Staffan de Mistura, le nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, entame ce mercredi 12 janvier à Rabat sa première tournée dans la région. Cinquième émissaire onusien au Sahara, après l’Américain James Baker, le Néerlandais Peter Van Walsum, l’Américain Christopher Ross et l’Allemand Horst Köhler, l’Italo-suédois Staffan de Mistura débute sa mission dans un contexte très différent de celui de ses prédécesseurs.
Cette première tournée du nouvel émissaire onusien intervient, en effet, dans un contexte caractérisé par les réalisations tangibles et irréversibles du Maroc. Il y a d’abord le passage frontalier d’El Guerguerat, sécurisé définitivement par le Royaume au mois de novembre 2020. Quand on sait que le Polisario, sur instigation de la junte algérienne, se servait depuis quatre ans de ce corridor comme un levier de pression sur la communauté internationale, El Guerguerat n’est plus un sujet depuis novembre 2020.
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Ensuite, il y a la reconnaissance historique par les Etats-Unis, au mois de décembre 2020, de la souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara atlantique. Cette reconnaissance de la première puissance mondiale, qui est aussi membre permanent du Conseil de sécurité, change considérablement la donne. Sans parler des 22 pays qui ont ouvert, depuis 2019, des consulats aussi bien à Laâyoune qu’à Dakhla.
De plus, il existe aujourd’hui une large tendance au niveau international pour adopter le plan d’autonomie comme unique solution, la plus réaliste, au conflit du Sahara. L’ensemble des pays du Golfe défendent une solution politique sous la souveraineté du Maroc, alors que les Etats-Unis, la France et l’Allemagne, ces deux derniers pays étant les moteurs de l’UE, approuvent également le plan d’autonomie.
Le principal obstacle pour l’émissaire onusien est à AlgerCe nouveau contexte se caractérise aussi par une exacerbation de la tension entretenue par Polisario et son parrain algérien, pour tenter de saper toute solution politique. Cette exacerbation est à la fois militaire, avec la rupture du cessez-le-feu par le Polisario, et diplomatique, au regard de l’escalade orchestrée par le régime algérien contre le Royaume du Maroc. Cette escalade a atteint son point culminant avec la rupture, décidée de façon unilatérale par le régime algérien, de ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021.
L’émissaire onusien est lié par un mandat qui est décrit noir sur blanc dans la résolution 2602 du Conseil de sécurité, que le régime algérien a d’ores et déjà rejetée. Le ministère algérien des Affaires étrangères a affirmé, en effet, dans une déclaration diffusée le 31 octobre 2021 que «l'Algérie, qui exprime sa pleine compréhension des constats et conclusions de la partie sahraouie, ne soutiendra pas cette résolution partiale qui a pour effet de conforter les prétentions exorbitantes» du Maroc.
«La question qui va peser au sujet de la rencontre de Staffan de Mistura avec les responsables algériens, c’est comment le régime algérien peut-il recevoir l’émissaire onusien et discuter avec lui, alors qu’il y a une divergence sur le référentiel du mandat de cet émissaire, indissociable de la dernière résolution du Conseil de sécurité?», confie, contacté par Le360, un haut diplomate marocain en exercice, qui a requis l’anonymat.
«Lors de cette première tournée, Staffan de Mistura va identifier les parties. Que va faire le régime algérien, étant la principale partie qui alimente et maintient sous perfusion ce conflit? Est-ce qu’il va recevoir l’émissaire onusien ou se dérober? Et s’il se dérobe, il devrait assumer les conséquences de son acte devant la communauté internationale», poursuit cet interlocuteur.
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«Staffan de Mistura entame sa tournée avec un objectif clair: préparer la prochaine table ronde», ajoute ce diplomate de haut rang. «Les feux des projecteurs seront encore une fois braqués sur le régime algérien qui a déjà proclamé son refus du format des tables rondes et a été méjugé par le Conseil de sécurité sur ce point. Jusqu’où ira le régime algérien pour saboter ce processus et s’isoler davantage?», s’interroge-t-il.
«L’émissaire arrive dans la région avec des paramètres déjà arrêtés. Il arrive dans un contexte où il y a une convergence sur le cheminement et la destination. Sa grande difficulté, de même que son véritable enjeu, n’est pas à Rabat, mais à Alger. C’est Alger qui pollue le contexte régional; c’est à Alger où de Mistura n’aura pas d’interlocuteur légitime pour engager l’Algérie, et c’est aussi à Alger qu’il sera confronté à une résistance contre la légalité internationale et un rejet des résolutions du Conseil de sécurité». En somme, c’est bel et bien à Alger que de Mistura doit mener sa mission.
De son côté, conforté par le Conseil de sécurité, la tendance internationale et ses réalisations irréversibles, le Maroc accueille sereinement le nouvel envoyé personnel d’Antonio Guterres pour le Sahara.