Pegasus: les raisons de l'acharnement envers le Maroc

Une femme utilise son iPhone devant le bâtiment abritant le groupe israélien NSO, à Herzliya, près de Tel Aviv. L'entreprise israélienne est accusée d'avoir fourni le logiciel espion Pegasus à plusieurs Etats, dont le Maroc (photo d'archives, 2016).

Une femme utilise son iPhone devant le bâtiment abritant le groupe israélien NSO, à Herzliya, près de Tel Aviv. L'entreprise israélienne est accusée d'avoir fourni le logiciel espion Pegasus à plusieurs Etats, dont le Maroc (photo d'archives, 2016). . JACK GUEZ / AFP

Le Maroc a beau marteler qu’il n’a jamais acquis le logiciel Pegasus, certains médias, dont ceux français, font feu de tout bois et veulent absolument remettre le couvert. En atteste le prétexte pris sur le récent scandale d’écoutes téléphoniques visant Pedro Sanchez, dont les auteurs, comme les motivations, sont pourtant ailleurs. Décryptage.

Le 04/05/2022 à 13h52

S’agissant de l’affaire Pegasus, le logiciel espion conçu par la société israélienne NSO, les faits ont beau être têtus, la position du Maroc claire et constante, les preuves inexistantes, certains médias étrangers, dont ceux de France, continuent de s’acharner contre le Royaume. Il aura ainsi suffi d’un nouveau scandale, en Espagne, pour que des doigts accusateurs se pointent encore une fois en direction du Maroc.

Rebelote, donc, le lundi 2 mai dernier, quand le ministre de la Présidence espagnole, Félix Bolano, a révélé que les téléphones du président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, et de sa ministre de la Défense, Margarita Robles, avaient été infectés en mai et juin 2021 par Pegasus. C’était lors d’une conférence de presse, au cours de laquelle le ministre espagnol a parlé de «faits d'une énorme gravité» et d'une «attaque externe».

Un certain nombre de médias espagnols se sont interrogés sur les événements marquants de cette époque, et qui pourraient expliquer une telle attaque. Ils ont retenu, d’une part, la préparation des grâces pour les leaders de la démarche indépendantiste en Catalogne, qui avait eu lieu quelques semaines plus tard, en juin 2021, et, d’autre part, la crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc, qui avait été déclenchée suite à l’admission du chef du Polisario, Brahim Ghali, dans un hôpital de Logroño, dans le nord du pays.

Mais la réaction la plus virulente a étonnamment émané de certains médias français, pourtant réputés pour le traitement purement factuel qu'ils réservent à l'information: et deux, tout particulièrement se sont illustrés, ceux-là mêmes que le Maroc entend poursuivre en justice pour avoir relayé de fausses et calomnieuses rumeurs sur une utilisation par le Royaume de ce logiciel. Il y a, tout d'abord, France Info, une radio du service public, qui a ainsi pensé «spontanément au Maroc, l’un des principaux pays montrés du doigt dans ce gigantesque scandale d’écoutes téléphoniques».

Il y a aussi le quotidien Le Monde, qui opine, et abonde dans le même sens. Autant dire que cette nouvelle affaire espagnole est du pain béni pour ces médias, très visiblement déçus que leur offensive première n’ait pas été couronnée par les décapitations qu'ils souhaitaient dans les services de renseignements marocains.

Revenir aux ramifications de l’affaire, c’est comprendre les raisons d’une telle fixation. France Info et Le Monde font ainsi partie du consortium de 17 médias internationaux qui avaient traité une liste de 50.000 numéros de téléphones, tous ciblés par Pegasus, et qu'avait révélé l’organisation Forbidden Stories en juillet 2021.

Dans leur traitement des informations qui leur avaient été livrées, ces médias s'étaient montrés particulièrement sélectifs sur les pays dénoncés, et seulement 11 d’entre eux, dont le Maroc, avaient été cités, alors qu’il est avéré que NSO détient dans son portefeuille au moins 45 clients, majoritairement européens.

Il n'y a eu, curieusement, aucune interrogation sur ces pays européens, qui pourtant disposent de Pegasus. Le seul Etat européen qui avait été indexé par Fobidden stories est la Hongrie de Viktor Orban, véritable bête noire des mondialistes européens. Les services de renseignement marocains ont été, quant à eux, présentés comme étant les plus boulimiques et selon les révélations de ces médias, ils sont accusés d’avoir diligenté une opération d’espionnage de masse visant plus de 10.000 personnes, dont des chefs d’Etat.

