Un exploit, une prouesse, voire la preuve que l’Algérie «se replace» dans l'échiquier de la communauté internationale... Dans les idées véhiculées par la propagande algérienne, aucun superlatif n’est trop beau pour désigner la performance d’organiser un sommet de la Ligue arabe à Alger. Le régime algérien aurait réussi là un coup diplomatique rare, en mobilisant des Etats arabes, dispersés et sujets à des luttes insurmontables, autour d’un rendez-vous déterminant pour l’avenir des populations du monde arabe… Cela, c’est la propagande algérienne. La réalité est beaucoup plus triviale et apporte la preuve que la junte n’a même pas honte de se donner en spectacle en tordant carrément le cou à la vérité.
En effet, le sommet de la Ligue n’a pas été confié à l’Algérie pour son rayonnement ou compte tenu du rôle incomparable de sa diplomatie. L’Algérie hérite du sommet de la Ligue arabe en raison de la place qu’occupe ce pays dans l’ordre de l’alphabet arabe. C’est donc à la rotation de l’ordre alphabétique des Etats membres de la Ligue arabe que l’Algérie doit l’organisation de ce sommet, et non pas aux mensonges dont ce régime, en fin de vie, abreuve son opinion publique.
Contrairement au matraquage des médias officiels, l’organisation du sommet de la Ligue arabe n’est pas une initiative algérienne et ce n’est pas un choix du monde arabe. C’est une règle liée à la rotation alphabétique. Le dernier pays à avoir organisé le sommet arabe, c’est la Tunisie. Les cinq premières lettres de l’alphabet arabe sont a, b, t, th et j. Après la lettre t, et compte tenu qu’il n’existe aucun Etat membre dans la ligue arabe dont le nom commence par th, c’est au tour de pays commençant par la lettre j d’organiser le sommet.
Donc, c’est à un hasard de l’ordre alphabétique que l’Algérie doit l’organisation du sommet de la Ligue arabe. Ce qui n’a pas empêché le régime de jouer à fond la carte de la propagande en présentant ce sommet comme une initiative de Tebboune et même un exploit du régime. «Cela fait bien rire sous cape les autres Etats membres, dépassés par autant de bêtise», commente laconiquement le diplomate d'un pays arabe, accrédité à Rabat. D’ailleurs, après l’Algérie, et toujours en vertu de la règle de l’ordre alphabétique, ça sera à la République de Djibouti d’accueillir le prochain sommet, que la junte salue comme un exploit.
En arabe Djibouti s’écrit Jibouti, plus précisément جمهورية جيبوتي. Ce qui la place juste après l’Algérie (en arabe, Jazaïr) pour accueillir le sommet de la Ligue arabe. Et contrairement au régime algérien qui a échoué à organiser ce sommet au mois de mars dernier, comme cela est habituel, et en dépit de l’annonce solennelle de Tebboune, la République de Djibouti va très probablement, sans klaxons, ni tambours battants, réussir là où a piteusement échoué l’Algérie: organiser l’évènement au mois de mars, comme à l'accoutumée.
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En novembre 2021, le président Abdelmadjid Tebboune a prononcé une allocution à l'occasion de la Conférence des chefs de missions diplomatiques et consulaires algériennes. Dans cette intervention, le président algérien a annoncé que «le sommet de la ligue se tiendra en Algérie au mois de mars».
En fait, s’il y a un point marquant à ce sommet de la Ligue arabe, c’est que le pays hôte, l’Algérie, a été incapable de le tenir à échéance.
Quand le régime algérien a échoué à organiser le sommet au mois de mars, pour défaut d’organisation et de mobilisation des pays arabes, il a choisi une voie de sortie «symbolique» pour maquiller une humiliation insoutenable. En effet, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra a précisé, en janvier 2022, selon une dépêche de l’agence de propagande APS, que «le président de la République compte proposer une date (pour le sommet de la Ligue arabe, Ndlr) alliant la symbolique nationale historique et la dimension arabe, une date qui consacre les valeurs de la lutte commune et de la solidarité arabe». Il s’agit du 1er novembre 1954, date qui marque en effet le début du soulèvement des nationalistes algériens contre la présence française. Selon les médias algériens, cette date commémore le déclenchement de la guerre de libération nationale contre le joug colonial français.
Les enjeux et défis du monde arabe se mélangent, ainsi dans l’esprit du pays hôte, avec la rente mémorielle, dont il se sert à tout-va, même quand elle est hors-sujet.