Ministère public: un besoin urgent de 1.000 magistrats supplémentaires au Maroc

Moulay El Hassan Daki, président du Ministère public.

Moulay El Hassan Daki, président du Ministère public. . DR

Le rapport d'activités du ministère public pour l'année 2021 fait ressortir une hausse soutenue dans le rendement alors que le nombre des magistrats du parquet est resté presque inchangé, ce qui nécessite le recrutement d'environ mille autres magistrats, et ce, pour atteindre le niveau de performance souhaitée.

Le 03/01/2023 à 21h31

Une augmentation du nombre de magistrats est à même de faire baisser à des taux acceptables l'activité annuelle des magistrats du parquet (3.500 procédures par an), relève un rapport d'activités de la présidence du ministère public pour l'année 2021 qui explique que ce déficit s'est encore fait ressentir avec la nouvelle configuration de la carte judiciaire donnant lieu à la création de nouveaux tribunaux et centres de juges résidents, et ce, pour éviter un quelconque impact négatif sur le rendement, et, par ricochet, sur la sécurité judiciaire des citoyens.

Le rapport relève que le nombre de magistrats du parquet dans les tribunaux ordinaires (1re Instance et Cours d'appel) est resté relativement stable en 2021 avec un total de 961 magistrats contre 956 l'année précédente, notant que la moyenne des procédures effectuées par lesdits magistrats a, en revanche, augmenté d'une manière notable, passant de 6.898 procédures par an pour chaque magistrat en 2020 à 7.561 procédures en 2021, soit en moyenne 30 procédures par jour pour chaque magistrat.

La même source fait observer que l'amélioration de la situation sanitaire dans le pays a favorisé une hausse du rendement général du ministère public dans tous les champs de son intervention, avec un total de procès-verbaux manuscrits se chiffrant à 2.843.932 exemplaires en 2021, soit une augmentation de 37% par rapport à 2020 (2.075.233 procès-verbaux).

Tout comme pour les correspondances administratives, qui sont passées de 534.868 en 2020 à 704.324 en 2021, soit une hausse de 31 %, ajoute le rapport, indiquant que cette augmentation concerne aussi les procédures d'exécution en matière répressive qui sont passées de 494.608 en 2020 à 542.243 en 2021 (+ 10%).

Idem pour les affaires civiles et familiales qui se chiffraient en 2021 à 963.222 affaires contre 770.841 en 2020, toujours selon ce rapport qui constate ainsi une augmentation se chiffrant à plus de 192.381 affaires civiles et familiales traitées par le ministère public.

Concernant la lutte contre les violations de droits de l'homme, le rapport souligne que le ministère public dans les différentes juridictions du Royaume a réagi positivement en 2021 aux allégations et griefs se rapportant à toutes les formes de violence mettant en cause des fonctionnaires chargés de l'application de la loi dans l'exercice de leurs fonctions.

Sur ce registre, le rapport fait savoir que les ministères publics ont reçu cette année-là 199 plaintes concernant des accusations de violence, 28 autres concernant des allégations portant sur des mauvais traitements, 23 concernant des accusations pour torture, outre 24 plaintes concernant des accusations pour détention arbitraire, une seule et unique plainte concernant des accusations sur une disparition forcée.

A cela, le rapport évoque la réalisation de 435 examens médicaux sur les prévenus présentés devant le parquet, soit à leur demande, soit encore dans le but de tirer au clair les causes de violence constatée sur certains prévenus. 

En vue, par ailleurs, de protéger les personnes privées de liberté contre toutes les violations pouvant représenter une violence, une torture et toute autre forme de mauvais traitements, le rapport assure que les ministères publics effectuent à titre préventif des visites périodiques dans les lieux de détention avec au total 845 visites dans les établissements pénitentiaires, soit 93,89% des visites juridiquement obligatoires, outre 154 visites dans les hôpitaux psychiatriques (120,31% des visites exigées par la loi), 24.626 visites de locaux de garde à vue (128% des visites exigées par la loi), ainsi que 151 visites d'inspection dans les locaux de garde et d'accueil des enfants.

Evoquant la rationalisation de la détention préventive, le rapport relève certaines difficultés dans la gestion des affaires des prévenus en détention préventive, surtout avec le maintien de l'option facultative des audiences à distance, ce qui est à l'origine d'un ralentissement de la cadence de traitement des affaires des détenus. Ainsi, le taux de détention préventive au premier semestre de l'année 2021 se situait entre 44 et 45%, mais grâce aux efforts déployés par l'ensemble des intervenants, la tenue de nouveau des procès en présentiel ainsi que des sessions de formation sur la rationalisation de la détention préventive, ce taux a baissé au deuxième semestre de la même année pour se situer à hauteur de 42,19%, un taux qui reste, certes, élevé, mais en deçà de celui enregistré en 2020, soit 45,70% de l'ensemble de la population carcérale, fait remarquer la même source.

Par ailleurs, le rapport de la présidence du ministère public note la poursuite de la tendance baissière sur le registre des verdicts d'innocence prononcés dans des affaires de détenus comme c'était le cas pour les quatre années précédentes, se chiffrant à 1.854 verdicts en 2021, soit 1,7% sur l'ensemble des détenus, alors que ce nombre se chiffrait en 2020 à 1.846 verdicts (1,8% sur l'ensemble des détenus), ce qui signifie, soutient-on, que le ministère public ne recourt pas ipso facto à des poursuites en état de détention, sauf dans les cas où les preuves sont suffisantes.

Sur un tout autre registre, l'année 2021 a été marquée par une coopération fructueuse entre l'ensemble des acteurs de la justice nationale, entre la présidence du ministère public et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, d'une part, ou encore entre ces deux institutions et le ministère de la Justice, d'autre part. Une coopération et une coordination qui ont permis de réaliser des résultats remarquables, souligne le rapport qui cite à l'appui principalement la coordination dans l'élaboration de textes juridiques et lois organiques d'intérêt commun comme la loi 38.21 relative à l'Inspection générale des affaires judiciaires ou encore la décision conjointe prise par le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le ministre de la Justice fixant la composition et les prérogatives de l'Instance conjointe chargée de la coordination dans le domaine de l'administration judiciaire.

Autres domaines de coopération et de coordination entre ces trois acteurs de la justice nationale cités par le rapport, la formation continue, l'organisation de conférences et de rencontres scientifiques, les programmes de modernisation et de digitalisation des tribunaux ou encore l'intervention efficace pour résoudre les problématiques posées au quotidien au niveau de la justice. Ce qui a permis de renforcer la conviction de tous quant au fait que le développement de la justice et l'amélioration de son rendement nécessitent de placer l'intérêt général au-dessus de tout et aussi une coopération effective à même de favoriser la mise en œuvre de tous les projets en faveur de la consolidation de l'efficience et la réforme du système judiciaire, conclut-on.

Le 03/01/2023 à 21h31