Sahara: Staffan de Mistura acte la prééminence de l’autonomie, salue la dynamique US et presse Alger d’agir

Le diplomate Italo-suédois Staffan de Mistura.

Le diplomate italo-suédois Staffan de Mistura. DR

Tout en épinglant la responsabilité de l’Algérie dans le conflit du Sahara occidental et sa position contreproductive en vue d’un règlement du dossier, l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU admet dans un briefing à huis clos au Conseil de sécurité l’adhésion des grandes puissances mondiales et de la communauté internationale à la solution marocaine. Pour Staffan de Mistura, l’Algérie doit «aider le Polisario à privilégier la voie politique». Rien n’est moins gagné.

Le 17/10/2025 à 13h01

Le message est clair, le constat lucide. Lors d’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité, le 10 octobre dernier et dont l’agence italienne Nova rend compte, l’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, est sorti de sa réserve habituelle. Si le statu quo n’est plus tenable à ses yeux, seule l’option d’autonomie ressort comme solution au conflit dans son exposé. Cette fois, l’émissaire onusien a mis franchement en lumière le basculement diplomatique majeur opéré ces dernières années en faveur du plan présenté par le Maroc en 2007, devenu la référence quasi consensuelle des grandes puissances et de la communauté internationale.

Washington en chef de file

Dans sa présentation, Staffan de Mistura a reconnu que la communauté internationale penche désormais résolument vers la solution marocaine. Trois membres permanents du Conseil de sécurité (les États-Unis, la France et le Royaume-Uni) appuient ouvertement le plan d’autonomie, qu’ils qualifient de LA seule solution «réaliste et pragmatique». Les États-Unis, en particulier, assument un rôle moteur dans ce repositionnement diplomatique. Leur soutien à la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, réaffirmé à plusieurs reprises depuis 2020, confère au dossier une nouvelle dynamique internationale.

Le diplomate italo-suédois a salué l’engagement de Washington, pen holder de la résolution 2025 du Conseil de sécurité, attendue à la fin de ce mois d’octobre, qui s’est intensifié au cours des derniers mois, ainsi que l’attitude constructive de Paris, Londres et Madrid, tous du côté de la souveraineté du Royaume sur son Sahara. Même la Russie et la Chine, traditionnellement prudentes, semblent ouvertes à un dialogue renouvelé autour d’une solution politique basé sur l’autonomie. La visite officielle du ministre marocain des Affaires étrangères à Moscou, au moment même où le Conseil de sécurité prépare son vote, illustre la nouvelle centralité du Maroc dans les équilibres régionaux.

De Mistura a toutefois repris un plaidoyer datant de son brief de l’année dernière devant le même Conseil de sécurité et voulant que le Maroc se doit de détailler son plan d’autonomie, notamment en précisant comment il peut concilier le principe d’autodétermination du peuple sahraoui avec les aspirations souveraines «légitimes» du Maroc.

Si ce n’est pas la première fois que l’émissaire onusien plaide pour de tels détails, le Maroc avait déjà formulé sa position. Lundi 21 octobre 2024 lors d’une conférence de presse tenue en marge de sa rencontre avec le chef de la diplomatie de l’Estonie, Margus Tsahkna, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a été net et précis. «Nous sommes évidemment disposés à aller dans le détail de cette proposition, dans le respect des lignes rouges que nous nous sommes fixées et sans toucher aux bases qui en constituent le fondement, le jour où toutes les parties impliquées dans le conflit accepteront l’autonomie comme seule base d’une solution au différend. En l’absence de cette volonté, comme c’est le cas actuellement, une telle éventualité est prématurée. Pour l’heure, elle n’est pas à l’ordre du jour», avait-il tranché.

À l’évidence, il faut qu’Alger, LA partie dans ce conflit, s’assoie avec le Maroc avant de détailler le plan d’autonomie.

L’Algérie sommée d’assumer et de ramener le Polisario à la raison

Si Staffan de Mistura note le virage diplomatique global, il alerte sur le facteur bloquant majeur: l’Algérie. Alger continue de plaider pour un référendum d’autodétermination sous supervision de l’ONU, une option que la plupart des membres du Conseil de sécurité jugent aujourd’hui obsolète et irréaliste.

Pas plus loin que jeudi 9 octobre dernier, et dans une allocution prononcée au ministère de la Défense, le président Abdelmadjid Tebboune a déclaré que l’Algérie «ne se départira jamais de son soutien» aux séparatistes sahraouis, dont il a dit que tant qu’il est en vie «personne ne leur imposera la solution» à laquelle ils n’ont pas donné leur accord.

Le président Tebboune a assené: «Nous ne serons pas plus sahraouis que les Sahraouis eux-mêmes. Nous acceptons toute solution qu’ils acceptent, mais nous rejetons catégoriquement l’imposition de solutions venues de l’étranger». Tebboune a juste oublié de préciser que c’est le régime d’Alger qui dicte la conduite à suivre aux dirigeants du Polisario.

Des déclarations synonymes d’une posture rigide, contraire à l’esprit de réalisme et de compromis qu’exige la situation et auquel appelle explicitement Staffan de Mistura dans son dernier briefing. L’envoyé spécial a exhorté Alger d’user de son influence sur le Polisario pour favoriser une reprise du dialogue politique, transcender les positions historiques et écarter définitivement la tentation militaire, qui menace la stabilité régionale. Le réarmement opéré notamment par l’Algérie – en 2025, son budget de défense atteint 25 milliards de dollars – dépasse la simple lutte antiterroriste et fait craindre, selon l’envoyé onusien, un glissement vers une confrontation directe.

Des négociations d’ici la fin 2025… avec l’Algérie

Face à cette impasse, Staffan de Mistura a lancé un appel pressant à relancer un processus politique structuré d’ici la fin 2025. Il a proposé la tenue d’un nouveau cycle de négociations directes réunissant le Maroc, le front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie. L’envoyé de l’ONU a insisté sur la nécessité d’un changement de rythme, après un demi-siècle de médiations infructueuses. «L’heure est venue, a-t-il déclaré, de prendre des décisions courageuses et d’ouvrir une nouvelle phase fondée sur le réalisme et le compromis». Il a souligné le rôle constructif de la Mauritanie, qu’il a qualifiée de «neutre, mais non indifférente», et qui demeure un acteur essentiel à l’équilibre des pourparlers.

L’objectif, selon le diplomate, est d’éviter une «paralysie diplomatique» qui pourrait «déboucher sur une dérive militaire aux conséquences régionales et mondiales». Le diplomate estime que le cinquantième anniversaire du conflit doit être «un tournant, non une commémoration».

Maintien de la MINURSO, «même sous un format réduit»

De Mistura a plaidé pour le maintien de la MINURSO, la mission onusienne déployée depuis 1991, «même sous un format réduit». À la veille de l’expiration de son mandat, il a appelé le Conseil de sécurité à réaffirmer le rôle central de la mission comme instrument de stabilité, de médiation et d’observation sur le terrain. L’organisation du référendum, elle, est définitivement sortie de ses prérogatives. Dans un contexte où le front Polisario multiplie les actions terroristes dans les zones tampons, le départ ou l’affaiblissement de la MINURSO pourrait créer un vide dangereux. Pour le diplomate, maintenir la mission, c’est préserver la dernière digue contre l’escalade.

Par Tarik Qattab
Le 17/10/2025 à 13h01