Les restrictions de visas imposées aux ressortissants marocains, algériens et tunisiens, ont fait l’objet d’une question orale posée au Sénat français, mercredi 5 octobre 2022.
La décision prise par le président français, en conseil de défense il y a un an, a touché surtout les ressortissants qui tissent et entretiennent des liens humains, culturels, éducatifs et économiques intemporels entre la France et les trois pays concernés (Maroc, Algérie, Tunisie), a souligné Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français de l'étranger.
«Cette politique des chiffres est vécue comme une punition collective par ceux qui ne présentent aucun risque migratoire, qui se rendent en France à des fins familiales et professionnelles», a ajouté la sénatrice socialiste, ancienne ministre déléguée chargée des Français de l'étranger de 2012 à 2014.
Ce sont ensuite, a-t-elle renchéri, des appels d’offres perdus parce que l’investisseur étranger n’obtient pas le visa nécessaire. «Les investisseurs étrangers se tournent vers un autre pays plus accueillant. L’Espagne, l’Autriche et l’Italie en tirent aujourd’hui des bénéfices économiques et vous en remercient».
Hélène Conway-Mouret est convaincue que ces mesures restrictives «se révèlent inefficaces», d’autant plus que «les Etats concernés n’ont pas accepté de reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière».
«L’immigration illégale n’a toujours pas baissé. Quant au effets politiques et électoraux que vous en attendiez, les dernières élections ont montré la vanité de votre démarche», a observé la sénatrice du parti socialiste avant de lancer: «il est temps de laisser à nouveau le soin au personnel expérimenté des consulats d’instruire les demandes dont ils sont saisis, et ce faisant refuser celles qui doivent l’être».
Et d’ajouter: «il est temps de négocier les accords bilatéraux en matière d’immigration, accords sans lesquels le tissu affectif et charnel de la relation qui nous lie à l’Afrique s’estompera sans lendemain».
Réagissant à ces propos, la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a tenu à rappeler que ces mesures de restriction ont été décidées «en réponse au constat d’une forte baisse du nombre de laissez-passer consulaires délivrés par ces pays dans le cadre des mesures d’éloignement prononcées par le ministère de l’Intérieur à l’encontre des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire».
A en croire Catherine Colonna, «en matière de coopération migratoire, les discussions récentes entre les ministres de l’Intérieur français et des pays concernés sont positives. Il y a une réelle amélioration de la situation et elles se poursuivent de façon constructive».
«Le ministre de l’Intérieur et moi-même, nous nous en réjouissons. Nous progressons, encore tout récemment, il y a quelques jours à peine avec le Maroc. Nous souhaitons pouvoir continuer d’avancer afin de mettre un terme à cette situation», a lancé la ministre.
Catherine Colonna semble toutefois ignorer la réalité sur le terrain en pensant que ces «mesures restrictives avaient été mises en œuvre avec le souci de préserver au maximum les publics prioritaires, notamment les étudiants, les entrepreneurs, les artistes, etc». Elle n’a qu’à voir le nombre de personnes parmi ces publics prioritaires qui se sont vu refuser leur demande de visa auprès des consulats français.
Evoquant les longs délais de traitement des demandes de visas dans les consulats de France, la ministre tente de se justifier en les attribuant à l’effet cumulé de deux ans de pandémie, annonçant au passage une série de mesures visant la réduction de ces délais.
«Des renforts seront envoyés dans les pays qui en ont le plus besoin. Je créerai rapidement un centre de soutien spécifique dédié à ces missions», a fait savoir la cheffe de la diplomatie française.