Le Maroc, dans sa réponse, a été très clair: tout achat ou tout recours au logiciel Pegasus est formellement nié. Le Royaume a également déposé des plaintes, demandant la citation des médias français et ceux d'autres pays pour diffamation devant leurs juridictions respectives, notamment en Allemagne et en Espagne. Le Royaume a agi ainsi pour défendre ses droits, de même que sa réputation et celles de ses administrations sécuritaires, qui agissent dans le cadre d’un Etat de droit.

Un droit, que la justice française, et jusqu’à preuve du contraire, lui refuse. Sans surprise, le tribunal de Paris s’est prononcé le vendredi 25 mars 2022 contre la recevabilité des poursuites en diffamation intentées. Une décision qui est intervenue malgré des plaidoiries historiques des avocats du Maroc, qui ont en substance affirmé que le Royaume, toujours transparent, n’avait rien à cacher. Me Olivier Baratelli, l’avocat mandaté par le Royaume pour l’affaire Pegasus, a eu beau affirmer que ces médias étaient incapables de produire des preuves, dénonçant une «situation ubuesque» et une «supercherie», la justice française semble déterminée à faire avorter un procès qui aurait pourtant pu être spectaculaire.

D'ailleurs, Me Baratelli avait dans une interview accordée au site AtlasInfo, livré son explication à ce propos: «on utilise des artifices de procédures, des moyens d’irrecevabilité pour faire un écran de fumée et éviter le débat de fond». Une chose est cependant certaine: «aujourd’hui, une enquête en France a démontré que le Maroc n’a jamais utilisé le logiciel Pegasus», a-t-il affirmé.

Le Maroc a fait appel de la décision de la justice française, c’est ce qui explique tout le malin plaisir que ces deux médias en particulier ont eu à remettre le couvert et à tenter de viser une fois encore le Royaume. N’hésitant ainsi pas à associer un Etat souverain à des pratiques mêlant des organismes évoluant à la marge (pour rester poli) -des barbouzes, des organisations indépendantistes (comme c’est le cas pour l’Espagne), voire des mafias, ces mêmes médias ne se retiennent pas non plus pour verser dans l’alarmisme et la caricature. Ils vont jusqu'à grossir le trait, simplement pour donner de l’importance aux «faits» qu’ils relaient.

Ces médias reviennent d’ailleurs à chaque fois à la charge pour marteler ce même message: parmi les cibles des écoutes prétendument menées par le Maroc, figurent notamment des personnalités françaises comme le président Emmanuel Macron. Or, c’est tout simplement faux. A la fin du mois de décembre dernier, dans un entretien accordé au Monde, c’est le ministre israélien des Affaires étrangères himself, qui a opposé un démenti formel à ces rumeurs. Yaïr Lapid a ainsi mis un terme au fantasme sur des écoutes téléphoniques faites sur le téléphone du président français par les services marocains. «Personne n’a écouté le téléphone du président Macron», a-t-il tranché.

L’entreprise NSO, qui a conçu et qui fabrique le logiciel Pegasus, a également formellement démenti l’espionnage du téléphone du président français. Mais cela n’a pas suffi pour détourner certains médias de leur réflexe pavlovien et de faire référence, à chaque fois qu'ils traitent l'affaire Pegasus, à ce prétendu cyber-espionnage de Macron.

Les motivations des parties qui cherchent à associer le Maroc à Pegasus ne sont pas à chercher du côté de la vérité. Les charges contre le Royaume ont non seulement pour but de porter atteinte à ses fondamentaux et à ses institutions, mais aussi de tenter de polluer le rayonnement d’un pays qui, décidément, dérange sérieusement. L’acharnement dont le Royaume fait l’objet, lequel prend appui sur une affaire montée de toutes pièces le concernant, n’y changera cependant rien. Les médias en question, certes prestigieux, mais qui ont cette fâcheuse tendance à céder à la facilité s’agissant du Maroc, feraient mieux de chercher ailleurs. «L’ennemi» est, probablement, bien plus près de leurs contrées qu’ils ne le laissent penser.

Par Tarik Qattab
Le 04/05/2022 à 13h52