Le processus d’«épuration» planifié par le frère du président algérien Saïd Bouteflika et mis en œuvre par ce dernier continue de faire couler de l’encre. L’opération d’effeuillage au Département du renseignement et de la sécurité (DRS), couronnée par le limogeage de son patron Mohamed Lamine Mediene, comme au sein de l’Armée nationale populaire (ANP), a été diversement apprécié par le commun des observateurs.
Du côté du clan présidentiel, la purge est expliquée par le besoin de «civilisation» de l’Etat algérien et d’en finir avec l’époque du DRS «faiseur et défaiseur» de présidents. D’un autre côté, -et c’est la thèse la plus plausible-, ce processus aurait pour seul but de neutraliser toute velléité d’opposition au clan présidentiel pour que ce dernier puisse s’assurer une «survie» très hypothétique.
L’historien Bernard Lugan, éditorialiste et fondateur de la revue «Afriques réelles», partage parfaitement ce dernier son de cloche. Dans un éditorial, paru dans le dernier numéro de la revue, ce maître de conférences à l’université Lyon III estime que la famille Bouteflika compterait «neutraliser par avance toute contestation du président qu’elle voudrait se choisir».
«L’armée et les forces de sécurité sont actuellement épurées des cadres qui ne lui ont pas fait allégeance. La longue liste des suspects vient encore de s’allonger avec la mise à la retraite de 12 généraux et de 2 colonels du DRS (les services spéciaux), ainsi que de 14 colonels de la justice militaire», observe le chercheur.
«Deux hommes exécutent la manœuvre décidée par Saïd Bouteflika, le frère du président moribond. Le général Gaïd Salah, chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, est chargé d’épurer l’armée. Le général Tartag, quant à lui, a reçu pour mission de «nettoyer» le DRS de tous ceux qui pourraient avoir conservé des liens avec le général Mediene, leur ancien chef évincé le 13 septembre».
Mais voilà, le président Bouteflika a des comptes à rendre à son peuple. «De 1999, date de l’arrivée au pouvoir de Abdelaziz Bouteflika, à 2013, veille de l’actuelle crise pétrolière, l’Algérie a engrangé entre 800 et 1000 milliards de dollars de revenus tirés des hydrocarbures. Où est passée cette somme colossale? Aucune industrie n’a été créée, aucun véritable développement agricole n’a été entrepris. La rue va donc demander des comptes», analyse l’historien.
En se débarrassant d’éventuels pourfendeurs de leur régime, «ceux qui ont pillé le pays» voudraient un président qui ne soit pas en dehors du clan Bouteflika et s’assurer une «transition politique» stable. Ils seraient d’ailleurs aidés en cela par les pays européens qui «n’ont pas davantage intérêt à une explosion en Algérie», estime l’éditorialiste.
Seulement, leurs attentes, comme celles d’ailleurs des apparatchiks algériens, risquent d’être déçues. Et pour cause. «Entre 1986 et 2015, la population algérienne a doublé. Il y a aujourd’hui deux fois plus d’hommes, de femmes et d’enfants à nourrir, à soigner et à vêtir», relève l’éditorialiste.
«Or, l’Algérie ne produit rien, achète tout à l’extérieur… Comment le fera-t-elle dans 18 mois quand ses 150 milliards de réserves de change auront disparu? », s’interroge le chercheur.