Issu de la partition de la République de Yougoslavie, petit pays qui concentre le tiers de ses 1,8 million d’habitants dans sa capitale, Skopje, la République de Macédoine du Nord doit être vue à la fois dans sa singularité, partageant des frontières avec la Grèce, la Bulgarie, la Serbie, le Kosovo et l’Albanie, et dans sa dimension régionale, les Balkans occidentaux faisant, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’objet d’un intérêt renouvelé de la part des institutions européennes.
Candidate à l’entrée dans l’Union européenne dès 2004, il lui aura fallu attendre 2018 pour obtenir la levée d’un veto grec: les deux pays se disputaient l’usage du terme «Macédoine». Skopje, qui avait déclaré son indépendance en 1991 sous le nom de «République de Macédoine» finit par accepter de renommer le pays en «République de Macédoine du Nord» pour enterrer le contentieux avec Athènes.
En mars 2020, les ministres des affaires européennes des 27 États membres marquent leur accord politique sur l’ouverture simultanée des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Mais la Bulgarie bloque à son tour le lancement des négociations avec la Macédoine du Nord sur la question des minorités. Skopje promet de reconnaître une minorité bulgare dans sa Constitution en juillet 2022, mais l’accord entre les deux pays reste inabouti.
Sofia maintient son veto…pour combien de temps? Les Ambassadeurs des États de l’UE ont décidé de découpler les négociations d’adhésion de l’Albanie de celles de la Macédoine du Nord, pour ne pas pénaliser Tirana.
Si la route de Skopje vers l’adhésion est semée d’embuches– et qu’à ses problèmes de voisinage s’ajoute la longue liste des réformes à accomplir, le dossier macédonien est fortement soutenu par la Commission européenne, tant la Macédoine du Nord jouit, comme tous les États des Balkans occidentaux, d’une importance stratégique nouvelle depuis 2022.
Après des années de statu quo, Bruxelles a relancé les processus d’adhésion dans toute la région, craignant l’influence ou la menace de Moscou.
L’Union européenne a repensé en profondeur sa politique vis-à-vis de ses frontières extérieures: la fonction de «commissaire à la Politique européenne de voisinage» a été remplacée par celle de «commissaire à l’Élargissement», comme pour affirmer que tous les pays du continent européen ont vocation, chacun à leur rythme, à rejoindre l’Union.
«C’est dans ce contexte euro-balkanique qu’il faut lire la prise de position de Skopje: elle porte la dynamique autour de la marocanité du Sahara au cœur de l’Europe»
— Florence Kuntz
Aussi, le chef de la diplomatie européenne, en visite à Skopje au printemps 2025 a souhaité confirmer le soutien de l’UE à la Macédoine du Nord, saluant les progrès économiques réalisés par le pays, et surtout son ralliement total à la politique étrangère et de sécurité de Bruxelles pour conclure: «La Macédoine du Nord appartient à l’Union européenne».
Défi pour la paix en Europe, les Balkans occidentaux sont aussi devenus un enjeu d’influence entre les États membres.
Ils furent d’abord la chasse gardée de l’Allemagne réunifiée, qui affichait à la fois proximité géographique, soutien aux indépendances (de la Croatie et de la Slovénie à l’été 1991), et ambitions économiques pour la région– jusqu’au plan «Berlin Plus» de 2017 finançant un cadre et des opportunités de partenariats.
C’est également à cette période que la France a défini sa «Stratégie Balkans», comprenant notamment une initiative franco-allemande pour lutter contre les trafics illicites d’armes à feu dans les Balkans occidentaux, ainsi que l’extension du mandat d’intervention de l’Agence française de développement (AFD) à l’ensemble des pays de cette région.
Surtout, après plusieurs années d’opposition à l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord, vues comme «des partenaires, mais pas forcément des futurs membres de l’Union européenne», le président Macron affirmait: «La Macédoine du Nord a toute sa place dans l’UE».
L’Italie réclame aussi un élargissement accéléré. Depuis plusieurs mois, elle multiplie les appels pour que Bruxelles fasse de cette question une priorité. Rome entretient une forte proximité avec plusieurs pays des Balkans, qu’ils soient déjà membres de l’UE comme la Slovénie, ou encore candidats comme l’Albanie.
Le gouvernement italien souhaite «apporter plus d’Italie dans la région». Cela s’est illustré en janvier lors d’une conférence à Trieste organisée par le ministre Antonio Tajani, avec la présence de nombreux chefs d’entreprise italiens.
Un message réitéré en mai par la Première ministre Giorgia Meloni, à l’occasion du sommet de la Communauté politique européenne à Tirana.
C’est dans ce contexte euro-balkanique qu’il faut lire la prise de position de Skopje: elle porte la dynamique autour de la marocanité du Sahara au cœur de l’Europe.





