromettant la beauté du littoral et la qualité de vie des habitants et touristes. Dans ce contexte, certaines associations jouent un rôle clé pour sensibiliser le public et organiser des actions concrètes de préservation, alliant nettoyage et éducation à l’environnement.

À Mohammedia, l’association Zohour pour l’environnement et le développement se distingue par son approche proactive et pédagogique. Fondée pour protéger le littoral et encourager la citoyenneté environnementale, elle est dirigée par Mohamed Sahimi, président engagé et passionné par la sensibilisation écologique. Depuis plusieurs années, Sahimi coordonne des campagnes de nettoyage et des ateliers éducatifs, notamment dans les écoles, avec pour objectif de transformer durablement les comportements, dès le plus jeune âge, et d’impliquer l’ensemble de la communauté dans la préservation de son environnement.

Le360: Quels sont les défis spécifiques auxquels vous faites face en été par rapport au reste de l’année?

Mohamed Sahimi: Le vrai défi en été, c’est le grand afflux de visiteurs. Beaucoup viennent profiter des plages, mais ne respectent pas toujours l’espace public. Certains laissent des déchets juste après avoir utilisé la plage ou les installations publiques, ce qui crée un impact visible et direct sur l’environnement. Il y a aussi des comportements presque «revanchards» envers les autorités, comme si salir l’espace public était une manière d’exprimer un mécontentement. Ces comportements s’observent beaucoup moins le reste de l’année, lorsque les lieux connaissent une affluence réduite.

Pouvez-vous nous présenter les principales actions menées par l’association durant la saison estivale, notamment sur les plages et lieux publics très fréquentés?

Prenons l’exemple de Mohammedia: c’est une ville côtière très attractive, surtout en période estivale, où elle accueille un grand nombre de visiteurs dont la priorité est de profiter de la plage. Mais malheureusement, certains d’entre eux laissent derrière eux des déchets, ce qui impacte négativement l’environnement et dégrade le paysage urbain. Notre objectif est donc double: encourager les comportements positifs et corriger ceux qui nuisent à l’environnement. Le cas de Mohammedia est particulièrement parlant, car la ville attire beaucoup de monde vu sa position géographique entre Casablanca et Rabat. Ce flux de visiteurs entraîne inévitablement des problèmes liés au manque de civisme de certains.

Disposez-vous de chiffres récents sur l’impact de vos campagnes?

Lors des interventions, les équipes constatent une abondance de bouteilles en plastique et de déchets alimentaires, particulièrement sur les plages centrales de la ville. Certaines entreprises contribuent aussi involontairement à la pollution, en laissant derrière elles des emballages issus de l’aménagement du littoral. Nous ne comptons pas seulement en kilos de déchets collectés, mais aussi en termes de mobilisation et d’impact pédagogique. Chaque campagne sensibilise directement les visiteurs et implique un grand nombre de bénévoles.

Comment expliquez-vous que les Marocains soient généralement très attachés à la propreté de leurs foyers, mais adoptent parfois des comportements inciviques dans l’espace public?

C’est une question de perception des espaces publics. Beaucoup considèrent que «ce n’est à personne», donc «cela ne me concerne pas si je jette mes déchets». Cette idée, profondément enracinée, se traduit parfois par des comportements irresponsables, malgré une conscience écologique présente à la maison. Malheureusement, ce sont les citoyens eux-mêmes qui subissent ensuite les conséquences de ces comportements.

Avez-vous remarqué une évolution des comportements ces dernières années, notamment chez les jeunes générations?

Oui, nous avons observé que les enfants sont beaucoup plus réceptifs que les adultes aux messages de sensibilisation. Ils comprennent rapidement l’importance de protéger l’environnement et peuvent même influencer leurs familles. L’approche pédagogique que nous utilisons avec eux (avec du dessin, du théâtre, des plantations d’arbres…) fonctionne très bien. Contrairement aux adultes, qui sont souvent fermés ou habitués à certains comportements, les enfants sont ouverts et curieux.

Selon vous, la sensibilisation environnementale doit-elle passer avant tout par l’éducation scolaire, par des campagnes médiatiques, ou par une réglementation plus stricte?

Tous les moyens sont complémentaires. La sensibilisation médiatique et les campagnes sur le terrain sont importantes, mais elles doivent s’accompagner de lois claires et strictes pour changer durablement les comportements. Cependant, l’éducation scolaire est probablement la clé du changement à long terme: éduquer l’enfant dès le plus jeune âge lui permet de comprendre l’importance de préserver son environnement et de devenir un vecteur de changement dans sa famille et sa communauté.

Quelles sont les initiatives de l’association qui ont rencontré le plus de succès dans le changement de comportements?

Les initiatives qui combinent sensibilisation et participation active ont le plus d’impact. Par exemple, nos ateliers dans les écoles publiques ont été très efficaces. En parallèle, nos campagnes de nettoyage sur les plages sensibilisent directement les visiteurs et montrent concrètement l’impact de chaque geste.

Par Camilia Serraj et Khadija Sabbar
Le 08/09/2025 à 19h43