Les horreurs auxquelles nous assistons depuis quelques jours autour de la bande de Gaza ont été cent fois, mille fois débattues, analysées, disséquées; mais il me semble qu’il est inutile d’aller plus loin que cette simple constatation: il y a un territoire, entre la mer Méditerranée et le Jourdain, et sur ce territoire, il y a deux peuples, deux nations. Il y a des Juifs israéliens et des Arabes palestiniens -musulmans ou chrétiens.
Certains idéalistes (dont j’ai été) rêvent encore d’un État impartial qui assurerait la coexistence pacifique de ces deux peuples à l’intérieur de ce territoire exigu.
Mais cette utopie ne tient pas compte tenu d’un fait têtu: il y a des Palestiniens qui rêvent de rejeter les Juifs à la mer -ou, au moins, de les (r)envoyer en Europe ou aux États-Unis. Et il y a des Juifs qui rêvent d’envoyer les Palestiniens dans le désert -ou, au moins, de les disperser dans les pays arabes environnants.
Les premiers soutiennent Hamas ou le Djihad islamique. On vient de voir ce que cela signifie. Les seconds sont au pouvoir dans la coalition qui gouverne Israël aujourd’hui: le suprémaciste Bezalel Smotrich y est ministre des Finances et le raciste assumé Itamar Ben Gvir y est ministre de l’Intérieur.
Dans ces conditions, il va de soi que la seule solution consiste à séparer les uns des autres, à diviser le territoire. Deux nations, deux États. Il est dommage que la seule puissance qui ait quelque influence dans la région, les États-Unis d’Amérique, ne pèse pas de tout son poids pour imposer cette solution.
Dans un autre ordre d’idée, ce qui se passe en ce moment dans certains pays d’Europe (Suède, Pays-Bas, France…) ressemble grandement à une dissolution de la nation et à l’apparition du territoire comme la trame d’un tapis usé. L’intégration, la fusion en une seule nation, s’est bloquée vers la fin des années 80. Un indicateur: la hausse des unions endogames, la baisse des mariages mixtes.
L’Afrique du Sud est également un territoire, pas une nation, en dépit de la fable de marketing nommée «nation arc-en-ciel». Il suffit de passer quelques jours là-bas pour constater l’existence de plusieurs groupes humains qui vivent séparés et se méfient les uns des autres. Et c’est d’ailleurs pour cela que l’Afrique du Sud est l’un des pays les plus violents du monde. On tue plus facilement celui en qui on ne voit pas un frère.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour nous?
Que nous devons rester extrêmement vigilants. Nous devons rester une nation. Nous le sommes encore: l’élan de solidarité qui a fait converger des volontaires de toutes les régions du pays vers le Haouz le montre bien. On n’imagine pas des boers du Transvaal voler au secours de zoulous de Soweto en cas de catastrophe, ni des coloured du Cap se cotiser pour des Xhosas sinistrés.
Mais nous devons rester vigilants.
Pour rester dans l’image du tapis usé dont on voit apparaître la trame, il nous faudra agir immédiatement, fermement, dès que la trame apparaîtra, c’est-à-dire dès que se constituera quelque part un embryon de non-Maroc, une zone de dissidence, un refus de la nation. Une des tâches primordiales de l’État, c’est celle-là: assurer la protection et la pérennité de la nation.
Que l’inextricable situation au Proche-Orient, que le délitement de certains pays d’Europe, que la farce sud-africaine nous servent d’avertissement et d’épouvantail…