Dans le cadre de cette exposition tenue les 16 et 17 décembre au Centre associatif solidaire de Bouknadel, a été présentée une étude sous le thème: «Les savoirs traditionnels du Maroc-Autonomisation, leadership et promotion des droits des femmes». Cette étude a pour mission de susciter une réflexion au sein de la société marocaine entre les différentes parties prenantes.
Dans une déclaration pour Le360, Fawzia Talout Meknassi, présidente du réseau des femmes artisanes du Maroc «Dar Maalma», nous explique que le choix de cette thématique s’est fait après une réflexion qui a duré une année autour de deux projets. Le premier est «Nissae maghrebiate» et concerne «les droits des femmes dans l’espace public». Ensuite vient «“Karama” (dignité, NDLR), où nous essayons de comprendre pourquoi en dépit de tout le savoir riche et varié qu’elles détiennent, ces artisanes n’arrivent pas à le relier à l’économie nationale».
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«Nous avons opté pour une approche participative où les artisanes sont associées», renchérit la coauteure Meriem Aouad, qui précise que «cette étude est le porte-voix de ces femmes qui ont de l’or au bout des doigts, mais qui ne décollent toujours pas alors qu’à côté, des étrangers viennent au Maroc, s’approprient leurs savoir-faire et arrivent à monter des entreprises prospères».
Sophia Mikou, designer de mode et amie de la fondation, s’exprime sur l’une des raisons derrière cette situation: «Le travail avec les femmes artisanes a quelque chose d’ambivalent», s’exclame-t-elle. «C’est très enrichissant pour elles de sortir de leur zone de confort. La satisfaction de faire autrement se lit sur leurs visages, mais celle-ci ne s’accompagne pas pour autant d’une envie d’entreprendre ni d’une confiance en elles et en leur savoir-faire», ajoute-t-elle.
La solution, selon Sophia Mikou, serait l’intelligence collective, permettant à plusieurs artisanes de joindre leurs efforts sur un travail entamé ensemble, et où chacune ajouterait de la valeur. La fondation cherche à les sensibiliser davantage à cette idée. Pour l’heure, beaucoup d’entre elles se sentent dépossédées de leur création lorsqu’elles travaillent collectivement, alors qu’au contraire le produit est mieux mis en valeur ainsi, elles y gagnent en termes de temps et font des économies financières. «Le savoir-faire artisanal réinterprété, démocratisé et placé de manière intelligente sur du prêt-à- porter séduit», affirme-t-elle encore.
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Sur ce dernier point, Éric Tibusch, créateur français et directeur artistique de Dar Maalma, assure que l’avenir de l’artisanat est dans le luxe. «L’artisanat n’est pas un sous-métier, ses artisanes doivent garder en tête qu’elles sont les garantes d’une économie en expansion qui n’est autre que le luxe», déclare-t-il.
Pour lui, il n’y a rien qui choque dans le fait que les enfants d’artisans ne veulent plus suivre le métier de leurs parents, lorsqu’ils voient que leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. «Il faut se tourner vers de nouvelles cibles stratégiques, des gens qui ont les moyens d’acheter les produits d’artisans à leur juste valeur. En plus, si un pays commence à augmenter son PIB dans le secteur du luxe, cela se traduira par une hausse de ses exportations, ce qui est totalement bénéfique pour l’autonomisation des femmes de Dar Maalma et des artisans en général», explique-t-il.
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La fondation a abouti à des recommandations cruciales visant à renforcer l’autonomisation des femmes artisanes au Maroc. Parmi celles-ci figurent la création de centres d’apprentissage dans les zones rurales, l’établissement d’écoles dédiées aux métiers de l’artisanat, comme l’Académie des arts traditionnels de Casablanca. De plus, la mise en place de clubs pour la formation continue, le développement de grandes entreprises d’artisanat au Maroc, la promotion de points de vente durables et de boutiques en ligne ont été identifiés comme des axes prioritaires.
Une recommandation particulièrement notable émane de Frank Leclere, président de la Semaine des femmes artisanes marocaines à Paris, qui propose la création d’un Prix national de l’artisanat pour mettre en valeur ce secteur.
Le défi consiste maintenant à mettre en œuvre ces recommandations de manière collaborative, impliquant les artisanes elles-mêmes ainsi que des acteurs externes, pour assurer un avenir prospère à la culture marocaine.