Démolition spectaculaire du «Kremlin» de Bouskoura: les dessous de l’affaire «Kasr Diafa»

Travaux de démolition sur le site de Kasr Diafa à Bouskoura, le 12 novembre 2025 (K.Essalak/Le360)

Le 12/11/2025 à 19h29

VidéoLes autorités locales de la province de Nouaceur ont entamé, ce mercredi 12 novembre, la démolition d’un imposant bâtiment situé à Bouskoura, connu sous le nom de «Kasr Diafa», comprendre «Palais de l’hospitalité». Présenté par son propriétaire comme un complexe hôtelier et des salles de fêtes, l’édifice érigé en zone agricole se retrouve aujourd’hui au cœur d’une polémique mêlant irrégularités urbanistiques, autorisations contestées et soupçons de favoritisme.

Surnommé par les habitants «le Kremlin», en raison de son architecture monumentale contrastant avec l’environnement rural, le bâtiment était devenu au fil des années un symbole de démesure. Sa taille, son style baroque et son allure de palais faisaient figure d’anomalie dans cette zone de Lamkansa, aux abords de Casablanca, juste en face du Club Arena Ville verte.

Selon son propriétaire, un membre de la famille Hariri, connue dans la région pour son activité dans l’élevage bovin, le projet aurait mobilisé 160 millions de dirhams d’investissement. Dans une déclaration aux médias, il affirme que la construction, lancée il y a six ans, devait comprendre un hôtel, une maison d’hôtes et des boxes pour chevaux, et aurait permis de créer près de 200 emplois directs.

L’intéressé soutient avoir obtenu une autorisation délivrée par l’ancien président de la commune de Bouskoura, Bouchaïb Taha, avant qu’elle ne soit suspendue par l’ex-gouverneur Abdallah Chater (actuel gouverneur de Tan-Tan). Il reconnaît néanmoins certaines irrégularités, notamment la longueur du bâtiment, tout en assurant avoir demandé une dérogation restée sans réponse.

D’après une source de la province de Nouaceur, contactée par Le360, l’autorisation initiale portait uniquement sur un gîte rural et des installations équestres. Le projet aurait ensuite été détourné de son objectif urbanistique principal pour se transformer en grandes salles de fête, sans autorisation complémentaire.

Toujours selon la même source, l’autorisation aurait été retirée en 2022, assortie d’un délai de trois ans pour régulariser la situation et procéder à une démolition volontaire. «L’ordre de démolition est resté sans effet, et les travaux ont continué malgré le retrait de l’autorisation», précise-t-elle.

Implanté en zone agricole non constructible, le chantier enfreignait le plan d’aménagement et la réglementation en vigueur, qui interdisent tout projet de cette nature dans ce périmètre.

Cette démolition intervient dans un contexte tendu à Bouskoura, où plusieurs dossiers urbanistiques font l’objet d’enquêtes. En juillet dernier, le gouverneur de la province avait suspendu le président istiqlalien du conseil communal, Bouchaïb Taha, pour des violations manifestes des lois et règlements. Trois autres élus avaient également été écartés, dans l’attente d’une décision judiciaire.

Les autorités provinciales affirment avoir constaté de graves irrégularités dans la délivrance des autorisations d’urbanisme et la gestion des recettes fiscales communales. Aujourd’hui, l’affaire est entre les mains de la justice, qui décidera des suites légales à donner.

Par Wadie El Mouden et Khalil Essalek
Le 12/11/2025 à 19h29