Le spectre du passé colonial continue de hanter une partie de la classe politique espagnole, qui peine à accepter la nouvelle dynamique des relations entre Madrid et Rabat.
Le Royaume s’affirme comme un partenaire du Sud crédible et solidaire et n’a pas hésité à venir en aide à son voisin européen, que ce soit lors des récentes coupures d’électricité ou lors des inondations ayant frappé plusieurs villes espagnoles.
Cette relation de partenariat équilibré, impulsée par le Premier ministre Pedro Sánchez et son Parti socialiste, tranche avec les positions plus rétrogrades d’une frange de la droite espagnole, nostalgique d’une ère révolue, indique le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition de ce mercredi 16 juillet.
Le Parti populaire (PP), aujourd’hui dirigé par Alberto Núñez Feijóo, illustre ce retour en arrière.
Là où ses prédécesseurs avaient adopté une approche pragmatique vis-à-vis de Rabat, Feijóo tente de raviver une ligne dure, notamment sur la question du Sahara, écrit-on.
Lors de son dernier congrès national, le PP a ignoré ouvertement la décision historique du gouvernement Sánchez de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara.
Pire encore, le parti a invité un représentant du Polisario à son congrès, provoquant un tollé, relève Al Ahdath Al Maghribia.
Cette démarche a notamment suscité l’indignation de l’Association des victimes du terrorisme des îles Canaries, qui y voit une «insulte directe» aux familles touchées par les attaques menées par le Polisario dans les années 1970 et 1980 contre des navires de pêche et des intérêts civils espagnols.
L’association rappelle qu’au moins 300 victimes, majoritairement originaires des Canaries, ont payé de leur vie ces opérations qualifiées de terroristes.
Elle somme le PP de corriger ce qu’elle décrit comme une «faute historique» et de ne pas effacer ces victimes de la mémoire collective.
Dans le même élan, le parti marocain de l’Istiqlal a interpellé le chef du PP pour clarifier sa position sur le Sahara, soulignant que la proposition marocaine d’autonomie de 2007 reste «la seule base réaliste et crédible pour clore ce conflit» à l’heure où de plus en plus de pays soutiennent Rabat.
Sur le terrain, ce climat politique tendu se double d’incidents inquiétants, une œuvre du parti d’extrême-droite Vox.
À Murcie, des Marocains ont récemment été pris pour cibles lors d’agressions à caractère raciste, dans un contexte marqué par une rhétorique hostile et des appels à la haine.
Là encore Vox, et dans une moindre mesure le PP, sont accusés d’exploiter la carte marocaine à des fins de politique intérieure.
Cette instrumentalisation pourrait compromettre les acquis de la relation marocco-espagnole, notamment la gestion commune de dossiers sensibles comme celui des douanes aux postes frontières de Sebta et Melilla, alerte Al Ahdath Al Maghribia.
La reprise du transit commercial, arrachée de haute lutte après des années de blocage, est aujourd’hui de nouveau menacée.
Dans ce contexte, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s’est entretenu lundi à Bruxelles avec son homologue espagnol, José Manuel Albares, en marge d’une réunion entre l’Union européenne et les pays du voisinage sud.
Bien qu’aucun communiqué officiel n’ait détaillé l’échange, Albares a confirmé que la question des douanes à Sebta et Melilla figurait à l’agenda, de même que les récentes attaques contre les ressortissants marocains.
Pour Madrid, la sortie de crise passe par le respect des engagements pris avec Rabat.
José Manuel Albares a d’ailleurs pointé du doigt ceux qui, selon lui, «cherchent à saboter la bonne entente entre les deux pays», accusés de jouer avec les intérêts nationaux pour un calcul électoral à courte vue.








