Tout d’abord, la dépénalisation de la culture du cannabis libérerait des milliers de cultivateurs du nord du joug des réseaux de trafic de drogue. Ensuite, l’action permettrait de créer un marché formel et légal qui s’inscrirait dans la nouvelle tendance mondiale. Dans ce sillage, le Maroc aura un grand rôle à jouer, notamment dans le domaine du cannabis à usage récréatif ou médical, conclut le mensuel de l’Agence marocaine de presse, BAB Magazine dans sa dernière livraison.
Pour ce faire, «il n’y a presque plus de raisons objectives de maintenir la prohibition du cannabis au Maroc. Ni géopolitiques, ni morales et encore moins économiques. Sur ce sujet, aussi, il faut que le politique se mette au diapason de la réalité, notamment internationale», écrit l’éditorialiste du magazine, Khalil Hachimi Idrissi. Et de souligner, à la fin de sa plaidoirie, qu’«il faut juste oser et mettre davantage d'audace dans nos projections économiques». C’est dire que la question relève beaucoup plus du politique. Pour le démontrer, le magazine, qui a consacré un spécial à cette thématique, a abordé la question des points de vue scientifique, politique et même littéraire.
Politiquement, certains partis ont fait des propositions que leurs adversaires taxent de polémiques ou d’électoralistes. Dans ce sens, le Parti authenticité et modernité (PAM) et le parti de l’Istiqlal (PI) avaient présenté des projets de loi qui n’ont pas été étudiés. Les arguments mis en avant par les deux formations politiques et les pro-légalisation du cannabis au Maroc soulignent que «tous les projets et les programmes mobilisés pour cette région se sont avérés inefficaces», appelant à revoir la politique de développement durable dans le nord du Royaume.
C’est dans ce sens, rappelle le magazine, que le PAM avait organisé plusieurs journées d’études au sein du parlement mais également des rencontres dans les fiefs des agriculteurs. En 2015, le parti a déposé deux propositions de loi à la deuxième chambre: l'une visant à autoriser la culture du cannabis dans le nord du Royaume, la seconde appelant à une amnistie générale des cultivateurs poursuivis en vertu du code pénal. Dans une déclaration à BAB, le conseiller PAM, Larbi Mharchi, espère que «l’Exécutif fera preuve de courage et de volonté politique vis-à-vis de ces propositions de loi». L’appel, semble-t-il, a été entendu, puisque «le gouvernement, en la personne du ministre de la Justice, a donné son aval pour prendre part à l’examen de la proposition de loi», ajoute le magazine.
Sur les plans scientifique et médical, BAB a rapporté les avis des experts en la matière. «À la lumière des données expérimentales que nous avons entreprises sur quelques cultivars du cannabis marocain, nous avons noté un excellent pouvoir antiepileptique du cannabis», a fait savoir Zouhayr Souirti, neuro-chirurgien au CHU de Fès. Pour sa part, le docteur Dalila Bousta regrette que les médicaments utilisés dans le traitement de l’épilepsie soient toujours importés. «La molécule est prometteuse dans le traitement des troubles de la mémoire et des troubles dépressifs. Et il existe des perspectives d'usage du cannabis dans le traitement d’Alzheimer», a-t-elle expliqué.
Sous d’autres cieux, le cannabis est prescrit dans le traitement d’une large gamme de malaises et de pathologies, allant du stress et du manque d’appétit au cancer, au sida et aux maladies neurodégénératives. Au Maroc, cette plante étant encore frappée d’interdiction, ses propriétés thérapeutiques demeurent ignorées du public et inexploitées par les professionnels. Le cannabis est connu pour augmenter l’appétit et atténuer les nausées, les douleurs et les vomissements. La forte concentration en THC ou cannabinoïdes fait du cannabis un produit utile, même dérivé, dans le traitement du cancer ou encore du sida. Le cannabinoïde de synthèse contenu dans le cannabis est idéal pour faire régresser les tumeurs cérébrales cancéreuses. C’est cette faculté qui favorise l’accroissement des cellules saines, écrit le magazine.
En terme d’économie, poursuit le magazine, un rapport sur l'état du trafic de drogue et de substances illicites du département d'État américain avait estimé la production totale annuelle de cannabis au Maroc à 700 métriques, ce qui équivaut à près de 100 milliards de dollars, soit 23% du PIB national. «Légaliser le cannabis reviendrait notamment à bâtir une industrie pharmaceutique nationale forte qui boosterait la dynamique exportatrice et atténuerait le déficit commercial. Aujourd'hui, certains partenaires du Royaume récupèrent le cannabis marocain pour en soustraire des médicaments de plus en plus prisés dans le domaine médical. Ce n'est pas normal», souligne Mohamed Badir, conseiller économique auprès du PAM.
Enfin, le spécial du magazine a braqué ses projecteurs sur la littérature: des écrivains exploitent la thématique du cannabis. En effet, des hommes de lettres marocains, Mahi Binebine, Mohamed Mrabet et feu Mohamed Leftah ont abordé le thème du cannabis dans leurs œuvres littéraires. La littérature mondiale ne déroge pas à la règle. La littérature de façon générale fait bon ménage avec le cannabis. A quand le courage politique?