La récente visite au Maroc de Jacob Zuma, ancien président sud-africain et principal opposant à l’ANC (African National Congress), son ancien parti, marque-t-elle le début de la fin de l’alignement de Pretoria sur la position algérienne concernant la question du Sahara marocain dit «Sahara occidental»? Peut-être, car la situation politique sud-africaine bouge en raison de l’échec des politiques dogmatiques de l’ANC.
Butte-témoin de la période de lutte de la mouvance tiers-mondiste, l’Afrique du Sud, tout comme l’Algérie, semble avoir ses définitions diplomatiques bloquées sur les années 1960. L’anti-impérialisme était alors le moteur central de nombreux mouvements politiques, culturels et intellectuels à travers le monde.
Dans le contexte de la décolonisation et de la Guerre froide, le bloc de l’Est utilisait l’anti-impérialisme comme argument idéologique. L’URSS et la Chine se présentaient alors comme alliées des luttes du tiers-monde (Vietnam, Algérie, Cuba).
Depuis, le monde a changé, l’Union soviétique est redevenue la Sainte Russie et les Gardes rouges chinois se sont transformés en capitaines d’industrie… Le train de l’histoire est donc passé, mais l’Algérie et l’Afrique du Sud sont restées sur le quai de la gare… en compagnie de quelques pays africains dont l’horizon diplomatique est également bloqué sur les années 1960.
Ce positionnement de l’Afrique du Sud s’inscrit donc dans une histoire de liens politiques et idéologiques noués à l’époque de la lutte contre l’apartheid, lorsque des militants de l’ANC s’entraînaient à Tindouf aux côtés des membres du Polisario.
Pretoria, qui a reconnu la RASD maintient cette position. Le président Cyril Ramaphosa a même réaffirmé un soutien «sans état d’âme» au droit à l’autodétermination du «peuple sahraoui», lors de visites officielles de dirigeants du Polisario en Afrique du Sud. Encore tout récemment, Pretoria a même tenté de faire introduire la RASD dans des instances internationales qui ne la reconnaissent pas.
Cet alignement de l’ANC sur les options algériennes n’est cependant pas inscrit dans le marbre puisque, lors des élections nationales du 29 mai 2024, le parti au pouvoir a perdu la majorité politique, et cela, pour la première fois depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 1994.
De plus, poussé à la démission en 2018, l’ancien président sud-africain, le Zulu Jacob Zuma a fait son grand retour en politique. Face à lui, en dépit d’une véritable faillite économique et sociale, Cyril Ramaphosa, président de la République depuis février 2018, a certes été réélu, mais avec une marge de manœuvre singulièrement réduite.
«Mis en cause dans une possible affaire de blanchiment de capitaux, le président Ramaphosa est également soupçonné d’avoir dissimulé plusieurs millions d’USD, et d’avoir «trempé» dans plusieurs affaires de prises illégales d’intérêt.»
— Bernard Lugan
L’ex-syndicaliste Cyril Ramaphosa est en effet accusé d’avoir bâti sa colossale fortune par la trahison de ses mandants. Siégeant dans les conseils d’administration des sociétés minières blanches au sein desquels il fut coopté en raison de son «expertise» syndicale, il fut en effet adoubé en échange de son aide contre les revendications des mineurs noirs dont il fut le représentant avant 1994!
De plus, mis en cause dans une possible affaire de blanchiment de capitaux, le président Ramaphosa est également soupçonné d’avoir dissimulé plusieurs millions d’USD, et d’avoir «trempé» dans plusieurs affaires de prises illégales d’intérêt.
Cyril Ramaphosa s’est de plus attiré l’hostilité militante des Zulu (20% de la population totale du pays) qui n’ont pas oublié comment, alors qu’il était vice-président, il évinça le président élu Jacob Zuma.
À ces griefs s’ajoutent les multiples échecs de l’Afrique du Sud, comme l’intensification des délestages électriques, la SARB (South African Reserve Bank) estimant à 2 points de PIB leur impact sur la croissance du pays. L’Afrique du Sud voit même tous ses secteurs traverser une crise profonde:
-L’industrie minière (or, platine, diamant, ferrochrome, charbon, etc.), représentait il y a encore quelques années 10% du PIB sud-africain contre 5% aujourd’hui. Elle emploie 8% de la population active et forme le premier employeur du pays avec 500.000 emplois directs après avoir perdu près de 300.000 emplois au cours des dix dernières années.
Les pertes de production ont eu pour conséquence la fermeture des puits secondaires et la mise à pied de milliers de mineurs. Or, dans les zones d’extraction, toute l’économie dépend des mines. Dans la décennie 2000, afin de relancer la production, il était urgent d’investir des sommes colossales. Or, cela n’a pas été fait.
De plus, le climat social a découragé les investisseurs qui ont choisi de faire «glisser» leurs activités vers les pays émergents dans lesquels, à la différence de l’Afrique du Sud, le credo politique ne date pas du logiciel socialiste et anti-impérialiste des années 1960.
Quant à l’agriculture commerciale (3% du PIB en moyenne entre 2020 et 2023), elle est menacée de nationalisation, comme aux «bons vieux temps» de la dictature du prolétariat…
Le règne de l’ANC connaît donc un lent et continuel déclin en raison de ses options politiques et de ses échecs économiques découlant de l’application de principes socialistes obsolètes car hérités des années de lutte révolutionnaire. Ce sont elles qui expliquent pourquoi le pays forme le cœur du dernier carré des pays africains ralliés à la politique algérienne concernant le Sahara marocain.






