Affaire Karimine: l’heure des comptes

Mohamed Karimine.

Mohamed Karimine, ancien président de la commune urbaine de Bouznika.

Revue de presseLa Cour d’appel de Casablanca examine ce mardi l’action civile engagée par le ministère de l’Intérieur dans le dossier de détournement et de dilapidation des fonds publics liés au marché de la propreté de la commune de Bouznika. Cette audience, consacrée à la présentation de l’expertise comptable, vise à déterminer l’ampleur des préjudices financiers causés à la collectivité et à l’État par les responsables condamnés dans cette affaire. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Akhbar.

Le 29/12/2025 à 18h28

La Chambre criminelle de première instance chargée des crimes financiers près la cour d’appel de Casablanca tient, ce mardi, une audience consacrée à l’examen de l’action publique engagée par le ministère de l’Intérieur en vue d’obtenir réparation des préjudices subis dans l’affaire de dilapidation et de détournement des fonds liés au marché de gestion du secteur de la propreté de la commune de Bouznika, durant le mandat de son ancien président déchu, Mohamed Karimine.

L’audience est principalement dédiée à la présentation de l’expertise comptable réalisée par un expert assermenté jeudi dernier, indique le quotidien Al Akhbar de ce mardi 30 décembre. Cette expertise vise à évaluer l’ampleur des pertes financières subies par la commune de Bouznika, imputées à l’ancien président Mohamed Karimine, à Aziz El Badraoui, propriétaire de la société Ozone chargée de la propreté, ainsi qu’à l’ingénieur communal Mustapha Tounji. Les trois accusés purgent actuellement des peines de prison ferme après leur condamnation pour des faits de détournement et de dilapidation de deniers publics.

Le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a adressé une correspondance au gouverneur de la province de Benslimane afin de transmettre au département de l’Intérieur l’ensemble des documents, pièces et données susceptibles d’aider l’expert dans l’accomplissement de sa mission. L’objectif est de déterminer de manière précise l’étendue des dommages causés aux intérêts du ministère à la suite des actes criminels reprochés aux condamnés, permettant ainsi à l’Agence judiciaire du Royaume, chargée de la défense des intérêts financiers de l’État dans ce dossier, de les produire lors de l’expertise, explique Al Akhbar.

La Chambre criminelle avait rendu son verdict à la fin du mois de juillet dernier, prononçant un total de 17 années de prison ferme à l’encontre des trois prévenus incarcérés à la prison d’Oukacha à Casablanca. Mohamed Karimine, ancien président de la commune de Bouznika et ex-député du Parti de l’Istiqlal, a été condamné à sept ans de prison ferme et à une amende de 100.000 dirhams, après avoir été reconnu coupable de dilapidation et de détournement de fonds publics ainsi que d’abus d’influence. Aziz El Badraoui, ancien président du Raja Club Athletic et directeur général de la société Ozone, a écopé de six ans de prison ferme et d’une amende de 100.000 dirhams pour complicité dans le détournement et la dilapidation de fonds publics. Quant à l’ingénieur communal, il a été condamné à quatre ans de prison ferme et à une amende de 50.000 dirhams pour participation aux mêmes infractions.

La juridiction a également ordonné la confiscation des biens de Mohamed Karimine et d’Aziz El Badraoui à hauteur de 10 millions de dirhams chacun, ainsi que la destruction des documents falsifiés. Sur le plan civil, dans le cadre de l’action intentée par l’Agence judiciaire du Royaume pour le compte du ministère de l’Intérieur, le tribunal a ordonné à titre préliminaire la réalisation d’une expertise comptable confiée à un expert assermenté, chargé d’évaluer précisément le préjudice subi par la partie civile du fait des actes reprochés à chacun des accusés et de déposer un rapport détaillé auprès du greffe de la cour, précise Al Akhbar.

Les poursuites font suite à des enquêtes approfondies menées par la Brigade nationale de la police judiciaire concernant les dysfonctionnements et manipulations ayant entaché le marché de gestion du secteur de la propreté à Bouznika, relevant de la province de Benslimane. Ce marché avait été attribué à la société Ozone durant la période où Mohamed Karimine présidait le conseil communal, au cours de deux mandats successifs, avant sa destitution par décision de la juridiction administrative de Casablanca.

Des membres du conseil communal avaient auparavant saisi le parquet pour dénoncer plusieurs irrégularités et dépassements dans la gestion déléguée du secteur de la propreté. Les premières violations concernent le contrat liant la commune à la société Ozone pour la période 2010-2017. Lors de la session d’octobre 2014, le conseil communal avait procédé à une modification du budget alloué à ce marché, jugeant le montant initial excessif, ce qui avait conduit à sa réduction de 14 à 8 millions de dirhams. Toutefois, lors de la session de novembre 2015 consacrée à l’adoption du budget, les conseillers ont constaté avec surprise que les crédits inscrits pour ce poste dépassaient à nouveau les 14 millions de dirhams, soit le montant initial avant révision.

En mai 2016, Mohamed Karimine avait justifié ce réajustement en affirmant qu’il émanait de l’autorité de tutelle représentée par le gouverneur de la province de Benslimane. Or, les documents disponibles indiquent que cette dernière n’avait procédé à aucune modification et avait, au contraire, adressé à plusieurs reprises des correspondances à la commune pour réclamer des justificatifs et factures concernant un écart de six millions de dirhams. Selon Al Akhbar, le président de la commune aurait annulé unilatéralement la réduction précédemment décidée, ce qui a conduit à une augmentation significative du budget, portée à près de 20 millions de dirhams en 2016, sous prétexte d’une dette antérieure envers la société, correspondant au même montant évoqué les années précédentes.

Il est également reproché à l’ancien président d’avoir signé, sans consultation ni approbation du conseil communal, un avenant au cahier des charges avec la société, permettant le paiement du montant inscrit au budget initial et non celui révisé, ce qui aurait entraîné le versement d’environ 20 millions de dirhams de manière forfaitaire, sans pièces justificatives, sans prise en compte des observations des syndicats et sans justification des services rendus.

Par ailleurs, Mohamed Karimine aurait adressé une demande de paiement hors délais légaux au Trésorier général du Royaume à Casablanca pour le règlement d’un montant de plus de 1,9 million de dirhams en faveur de la société Ozone, au titre de ce qu’il a qualifié de révision des prix pour les années 2012 et 2013. Ces paiements auraient été effectués en dehors de tout cadre légal et en violation des dispositions du cahier des charges relatives aux conditions de révision des prix. L’ancien président est également accusé d’avoir délivré un document administratif à la société, que celle-ci a utilisé pour poursuivre la commune en justice, aboutissant à une décision du tribunal administratif condamnant la commune de Bouznika à verser plus de deux milliards de centimes. En 2017, la commune a lancé un nouvel appel d’offres pour la gestion du secteur de la propreté et des déchets solides, remporté une nouvelle fois par la société Ozone.

Le conseil communal avait pourtant approuvé à l’unanimité, lors d’une session extraordinaire tenue le 16 mars 2017, le cahier des charges du marché, intégrant l’ensemble des amendements acceptés lors des délibérations. Cependant, après cette date, plusieurs modifications ont été introduites sans être soumises de nouveau à l’approbation du conseil. Avant la date prévue pour l’ouverture des plis, fixée au 27 juillet 2017, la commune avait reçu une correspondance du ministère de l’Intérieur contenant des observations et des amendements devant être intégrés au marché avant le lancement de la procédure. Malgré cela, plusieurs paramètres de calcul ont été modifiés afin de maintenir inchangée la valeur globale du marché, en dépit de l’évolution de certains indicateurs, notamment l’augmentation du nombre d’habitants.

Par La Rédaction
Le 29/12/2025 à 18h28